Attendu sur la laïcité. Macron commence par rencontrer les cultes
22 déc. 2017Le président Emmanuel Macron sur le perron de l'Elysée, le 19 décembre 2017 à Paris Photo LUDOVIC MARIN. AFP
Emmanuel Macron reçoit jeudi 21 décembre les représentants des cultes, avant une prise de parole attendue en janvier sur la laïcité: l'occasion de préciser ses intentions sur un dossier sensible où les tenants d'une gauche «républicaine» jugent l'exécutif trop prudent.
Les responsables des six principales religions (catholique, protestante, orthodoxe, musulmane, juive et bouddhiste) sont attendus en début d'après-midi à l'Elysée, où le président de la République les accueillera avec les ministres de l'Intérieur Gérard Collomb et de l'Education Jean-Michel Blanquer.
Nul doute que le chef de l'Etat parlera jeudi laïcité avec ses interlocuteurs. Mais une partie du camp laïque, notamment dans l'entourage de l'ancien Premier ministre Manuel Valls, aurait préféré qu'Emmanuel Macron y consacre un discours. Et qu'il ne laisse pas passer le 9 décembre - date anniversaire de la loi de 1905 séparant les Eglises et l'Etat - pour le faire, dans une société soumise à des tensions communautaires attisées, selon eux, par un islam politique.
Manifestement décidé à rester maître de son calendrier, Emmanuel Macron devrait attendre janvier pour sa première grande adresse aux Français sur la laïcité. Faut-il y voir un «manque de courage», comme l'a tweeté l'essayiste Caroline Fourest, figure d'une laïcité offensive?
«On voit qu'il n'y a pas de ligne gouvernementale décidée, que tout le monde appliquerait», dit à l'AFP le politologue Laurent Bouvet, pilier du collectif Printemps républicain, très actif sur les thématiques de laïcité et d'identité.
Selon cet universitaire, deux tendances traversent le gouvernement. Une «laïcité libérale», qui «considère que la laïcité c'est la liberté religieuse et une coexistence pacifique des religions». Et une «laïcité républicaine», fondée sur «la liberté de conscience et certainement pas la coexistence des religions», et où «le citoyen n'a pas, dans les occasions publiques, à mettre en avant ses convictions religieuses».
Gérard Collomb est un libéral assumé. Son projet d'«instance informelle» associant les cultes autour de lui a fait tiquer les laïques de combat.
Emmanuel Macron a semblé aussi s'inscrire dans cette tendance en reconduisant en octobre le président sortant de l'Observatoire de la laïcité, Jean-Louis Bianco, honni par les membres du Printemps républicain.
Et l'hôte de l'Elysée, quand il s'est exprimé sur la laïcité, l'a fait en des termes plutôt libéraux. «La laïcité, ça n'est pas une religion d'Etat, c'est une exigence politique et philosophique. Ca n'est pas la négation des religions, c'est la capacité à les faire coexister dans un dialogue permanent», a-t-il lancé fin septembre devant les protestants.
- «Combat politique» -
Même son de cloche ou presque chez le Premier ministre Edouard Philippe. La loi de 1905 «permet à la liberté individuelle de s'épanouir. C'est comme cela que je la lis et que je la comprends», estime-t-il dans l'hebdomadaire catholique La Vie à paraître jeudi.
Mais Jean-Michel Blanquer, et surtout la secrétaire d'Etat chargée de l'Egalité entre les femmes et les hommes, Marlène Schiappa, ont fait entendre une petite musique laïque «plus républicaine», note Laurent Bouvet.
Le premier en multipliant les déclarations sur la laïcité, bientôt objet d'«unités» dans toutes les académies pour que les enseignants ne se sentent «plus jamais seuls» sur ces questions. La seconde en faisant de ce «socle de la République» un «combat politique», alors qu'elle recevait le 8 décembre un prix décerné par les francs-maçons du Grand Orient de France.
Laurent Bouvet prédit qu'Emmanuel Macron va construire «une pensée équilibrée, articulée, on peut dire +en même temps+» sur ce dossier, qui semble l'intéresser davantage que son prédécesseur François Hollande.
Les représentants des cultes, eux, espèrent que soit maintenue la vision d'une laïcité permettant «le déploiement de la parole religieuse dans l'espace public», selon l'expression du président de la Fédération protestante de France (FPF), François Clavairoly.
«Je ne voudrais pas qu'il y ait de nouveau des crispations identitaires du côté de certains défenseurs de la laïcité, qui ne comprennent pas qu'une société pluriculturelle comme la nôtre ait besoin de s'exprimer sur ce plan-là», fait valoir ce pasteur réformé.
AFP