La Pauvreté dans l'Eure
17 nov. 2017BERNARD PRÉVELLE, PRÉSIDENT DU SECOURS CATHOLIQUE :
« Nous sommes un filet de sécurité »
À la tête du Secours Catholique de l’Eure depuis trois ans. Bernard Prévelle dresse un constat sans concession sur l'augmentation de la pauvreté à Évreux.,.
Quels « enseignements» tirer du rapport publié par le Secours Catholique sur l'état de la pauvreté ?
Il faut bien avouer que les questions récurrentes ont trait à l'emploi et aux situations de rupture familiale. Elles touchent, en premier lieu, les personnes isolées, phénomène particulièrement marqué en milieu rural. Je note que les plus pauvres d'entre nous ne sont pas toujours en capacité de répondre à des formalités administratives de plus en plus complexes. Au final, ils se retrouvent en déshérence de droits.
Par exemple ?
Faute de savoir constituer un dossier, ceux qui peuvent prétendre aux allocations-chômage, au RSA ou à une pension d'invalidité passent au travers. D'ailleurs, la CAF va mettre en place un dispositif pour localiser les personnes qui ont des droits.
150 € par mois !
Ave2-vous une photographie de la situation à Évreux ?
En préambule, je voudrais préciser qu'en France, le seuil de pauvreté représente 50 % du revenu médian, Soit, pour une personne isolée, 548 € bruts par mois. Mais je peux vous dire qu'à Evreux, nous sommes nettement en dessous de ce seuil, À La Madeleine, une fois qu'elles ont réglé leur loyer et leurs factures (eau, gaz, électricité), certaines personnes vivent avec 5 € par jour Ce qui signifie que, chaque mois, elles disposent de 150 € pour se nourrir et s'habiller I Parfois même, elles n'ont plus de ressources, car elles sont arrivées au terme de leurs droits.
À ce stade de misère, comment font-elles pour s'en sortir ?
Elles viennent frapper aux portes des organismes de solidarité : Croix-Rouge, Secours Catholique, Secours Populaire, Les Restos du cœur. Ces personnes nous sollicitent pour faire face à des factures ou des loyers impayés, demander une aide alimentaire ou honorer un déplacement.
Combien de dossiers, en moyenne, traitez-vous 7
L'an dernier, nous avons été confrontés à 2 500 situations différentes à Évreux et sur le territoire de l'Aggio. Le nombre est en constante augmentation avec, en premier lieu, les familles monoparentales (30 %), suivies des adultes Isoles (25 %), les travailleurs pauvres et les personnes qui arrivent à la retraite après une période difficile : maladie, handicap. Au total, les demandeurs d'asile représentent plus de la moitié de nos interventions
« Retrouver confiance et dignité »
Quelle est la nature de votre engagement ?
On vient en relais des services sociaux des mairies ou du Conseil départemental. Sur le plan financier, par exemple, le Secours Catholique a, l'an dernier, débloqué 33 000 € pour remédier aux cas les plus urgents. C'est un filet de sécurité pour les situations catastrophiques. Mais dans le même temps, il importe d'aider les plus démunis à retrouver confiance et dignité. On vérifie, aussi leur capacité à se faire soigner et à répondre à leurs obligations.
5ous-entendu ?
Quand des gens sont expulsés de leur logement, c'est, qu'à un moment donné, ils n'ont pas honoré leurs engagements ou épluché leur courrier, faute de « motivation » ou de confiance en eux, D'où la nécessité d'établir un processus d'évaluation pour éviter que pareille mésaventure ne se reproduise.
Vous « gagnez » à tous les coups ?
La priorité, c'est de réinscrire la personne dans son droit. En parallèle, nous proposons diverses activités pour redonner, aux plus démunis, une vie sociale : voyages de l'espérance, prise de repas en commun, apprentissage de la langue française, initiation à l'informatique, aide à la gestion et a l'administration, comment répondre à un courrier de la CAF, etc. C'est la somme d'efforts à déployer pour faire reculer la pauvreté...
Propos recueillis par A. Guillard
Eure Infos Mardi 14 novembre 2017 page 5