© Corinne MERCIER / CIRIC

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Jeudi 16 novembre à 10h à l’église Saint Germain des prés à Paris, la messe de la « Saint Martin », Patron des Policiers, présidée par Hervé GIRAUD, Prélat de la Mission de France et Archevêque de Sens et Auxerre, animée par la Communauté Chrétienne des Policiers de France, « Police et Humanisme », a réuni des Policiers d’Ile de France, les familles des policiers décédés dans l’année ainsi que les personnels de la Préfecture de Police de Paris et du ministère de l’Intérieur. La musique de la Police de Paris contribuait à l’émotion et à la grandeur de ce moment.


Voici l’homélie de notre Evêque, Hervé GIRAUD :


« La première lecture fait l’éloge de la sagesse. « Il y a dans la Sagesse un esprit intelligent… ami du bien, ami des hommes. La Sagesse surpasse tout… Elle est la respiration de la puissance de Dieu. Elle est le rayonnement de la lumière éternelle, l’image de la bonté de Dieu. » Comment acquérir cette sagesse alors que notre pays, comme d’autres, affronte tant d’épreuves, de drames, de violences. Les policiers, gendarmes ou sapeurs-pompiers, qui sont précisément là pour garantir la sécurité et protéger l’exercice de nos libertés, n’échappent pas à ce tourbillon au milieu duquel nous désirons encore plus la paix et la sagesse. Les réseaux sociaux permettent une grande liberté de parole, mais apportent aussi les insultes et les réactions sans sagesse ni discernement. Comment alors accueillir cette sagesse, cette intelligence, ce rayonnement de la bonté de Dieu ? Car cette sagesse est probablement ce qu’il y a de plus nécessaire à notre temps, à notre cœur, pour vivre la complexité actuelle, dans la paix à laquelle chacun aspire. La sagesse ne serait-elle pas comme le langage de Dieu, de Dieu qui aspire de tout son Esprit à nous donner cette sagesse pour que les hommes et les femmes vivent en paix ?
Le texte affirme que la sagesse reçue fait de nous « des prophètes et des amis de Dieu ». Quand les prophètes semblent avoir disparu de notre temps, la sagesse ne serait-elle pas le prophétisme de l’ordinaire ? Cette sagesse s’acquiert comme un don de l’Esprit : elle est d’abord définie comme un « esprit intelligent ». La sagesse n’a rien d’un étendard, elle est la manière dont doivent se comporter les chrétiens, leur manière de discerner des choix cohérents, en conscience et en situation. Dans une société anxiogène, n’aurions-nous pas à apporter cette sagesse qui donne paix et sérénité d’abord en nous-mêmes pour la transmettre ainsi aux autres ? La sagesse, disait saint Augustin, nous enseigne au-dedans. Aujourd'hui, nous n’avons pas besoin d’excitateurs, pas besoin de cette multitude de polémiques quotidiennes déclenchées à la moindre phrase, adroite ou maladroite. Nous avons besoin d’une paix intérieure qui permette une paix extérieure. Nous avons besoin de femmes et d’hommes de paix, de gardiens de la paix, de gardiens de la sagesse.
Comme beaucoup d’autres corps sociaux, la police, la gendarmerie, les sapeurs pompiers connaissent autant les applaudissements que le dénigrement. Il y a la police que l’on aime et la police que l’on connaît peu ; la police discrète et la police vigilante. Vous suscitez des réflexions ou des émotions contradictoires : aimés un jour et haïs le lendemain. La sagesse nous aide à prendre le recul nécessaire devant toutes ces réactions qui sont rarement des signes de maturité dignes de notre humanité. Il faut décidément beaucoup de sagesse intérieure pour résister à toutes les pressions de notre monde.
Lorsque, le 22 mars 1993, la Conférence des évêques de France a donné son accord pour que saint Martin devienne le saint patron des policiers en France, elle a orienté votre devise vers une maxime précisément attribuée à saint Martin : « Ils veillent sur la patrie. (Pro patria vigilant) ». Veiller se dit épiscopein en grec ; ce qui a donné… épiscope, évêque ! Vous voyez donc que vous ressemblez à des évêques ! Comme nous, vous ne surveillez pas les autres, mais vous veillez sur les autres. Vous veillez sur la patrie pour qu’elle vive en paix. La patrie n’est pas tant celle qu’on défend en temps de guerre que celle qu’on aime en temps de paix.
Ce matin, nous sommes là pour honorer les policiers et gendarmes (pompiers) décédés. Nous sommes là pour soutenir leurs familles dans l’épreuve du deuil. Le pape François déclarait à vos homologues italiens : «Vous êtes des semeurs de paix. Vous êtes en effet appelés non seulement à prévenir, gérer, ou mettre fin aux conflits, mais aussi à contribuer à la construction d’un ordre fondé sur la vérité, sur la justice, sur l’amour et sur la liberté ». En étant au service de la nation, du bien commun, vous êtes pourtant aussi victimes de violences de tous ordres. Les traumatismes vécus dans vos vies, et par conséquent avec vos familles, nécessitent notre attention mutuelle, notre accompagnement, y compris spirituel.
D’où la présence d’aumôniers à vos côtés. Il n’est pas dans mon rôle de mesurer ce que sont les pressions supplémentaires que vous subissez en ce temps de menace terroriste. Il ne m’appartient pas de juger de politique du chiffre, des tâches indues, des problèmes d’horaires, de l’usure ordinaire, des agressions répétées, de l’isolement géographique et de tous ces éléments de fragilité imputables à votre vie professionnelle. Pourtant l’Église en a aussi conscience ; elle ne veut pas non plus vous accompagner hors sol. La sagesse ne se répand qu’en s’appuyant sur les événements de vos vies réelles. Vous côtoyez le mal, les malheurs, les malveillances qui finissent par vous blesser parfois au-delà de vos forces, et parfois jusqu’au désespoir. Alors, n’hésitez pas à parler avec vos aumôniers. Ce sont des hommes de sagesse. Souvent vos blessures demeurent dans vos corps et vos mémoires. En parler aide à vous libérer. Ils sont le signe que l’Église vous sert et surtout que Dieu vous écoute. La sagesse se répand par le dialogue, l’écoute, le respect mutuel. Nous n’avons pas besoin de donneurs de leçons, mais bien de donneurs de sagesse. Marie Noël, la poétesse d’Auxerre, disait : « Les sages me pacifient… ». Les sages nous pacifient.
Ce matin, demandons au Seigneur qu’il fasse grandir en nous sa sagesse : Jésus lui-même a commencé par grandir en sagesse avant sa vie publique. Mieux vaut la faire grandir en nous que de soupçonner les autres. Dieu nous engendre du dedans. Et cette paix, cette sérénité, cette sagesse, nul ne pourra nous la ravir. »
 

 

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