Reuters Staff / Reuters

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Quand il rencontrera le pape, Trump aura beaucoup de choses à se faire pardonner

INTERNATIONAL - La rencontre s'annonce singulière, pour ne pas dire incongrue. Le pape François, défenseurs des pauvres et solidaire du sort des réfugiés, recevra Donald Trump, visage de l'opulence et de l'isolationnisme, mercredi 24 mai en début de matinée au Vatican. Le président américain, arrivé à Rome mardi soir, y poursuit sa tournée des hauts lieux des trois grandes religions monothéistes, après l'Arabie saoudite et Israël.

C'est peut-être la première fois que le président américain se retrouve face à une personnalité autant, voire plus influente que lui. La rencontre s'annonce donc périlleuse pour lui, d'autant plus que les deux hommes ont plusieurs fois exposé leurs profondes divergences, notamment pendant la campagne présidentielle américaine.

Le désaccord sur le mur de Trump

Si certaines prises de position de Donald Trump, comme le rejet de l'avortement et de la contraception, peuvent rapprocher les deux hommes, leurs échanges à distance se sont plutôt focalisés sur ceux qui les oppose. Interrogé sur le président américain en février 2016, le pape n'avait ainsi pas caché son hostilité à l'égard du projet de construction d'un mur entre les États-Unis et le Mexique.

"Une personne qui veut construire des murs et non des ponts n'est pas chrétienne", avait assuré le pape. La déclaration avait provoqué une réaction courroucée du magnat de l'immobilier, qui avait jugé "honteux" qu'un responsable religieux "mette en doute la foi d'une personne" (il avait aussi accusé le Mexique d'avoir demandé au pape de l'attaquer, et les médias d'avoir exagéré la teneur des propos du pape).

La veille de l'élection, le pape avait aussi demandé aux chrétiens de ne pas se laisser tenter par "la fausse sécurité des murs physiques ou sociaux": "tous les murs tombent. Tous. Ne vous faites pas avoir", avait-il dit.

Rebelote le 20 janvier, lors de la prestation de serment de Donald Trump. Le pape avait alors prié pour que ses décisions soient "guidées par les riches valeurs spirituelles et éthiques" du peuple américain, avec une "préoccupation pour les pauvres et les exclus".

De telles prises de position de la part du pape sont un fait inédit. Pour le journaliste et spécialiste du Vatican Iacopo Scaramuzzi, François a pu voir un intérêt à se défaire ainsi de la tradition papale en attaquant frontalement le candidat. "Quand il a critiqué Trump (sur la question du mur, ndlr), même les diplomates du Vatican ont été surpris par une telle attaque contre un potentiel futur président des États-Unis, confie-t-il à Politico. Mais c'était une attaque intentionnelle. Un conflit explicite peut être utile: prendre l'autre comme exemple de ce qui est mal peut permettre d'envoyer un message à ses propres soutiens".

"Le nouveau pape est un homme humble, comme moi"

Que ce soit sur l'immigration, les réfugiés ou le changement climatique, les deux hommes sont aux antipodes. Quand l'administration américaine essaie d'interdire l'entrée aux États-Unis des ressortissants de pays musulmans, le pape ne cesse de magnifier "le devoir sacré de l'hospitalité" face à des migrants forcés de fuir la guerre ou la misère. Quand Trump promet de sortir de l'accord de Paris sur le climat, le pape François consacre une encyclique à l'environnement, dans laquelle il rappelle que la dégradation climatique nuit d'abord aux plus pauvres.

Ils pourront quand même se retrouver sur (au moins) un point: leur parcours. Donald Trump a fait faillite plusieurs fois avant de devenir milliardaire; le pape François, lui, a été envoyé par ses pairs jésuites en exil forcé à Cordoba après des désaccords, avant de devenir évêque. Trump est le premier Américain devenu président sans expérience politique; le pape François est le premier Latino-Américain à s'installer au Vatican.

En 2013, quand il n'était pas encore question de mur, Donald Trump lui-même avait vu dans la vie du pape François un miroir de sa propre expérience d'outsider. "Le nouveau pape est un homme humble, comme moi, ce qui explique sans doute pourquoi je l'apprécie tant !", avait-il tweeté.

La spontanéité, l'une des autres caractéristiques que les deux hommes ont en commun, a fait craindre à de nombreux observateurs une rencontre imprévisible. Ils ont toutefois tempéré tous deux leurs ardeurs, le pape expliquant qu'il "ne jugerait pas Trump avant de l'avoir rencontré", et le président américain avouant qu'il "n'aimait pas se battre avec le pape".

"Généralement, les présidents cherchent à se faire bien voir de l'homme qui est un guide spirituel pour des dizaines de millions d'Américains, explique à CBS News Candida Moss, professeur de théologie à l'Université catholique de Notre Dame, dans l'Indiana. Ils rencontrent aussi quelqu'un qui est à la tête d'un État qui a un grand pouvoir diplomatique dans le monde."

Le plan B du pape si l'entretien se passe mal

Au cours de leur entretien, qui devrait durer entre 20 et 30 minutes, les deux hommes pourraient aborder la question de la probable nomination de Callista Gingrich au poste d'ambassadeur au Vatican. L'arrivée en Italie de cette catholique affichée de 51 ans, épouse de l'ancien président de la Chambre des représentants Newt Gingrich, n'est pas exempte de controverses: elle est la troisième femme de Gingrich, avec qui elle a entretenu une relation de plusieurs années quand elle était encore une jeune assistante parlementaire et lui était toujours marié à sa précédente femme.

Si l'entretien tourne mal, le pape a tout prévu: entre 9 heures et 9 heures 15 le mercredi, le pape a l'habitude d'aller saluer la foule dans sa papamobile. "Il n'a pas libéré toute sa matinée pour rencontrer Trump, explique le journaliste Robert Mickens. Ca permettra au pape de dire: 'je suis désolé, je dois partir

  • Claire Digiacomi Claire Digiacomi est journaliste au Huffington Post.
  • Paul Guyonnet Paul Guyonnet est journaliste vidéo généraliste au Huffington Post France.

 

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