Une femme nommée à la tête de l’Eglise protestante unie de France

Agée de 46 ans, Emmanuelle Seyboldt, pasteure à Besançon, a été élue vendredi. Elle plaide pour une Eglise capable de « s’adapter » aux changements de la société.

Ce n’est pas tout à fait une nouveauté dans le protestantisme, mais c’est néanmoins un choix symbolique. Pour la première fois, l’Eglise qui fédère les courants historiques du protestantisme en France est présidée par une femme. Lors de son synode annuel, vendredi 26 mai, à Lille, le conseil national de l’Eglise protestante unie de France (EPUdF) a élu à sa tête Emmanuelle Seyboldt.

Agée de 46 ans, cette pasteure de Montbéliard (Doubs) succède à Laurent Schlumberger, le premier à avoir présidé l’EPUdF après sa naissance, en 2013, de l’union des églises réformée et luthérienne de la « France de l’intérieur » – l’Alsace-Lorraine ayant sa propre Eglise, concordataire. C’est justement à Strasbourg que l’on trouve l’unique précédent : de 1982 à 1988, Thérèse Klipffel avait présidé l’Eglise réformée d’Alsace et de Lorraine.

Une femme à la tête d’une Eglise chrétienne, la première au sein du protestantisme français, qu’est-ce que cela change ? « Je ne sais pas, répond prudemment Emmanuelle Seyboldt. Difficile de dire à l’avance ce qui va se passer. »

« L’Eglise aujourd’hui doit changer »

Cette pasteure exerçant à Besançon depuis quatre ans rappelle que dans son Eglise, les femmes comptent pour 35 % du corps pastoral. « Chez nous, elles peuvent être pasteure officiellement depuis 1965, mais pendant la guerre certaines l’étaient déjà. Je suis née après cette décision officielle. Pour moi, la place des femmes est quelque chose d’acquis », explique-t-elle.

Ça l’est peut-être moins pour d’autres confessions chrétiennes. Emmanuelle Seyboldt raconte avoir été frappée de cela il y a quelques mois : « J’étais invitée comme observatrice à une réunion œcuménique. Au bout d’un moment, je me suis rendu compte que j’étais la seule femme au milieu de trente hommes. Pour la première fois, j’ai pris conscience que cela pourrait faire bouger les choses. »

Et faire bouger les choses, justement, entre dans sa manière d’envisager son ministère. Le recul de la pratique religieuse – l’EPUdF compte quelque 250 000 fidèles engagés –, la difficulté de maintenir une vie d’église locale dans certains endroits, faute de pratiquants, la vitalité dont font preuve a contrario les courants évangéliques, le recul du christianisme dans la société actuelle, plus généralement les mutations du rapport au religieux, sont autant d’incitations à s’adapter pour un courant religieux qui a toujours eu le souci d’adapter l’expression de sa foi au contexte historique et social.

« L’Eglise aujourd’hui doit changer car le monde change, car la société change, et parce que Dieu nous appelle toujours à parler à nos contemporains, fait valoir la nouvelle présidente de l’EPUdF. La manière dont on doit adresser le message de l’Evangile doit s’adapter. »

Un modèle paroissial à vivifier

Le travail œcuménique avec les autres Eglises chrétiennes doit lui aussi s’adapter à la société telle qu’elle est. « Le christianisme en France est maintenant minoritaire, les croyants sont minoritaires, on ne peut pas faire comme s’ils étaient restés majoritaires, affirme-t-elle. La manière de travailler avec les autres chrétiens doit donc changer pour que nous puissions être des témoins audibles. Tous ensemble. Dans ce contexte, nos petites guerres de clocher deviennent ridicules. On doit regarder l’autre chrétien comme quelqu’un avec qui travailler. Sinon, nous ne sommes plus crédibles. »

Dans son parcours, Emmanuelle Seyboldt a animé des communautés très différentes. L’une, en Ardèche, était « une petite paroisse très dynamique concentrée dans un village », une autre, à Châtellerault, était au contraire très dispersée dans la Vienne, et enfin une grosse paroisse de ville à Besançon, depuis 2013. Cela lui a permis de mesurer à quel point, par endroits, le modèle paroissial traditionnel avait besoin d’être revivifié.

« Il nous faut trouver une articulation entre des lieux très vivants, qui portent l’Evangile de façon pertinente, et des communautés qui deviennent toutes petites, en campagne par exemple, pour que les premiers soutiennent les seconds », souhaite-t-elle.

L’Eglise doit aussi prendre en compte l’évolution des modes de vie. « Aujourd’hui, les gens sont mobiles, ils déménagent, ils changent de travail. L’Eglise ne peut l’ignorer. Or, quand les gens quittent une paroisse, ils ont parfois du mal à trouver leur place là où ils arrivent. Il faut savoir les accueillir ! » L’accompagnement des jeunes, l’attention portée à la façon de lire la Bible sont d’autres sujets sur lesquels Emmanuelle Seyboldt entend se pencher, au sein de la première église chrétienne à avoir donné à ses pasteurs la faculté de bénir des couples de même sexe.

Cécile Chambraud

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