Homélie du dimanche de Pentecôte – 4 juin 2017
02 juin 2017Évangile de Jésus Christ selon saint Jean 20,19-23.
C’était après la mort de Jésus. Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : « La paix soit avec vous ! »
Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur.
Jésus leur dit de nouveau : « La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie. »
Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : « Recevez l’Esprit Saint.
À qui vous remettrez ses péchés, ils seront remis ; à qui vous maintiendrez ses péchés, ils seront maintenus. »
Homélie
Deux textes bien différents (Actes des apôtres et Saint Jean) pour dire la même réalité Pentecôte. Heureusement que notre foi n’est pas accrochée au mot à mot des textes.
La 1ère lecture, au livre des Actes, est tout entière symbolique : Le temps est symbolique : 50 jours après Pâques : la Pentecôte juive. Le lieu est symbolique : les disciples sont réunis dans la chambre haute (leur refuge depuis l’Ascension). Le groupe est symbolique : ils sont tous ensemble autour des Douze. Il y a un grand bruit comme au Sinaï de la première alliance. Il y a un grand vent comme pour la traversée de la mer rouge. Il y a du feu comme autrefois sur la montagne fumante du Sinaï. Il y a du monde qui vient de partout. Ce texte dit que les apôtres ont compris l’événement Pentecôte dans la suite de l’Ancien Testament, comme une même histoire de libération qui se poursuit. Ce texte est donc clairement pédagogique.
Dans le texte de Saint Jean, la Pentecôte a lieu dès le soir de Pâques. Les apôtres ont verrouillé leur porte. Mélange de peur, de discrétion et de silence. Et Jésus vient. Et on arrive directement au fait, sans aucune préoccupation pédagogique. Pour les envoyer en mission, Jésus leur donne (leur fait) le souffle léger de son Esprit :
* Comme dans la Genèse (Gn 2), lors de la première création : “Dieu insuffla dans les narines de l’homme le souffle de vie”. Première naissance au début des temps.
* Comme dans Ezéchiel (Ez 37), lors de la dernière création : “Souffle sur ces ossements desséchés, et ils revivront”. Création de l’avenir, résurrection finale, au dernier jour.
Première et dernière création ! Entre les deux, il y a la création actuelle, en train de se faire : le Souffle de Dieu est chaque jour à l’œuvre. Saint Jean décrit la présence et l’action de Dieu par ce qui est à la fois le plus commun et le plus fondamental : respirer ! Tous les vivants respirent le même oxygène. Image saisissante de Dieu qui nous fait vivre ! Voilà donc Jésus qui “souffle” sur ces hommes en disant : “Recevez l’Esprit Saint”, comme Dieu, à l’origine, avait “soufflé dans les narines de l’homme l’haleine de vie”. Tout se passe comme si Jésus était en train de recommencer l’homme, de le créer à nouveau ?
“Les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des juifs.” C’est si vite fait, l’enfermement : non seulement celui dont on peut être victime, mais aussi celui dans lequel on s’enferme soi-même. Jésus franchit les verrous et annonce : “La paix soit avec vous !” Aux hommes anxieux, il veut d’abord donner “la paix”, cette paix avec soi-même, souvent la plus difficile à trouver. Ailleurs il précise : ma paix. Ce n’est pas une paix ordinaire. Ce n’est pas la tranquillité d’une petite vie sans histoires. Ce n’est pas : je vous fiche la paix. On sait trop comment son existence fut mouvementée et risquée. Et on se souvient qu’en souhaitant la paix, il montra ses plaies. Nos textes d’aujourd’hui parlent de la paix comme d’une immense transformation intérieure, d’un véritable bouleversement arrivé aux premiers chrétiens, dans le sens d’une ouverture aux autres, d’un envoi en mission : chacun les entendait proclamer les merveilles de Dieu dans sa propre langue. On rêve quelquefois d’une langue commune pour se faire comprendre. Non ! C’est l’inverse. C’est à l’Eglise qu’il revient d’assumer les langues et les cultures des hommes. Il ne s’agit pas pour elle d’amener les hommes à comprendre son langage à elle, mais bien de leur parler leur langue à eux, de retraduire sans cesse son message pour le rendre compréhensible à tous.
Le théologien Rey Mermet, dans un de ses livres intitulés Croire, écrit : “A la Pentecôte, les apôtres ont lu l’Ecriture avec des yeux tout neufs. « Ce Jésus que vous avez mis à mort, il est ressuscité. Nous en sommes témoins. Il nous envoie apporter la Bonne Nouvelle. » Et ces hommes peureux, qui s’enfermaient à double tour pour éviter le contrecoup du Vendredi Saint, ne trembleront plus jamais devant un tribunal humain. L’Evangile est enfin compris comme une Bonne Nouvelle. Et avec les apôtres, c’est l’humanité entière qui est soulevée par la foi, l’espérance et la charité.”
Robert Tireau
Prêtre du Diocèse de Rennes