Homélie du dimanche 25 juin 2017

Evangile Mt 10, 26-33

Arrêtez d’avoir peur de ceux qui peuvent vous harceler. Car il n’y a rien de ce qu’on a cherché à dissimuler qui ne sera révélé au grand jour, et aucun secret ne sera finalement connu.

Ce que je vous ai dit en cachette, allez le dire au grand jour. Ce que vos oreilles ont entendus, proclamez-le du haut de vos balcons.

N’ayez pas peur de ceux qui peuvent faire mourir votre corps, mais sans être capables de faire mourir votre flamme intérieure. Prenez plutôt garde à ce qui peut faire en sorte qu’à la fois votre flamme intérieure et votre corps soient jetés à la poubelle.

Est-ce que deux moineaux ne valent pas plus qu’un sou? Pourtant aucun d’eux n’ira s’écraser au sol à l’insu de votre Père.

Et vous, même tous les cheveux que vous avez sur la tête ont été inventoriés. Arrêtez donc d’avoir peur. Vous êtes plus importants que les moineaux.

Quiconque saura affirmer devant les autres ce qui j'ai mis dans son coeur, moi aussi je saurai défendre ce qu'il est devenu devant mon Père dans les cieux.

Mais si jamais quelqu’un a eu peur devant les autres de ce que j'ai mis en lui, alors je ne pourrai que désavouer ce qui en est résulté devant mon Père dans les cieux.

 

Homélie

J’étais peureuse. » Voilà comment une vieille dame dans un centre d’hébergement, célibataire et sans enfant, résume une vie où elle a passé 48 ans comme vendeuse dans une librairie. Imaginons un instant ce qui se serait passé si elle avait osé exprimer ce qui la passionnait, ce qu’elle désirait, ce qui l’intéressait, les lubies qui lui passaient par la tête. Peut-être serait-elle devenue attachée de presse pour un ministre quelconque, ou directrice de la Bibliothèque Nationale du Canada, ou encore membre du Service canadien du renseignement et de sécurité. Et peut-être aurait-elle rencontré un homme qui l’aurait soutenue et avec lequel elle aurait eu des enfants. Cela, on ne le saura jamais. La peur peut malheureusement déterminer le cours d’une existence.

La peur semble jouer un rôle considérable dans notre société moderne. Le 11 septembre 2001 nous a fait basculer dans un monde où le mot « terrorisme » se retrouve sur toutes les lèvres. Ce qui est étranger, différent ou nouveau est devenu menaçant. Et voilà que les chrétiens se retrouvent dans un monde où ils sont soit minoritaires, soit marginaux en considérant leurs valeurs ou leurs préoccupations. Mais ce qui s’applique au chrétien, s’applique à tout être humain qui, dans la découverte de ce qu’il est vraiment, rencontre le sarcasme ou l’opposition. C’est dans ce contexte que je veux relire l’évangile de ce dimanche.

« Arrêtez d’avoir peur. » Voilà ce que répète Jésus. « Ce que vous êtes vraiment, finira par éclater au grand jour. Aussi bien l’exprimer tout de suite. » Puis il ajoute : « Votre véritable ennemi, ce n’est pas ceux et celles qui peuvent vous harceler et vous causer des torts physiques ou financiers, mais ce sont ceux et celles qui feront en sorte que vous ne deviendrez jamais ce que vous êtes vraiment, si bien que vous n’exprimerez jamais ce souffle ou cette flamme que Dieu a déposé en vous. »

Facile à dire tout cela. Mais comment trouver l’assurance nécessaire. C’est ici qu’il ajoute ce qui est l’assise de notre foi : « Si Dieu se préoccupe des petits moineaux que vous trouvez insignifiants, si Dieu est capable de s’intéresser au nombre de poils que vous avez sur la tête, combien plus est-il capable d’être à côté de vous à chaque seconde de votre vie. » Jésus a pu dire ces choses parce que lui-même s’arrêtait, ému, devant des oiseaux qui pépiaient autour d’une graine, parce que lui-même prenait le temps de détailler un visage, et qu’il pouvait comprendre à travers ses propres sentiments que Dieu s’intéresse à tout cela. Et si Dieu s’intéresse à tout cela, c’est sûr qu’il s’intéresse à ce que je suis, à ce que j’ai d’unique, à ce que je vis.

Que ferions-nous si nous n’avions peur de rien? Nous dirions peut-être avec amour et affection certaines vérités difficiles à exprimer à des gens qui sont cause de préoccupation. Nous oserions nous opposer à certaines initiatives que nous trouvons dommageables. Nous prendrions le risque d’une nouvelle carrière, plus près des habiletés et des désirs que nous portons. Nous ferions confiance à l’avenir et suivrions notre désir d’avoir un enfant. Nous accueillerions des gens qui appartiennent à un univers qui nous déroute. Que sais-je? La liste est infinie comme l’éventail des possibilités de notre être.

L’évangile de ce jour est un extrait du discours de Jésus où il explique ce qui attend le disciple. À moins de vivre dans certains coins du monde où on brûle encore des églises, le défi qui nous attend comme chrétien n’est pas la persécution religieuse. Le défi est de résister à toutes les idéologies et toutes les tendances qui refusent l’unicité de chaque être humain, qui veulent l’empêcher de cultiver librement ce qui a été semé au creux de son être, qui se moquent de sa peine devant la misère des autres, qui ridiculisent son désir d’infini et ses aspirations à trouver la source de son être.

La finale de l’évangile peut sembler dure : « Celui qui m’aura renié devant les hommes, à mon tour je le renierai devant mon Père dans les cieux. » En fait, l’idée pourrait être mieux rendue comme ceci : « Celui qui aura refusé par peur de devenir l’être qu’il est, je ne pourrai pas dire oui au personnage qui en est résulté. » Alors courage ! N’ayons pas peur de l’être que nous sommes, des désirs et des pensées qui nous habitent. C’est ça qui peut faire une différence dans notre monde, si vraiment nous avons la foi, si vraiment nous croyons que Dieu porte attention à ce que avons d’unique.

André GILBERT, Bibliste (Canada)

Lien à la Source

 

Retour à l'accueil