Homélie du dimanche 28 mai 2017

Imaginons l’ambiance du Cénacle où l’auteur de l’évangile de Jean situe la prière de Jésus à son Père. La nuit est tombée sur Jérusalem. Dans la chambre haute du Cénacle, les torches et les flambeaux jettent des lueurs incertaines et changeantes sur le visage des apôtres et aussi des disciples, hommes et femmes qui viennent de partager le repas pascal. Ils sont fascinés par ce que leur dit le Maître dans une sorte de longue méditation, une fervente incantation, et qui ne leur a jamais parlé avec autant d’intensité et de passion contenues. Il leur livre le fond de son cœur.

Jésus sait que sa mort est imminente : Judas est déjà sorti pour indiquer à ses ennemis où ils pourront l’arrêter sans craindre les réactions de la foule.

S’adressant directement à celui qu’il appelle son Père il dit, L’heure est venue où tu vas être glorifié et ou tu vas me glorifier.

Ce mot ‘’glorifier’’ n’a pas pour nous une signification très claire. C’est un terme biblique qu’on peut traduire par  ‘’manifester au grand jour, dévoiler, révéler‘’ ce qu’est une personne, un être, au-delà des apparences.

Le Dieu qui va être manifesté clairement n’est pas celui que les compagnons de Jésus espéraient : un Dieu qui enverrait un Messie guerrier qui chasserait les Romains hors de la Palestine et rétablirait la suprématie d’Israël sur tous les autres peuples, les autres peuples qui viendraient adorer Dieu dans son Temple à Jérusalem. Oui, Dieu serait alors vraiment glorifié dans sa Toute Puissance et sa splendeur et Israël avec lui.

Or Dieu va se manifester, se montrer,  cloué sur une croix d’infamie, couvert de sang et de crachats, avec sur la tête le signe dérisoire de sa soi-disant royauté, une couronne de ronces entrelacées. Les disciples seront tellement déconcertés qu’ils prendront la fuite.

Pour eux, et aussi pour beaucoup de nos contemporains, Dieu est le Tout Puissant, qui punit ceux et celles qui lui déplaisent, qui, arbitrairement, appelle à l’existence, puis ‘’rappelle à lui’’ comme le disent encore certains faire-part de décès.

Pour les pharisiens, les scribes, l’aristocratie sacerdotale, complices des occupants, Jésus, le charpentier de Nazareth est un imposteur, un blasphémateur. Ils vont l’envoyer à une mort ignoble. C’est la victoire du Dieu vengeur sur le Dieu d’amour prêché par le soi-disant prophète de Galilée.

Or, ce Jésus humilié, qui n’a plus figure humaine, ce Jésus abandonné de tous et, semble-t-il, même de son Dieu Mon Dieu, mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné !  Dieu va le glorifier, le révéler comme celui qui est  vainqueur de la mort par l’amour, car seul l’amour est tout puissant, car seul l’amour peut donner la vie éternellement, la Vie avec Dieu, la vie de Dieu, la vie divine.

Bientôt, les disciples comprendront. Jésus a glorifié son Père, l’a manifesté, l‘a rendu visible  Qui me voit le Père, par son amour pour Lui et pour tous les hommes. Et Dieu va glorifier Jésus en le ressuscitant.

Tout s’éclairera pour les disciples : Jésus a glorifié, révélé Dieu par son amour et Dieu a glorifié, révélé Jésus comme son Fils en le ressuscitant. Dieu et Jésus, c’est tout un. ‘’Ne vois-tu pas, Philippe, que je suis dans le Père et que le Père est en moi’’ La vie éternelle, c’est de te connaître, toi, le seul Dieu, le vrai Dieu et de connaître celui que tu as envoyé, Jésus, ton Fils bien aimé.

À nous de nous interroger pour y voir plus clair et ‘’glorifier Dieu’’. En quel Dieu croyons-nous ? À quel Dieu donnons-nous notre confiance ? Quel Dieu glorifions-nous, révélons-nous par notre manière  de vivre. Quelle gloire espérons-nous de ce Dieu qui s’est manifesté à nous ?

Quelle densité d’amour, quel poids d’amour, donne à nos paroles, à nos actions, à nos vies un rayonnement, une lumière intérieure, une stabilité, un centre de gravité, une assise, un socle intérieur. Autrement dit, quelle place laissons-nous à l’Esprit de Dieu pour qu’il fasse en nous sa demeure, pour densifier nos vies, pour manifester, glorifier le Dieu que nous aimons. Ô Seigneur envoie ton Esprit qui  renouvelle la face de la terre !  Ce chant de la Pentecôte peut être aussi, dans la sérénité, notre prière quotidienne. 

Roland Chesne

Prêtre à Vernonnet (Diocèse d'Evreux)

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