A droite, Aung San Suu Kyi (R) lors de sa rencontre avec le pape François le 28 novembre  / VINCENZO PINTO/AFP

A droite, Aung San Suu Kyi (R) lors de sa rencontre avec le pape François le 28 novembre / VINCENZO PINTO/AFP

Le pape est entré mardi 28 novembre dans le vif politique de son voyage en Birmanie.

Sans jamais citer le mot « Rohingya », le pape a soutenu le processus de réconciliation en cours dans le pays en insistant sur « le respect de tout groupe ethnique et de son identité, sur le respect de l’état de droit et d’un ordre démocratique ».

À Naypyidaw, la très impersonnelle capitale officielle de la Birmanie construite en 2005 au centre du pays, par les militaires, le pape François est entré hier dans le vif politique de son voyage. « L’avenir de la Birmanie doit être une paix fondée sur le respect de la dignité et des droits de tout membre de la société », a-t-il expliqué dans son discours aux autorités, insistant sur « le respect de tout groupe ethnique et de son identité » et celui « de l’état de droit et d’un ordre démocratique qui permette à chaque individu et à tout groupe – aucun n’étant exclu – d’offrir sa contribution légitime au bien commun ».

Le pape a aussi fermement défendu le travail des Nations unies

Au fil d’un discours diplomatique finement ciselé, il a apporté un soutien appuyé à la politique de réconciliation d’Aung San Suu Kyi, avec qui il a eu auparavant un entretien privé d’une bonne vingtaine de minutes, mais aussi à la communauté internationale qui s’inquiète depuis plusieurs mois du sort fait aux Rohingyas et critique l’ancienne prix Nobel de la paix. Aussi, sans jamais prononcer le mot « Rohingya », afin de ménager les susceptibilités birmanes, mais après qu’Aung San Suu Kyi a évoqué ce conflit, le pape a été on ne peut plus clair.

Il a nettement soutenu les efforts du gouvernement « pour tenter de mettre fin à la violence, construire la confiance et garantir le respect des droits de tous ceux qui considèrent cette terre comme leur maison », façon d’évoquer la minorité musulmane considérée comme apatride par les Birmans mais se considérant chez elle à l’ouest du pays.

Devant de nombreux militaires, il a aussi fermement défendu le travail des Nations unies, critiquées par l’armée, rappelant la Déclaration universelle des droits de l’homme « comme base aux efforts de la communauté internationale pour promouvoir dans le monde entier la justice, la paix et le développement humain, ainsi que pour résoudre les conflits par le dialogue et non par l’usage de la force ».

Très applaudi, le pape a enfin longuement salué le rôle des religions qui « ne doivent pas être des sources de division et de méfiance, mais plutôt une force pour l’unité, pour le pardon, pour la tolérance et pour la sage construction de la nation » et doivent pouvoir « jouer un rôle significatif dans la guérison des blessures » et pour « extirper les causes du conflit ».

Le pape avait reçu le général Min Aung Hlaing

Un message que François avait déjà exprimé, le matin même à l’archevêché de Rangoun, lors d’une rencontre avec les responsables religieux birmans, dont deux musulmans. « La paix se construit dans le chœur des différences. L’unité vient toujours de la diversité », a-t-il insisté en espagnol, mettant en garde contre « une tendance à l’uniformité » fruit de la « colonisation culturelle » qui empêche « de comprendre nos différences ethniques, religieuses et populaires ».

Si Aung San Suu Kyi s’est félicitée du soutien « inestimable » des « bons amis qui ne souhaitent que nous voir réussir », il reste à savoir si le discours papal est entendu des militaires birmans qui conservent un grand pouvoir au sein de l’appareil d’État. Au point qu’il est difficile de mesurer si le gouvernement démocratiquement élu a réellement prise sur leurs actions. Et notamment sur les opérations contre les Rohingyas.

Lundi soir, quelques heures seulement après son arrivée, le pape avait reçu le général Min Aung Hlaing, chef de l’armée de l’armée, anticipant un rendez-vous prévu jeudi matin avant son départ pour le Bangladesh. Au cours de cette « visite de courtoisie » à laquelle participaient aussi des commandants de régions militaires, il a surtout été question de « la grande responsabilité des autorités du pays dans cette période de transition », a expliqué le Vatican.

Dans une déclaration, le général Min Aung Hlaing a répété peu après qu’il n’y a « aucune discrimination religieuse (ni) ethnique en Birmanie » avant de longuement s’exprimer sur la contribution des religions dans le processus de réconciliation et de se féliciter que le pape rencontre les responsables religieux. Difficile néanmoins de dire s’il s’agit là de pieuses paroles ou si le pape a effectivement semé, jusque chez les militaires, des graines de dialogue.

Nicolas Senèze, à Naypyidaw, Rangoun (Birmanie)

 

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