© Xavier POPY-POOL/SIPA

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Si l’on en juge par ses premiers pas, le nouveau président semble à l’aise dans ses fonctions, maîtrisant gestes, choix, paroles. C’est encore bien peu si l’on attend beaucoup. Si l’on persiste à penser que tout n’est pas « com », il faudra bien voir, sur le fond, de quelles premières mesures le nouveau pouvoir réellement accouche, et comment il s’y prend. Mais c’est déjà beaucoup si l’on attend au moins ce peu d’un chef d’État : qu’il habite avec sobriété et distance la dignité d’une monarchie élective. Relativement aux deux qui précèdent, la nouvelle présidence a le mérite de commencer droit.

L’autre réussite est pure politique. Après avoir éliminé au premier tour de la présidentielle les deux grands partis traditionnels, Macron veut parachever à droite le travail de sape entrepris à gauche. La nomination d’Édouard Philippe y contribue. Le nouveau Premier ministre entend précipiter la « recomposition ». Opportunisme et trahison ? Audace et cohérence ? On portera le jugement moral que l’on veut sur les personnes qui quittent leur famille naturelle pour rejoindre une famille recomposée. Plus que de gens, c’est affaire de cycle. Tirant de toutes leurs forces sur un tissu politique élimé, Jean-Luc Mélenchon et Marine Le Pen l’ont si complètement déchiré que s’ouvre en son milieu un espace neuf. Le talent du Président est de donner corps à ce que l’on prenait pour une chimère, cette « troisième force » ou ce « juste milieu » qui firent les beaux jours d’autres républiques, ces « deux Français sur trois » que Valéry Giscard d’Estaing courtisa et que Simone Veil ou Jacques Delors auraient rêvé de rassembler. Cet espace naguère insuffisant pour y loger une majorité peut-il être assez large ? C’est fort possible, car le Président va bénéficier durant les prochaines semaines d’une dynamique positive. Faut-il qu’il le soit, pour que Macron puisse gouverner, ou qu’il ne le soit pas, pour qu’il doive composer ? Laissons les électeurs en juger.

Comment qualifier tout cela ? Jean-Louis ­Bourlanges, observateur rallié à Macron, parle de « gaullo-­centrisme », cet oxymore. Centrisme, au sens de la ligne progressiste-libérale que veut assumer Macron, plus qu’au sens démocrate-chrétien, mais avec ce que cela suppose aussi de jeux de coulisses pour équilibrer des intérêts contraires. Gaullisme aussi, car cette élection a constitué un « coup de régime », une improbable suite d’échecs obligeant typiquement à se prononcer sur une personne recours. Ne sous-estimons pas la force d’un réseau militant nouveau et très engagé. Mais c’est un pouvoir assez pyramidal qui se met en place, consolidé par la seule loyauté à l’homme providentiel. Le processus de sélection des candidats aux législatives illustre cette verticalité descendante, doublement paradoxale dans une époque qui valorise le participatif et pour un projet qui veut libérer la société du choix. Est-ce donc l’impatient Louis Napoléon qui perce, ou le bien-aimé Henri IV qui règne, séduisant et réconciliant ? Il serait bien léger d’en juger déjà sur quelques premiers pas et surtout de toujours ramener le neuf au déjà-vu. Le macronisme a beau s’installer à l’Élysée comme à Matignon, l’objet politique n’est pas encore réellement identifié.

Jean-Pierre Denis, directeur de la rédaction à LA VIE

publiÉ le 16/05/2017

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