Migrants: des "sas" de pré-orientation pour tenter de répondre à l'afflux vers Paris
27 sept. 2017Un migrant sur le trottoir dans le quartier de la Porte de la Chapelle, à Paris, le 29 juin 2017 / AFP/Archives
Des centres de pré-orientation pour rationaliser l'accueil des migrants: ce dispositif, censé répondre à l'engorgement des structures à Paris, fait grincer des dents parmi les associations, qui redoutent un "centre de tri", et chez certains élus.
QUEL EST LE DISPOSITIF PREVU?
Le préfet d'Ile-de-France Michel Cadot a annoncé lundi l'ouverture de plusieurs "lieux de pré-orientation" à destination des migrants qui errent dans les rues de Paris.
Un premier "sas", d'une capacité de 200 à 250 places, ouvrira "pour le 1er octobre", selon M. Cadot, qui n'a pas précisé le lieu exact. Mais selon des sources proches du dossier il s'agirait de Cergy (Val-d'Oise).
Un deuxième centre devrait ouvrir à Paris intramuros dans les prochaines semaines, puis un troisième dans un département francilien. A terme, il y aura "un centre par département" en Ile-de-France, soit six au total, précise-t-on à la préfecture.
Grâce à des maraudes, les migrants seront amenés vers ces "sas" où leur situation administrative sera examinée, avec une répartition rapide ensuite vers des centres d'hébergement distincts selon qu'ils sont demandeurs d'asile, primo-arrivants, réfugiés...
Quant aux "dublinés" (ces migrants enregistrés ailleurs en Europe et qui ont "obligation de repartir rapidement" vers ce pays" selon le préfet), ils seront orientés vers des structures ad hoc (un millier de places ont été créées pour eux cet été en Ile-de-France).
L'initiative ne fait pas que des heureux: même si la décision vient de l'Etat, la présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, a assuré que "ce n'est pas aux départements de la banlieue de subir les nuisances que Paris ne veut pas subir".
POURQUOI AGIR MAINTENANT?
Après trente-cinq évacuations en deux ans, il faut trouver une solution à l'errance chronique des migrants à Paris, où le centre humanitaire, unique en son genre, sature. "Il y a un millier de migrants dehors", assure François Sivignon de Médecins du Monde.
Mais la préfecture veut surtout répondre au double engagement d'Emmanuel Macron: n'avoir "plus personne à la rue" d'ici la fin de l'année, et procéder au traitement des dossiers de migrants "dès la première minute".
Cela suppose, pour les pouvoirs publics, de régler plusieurs points: ne plus surcharger un dispositif d'hébergement déjà enkysté, rationaliser la procédure d'examen des situations administratives qui ne va pas toujours à son terme à Paris, et enfin accélérer le transfert des "dublinés" -- le taux plafonnait à 10% l'an dernier.
Avec le nouveau dispositif, "les personnes sont davantage regroupées selon la nature de leur dossier", d'où une capacité à "mieux piloter la durée d'hébergement", a fait valoir M. Cadot.
Mais les associations dénoncent des "centres de tri", avec des conséquences claires pour les migrants: "Il y a une volonté d'accélérer la procédure d'asile pour mieux accélérer les renvois", estime Françoise Sivignon.
S'AGIT-IL DE DUPLIQUER LE CENTRE HUMANITAIRE PARISIEN?
Ouvrir des centres ailleurs en province est une demande récurrente des associations et de la maire de Paris Anne Hidalgo.
Comme le centre humanitaire, les "sas" de pré-orientation proposeront un accueil inconditionnel, de courte durée, avant une réorientation rapide.
En revanche "on ne sait pas qui gérera, s'il y aura comme à Paris un dispositif de santé, quelle sera la place des associations..." ajoute Mme Sivignon.
Mais la grande différence vient de l'examen de la situation administrative -- en ce sens, on est plutôt sur le modèle de deux nouvelles structures ouvertes dans le nord de la France cet été (centres d'accueil et d'examen des situations, CAES).
Or dans ces centres le "taux d'évaporation" atteint 50%, assure Jean-Claude-Mas de la Cimade, qui prévient: "si les gens se rendent compte qu'on contrôle, ils n'iront pas, ou il s'échapperont". Avec un retour à la rue.
Autre condition de succès, "ces centres ne peuvent être limités à la région parisienne", estime Pierre Henry de France terre d'asile, qui plaide pour une ouverture sur la route des migrants, notamment dans le couloir rhodanien.
afp