France : la loi Asile et Immigration adoptée, qu’est ce qui va changer ?
08 août 2018Le texte controversé "pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie", a été approuvé définitivement par les députés français avec 100 voix contre 25 mercredi 1er août à l’Assemblée nationale. La rédaction d’InfoMigrants détaille les principaux points de cette nouvelle loi.
Contesté depuis son dépôt fin février, le projet de loi porté par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb "pour une immigration maîtrisée et un droit d’asile effectif", communément appelé "loi asile et immigration", a été adopté à l’Assemblée nationale mercredi 1er août. Au sein même de la majorité, de nombreux députés de La République en marche (LRM) avaient exprimé leurs réserves. Finalement, alors que certains élus étaient déjà partis en vacances, le projet de loi a été voté à 100 voix contre 25, avec 11 abstentions.
Cette loi, qui a été présentée pour la première fois par le ministre de l’Intérieur Gérard Collomb en Conseil des ministres le 21 février 2018, poursuit selon le gouvernement "trois objectifs" : la réduction des délais d'instruction de la demande, le renforcement de la lutte contre l'immigration irrégulière et l'amélioration de l'accueil des étrangers admis au séjour pour leurs compétences et leurs talents.
Que dit concrètement la loi ?
Concernant la demande d'asile
- On pouvait déjà refuser ou retirer le statut de réfugié à une personne condamnée en France "pour un crime, un délit constituant un acte de terrorisme" ou qui a été punie "de dix ans d'emprisonnement". Avec la nouvelle loi, cette mesure est élargie non plus seulement aux personnes condamnées - pour ces mêmes motifs - en France mais dans tout "État membre de l'Union européenne" ou dans un "État tiers" jugé "démocratique".
- Les étrangers arrivant en France disposeront de 90 jours pour déposer une demande d'asile, contre 120 précédemment.
- En revanche, le projet de réduire à 15 jours le délai d’appel des décisions d’ l’Ofpra sur l’octroi du statut de réfugié a été abandonné : les demandeurs disposent toujours d’un mois pour déposer un recours auprès de la Cour nationale du droit d’asile (CNDA).
- Les apatrides et les bénéficiaires de la protection subsidiaire bénéficieront d'un titre de séjour d’une durée maximale de quatre ans dès leur première admission au séjour, au lieu d’un an actuellement.
- Renforcement de la protection des jeunes filles exposées à un risque de mutilation sexuelle, étendue aux jeunes hommes "invoquant un risque de mutilation sexuelle de nature à altérer leur fonction reproductrice".
- Un critère a été ajouté à la définition de "pays sûrs" (pour lesquelles les chances d’obtenir l’asile sont plus faibles). Pour qu’un pays soit considéré comme sûr il faudra que l’absence de recours "à la persécution, ni à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" soit démontrée "quelle que soit (l’)orientation sexuelle". En somme, un pays persécutant les homosexuels ne pourra plus être considéré comme "sûr".
Accès à l'emploi et réunification familiale
- Accès à l’emploi : les demandeurs d’asile peuvent désormais travailler dès six mois après leur entrée sur le territoire contre neuf auparavant.
- La réunification familiale est étendue aux frères et sœurs dans certaines conditions. Si le réfugié ou le bénéficiaire de la protection subsidiaire est un mineur non marié, il pouvait déjà demander à bénéficier de son droit à être rejoint par ses parents. Dorénavant, il peut demander à être rejoint par ses parents et ses frères et sœurs.
Lutte contre l'immigration illégale, rétention, visio-conférence
- La durée maximale de la rétention administrative est portée à 90 jours, contre 45 actuellement, dans les cas où la personne a fait obstruction à l’exécution de la mesure d’éloignement.
- Lorsque qu’une "obligation de quitter le territoire français a été prise à son encontre", l’autorité administrative peut assigner un étranger à résidence "pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois".
- Augmentation de 16 à 24 heures de la durée de la retenue administrative pour vérifier le droit au séjour, et renforcement des pouvoirs d’investigation.
- La Cour nationale du droit d'asile peut utiliser la visio-conférence pour entendre un demandeur, sans que soit requis le consentement de ce dernier.
- Un étranger en situation irrégulière ayant reçu une mesure éloignement ne disposera plus d'un délai de départ volontaire de 30 jours s'il "a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d’empreintes digitales ou de prise de photographie prévues".
Répartition des demandeurs d'asile dans les régions
- Un "schéma national d’accueil des demandeurs d’asile et d’intégration des réfugiés" repartira les demandeurs d'asile accueillis dans les régions françaises.
- Avec cette répartition, la loi prévoit de conditionner le versement de l’allocation pour demandeur d’asile (ADA) et le logement dans un centre d’hébergement à la résidence dans la région d'orientation. Concrètement, un demandeur d'asile qui refusera son orientation dans une région ne recevra pas l'ADA. Si la personne accueillie "souhaite quitter temporairement sa région de résidence", elle devrait "solliciter une autorisation auprès de l'office [OFII ]", explique le texte. Le "fait de refuser ou de quitter le lieu d'hébergement proposé ou la région d'orientation" entraîne "le retrait du bénéficie des conditions matérielles d'accueil".
Passeport "talent" et étudiants-chercheurs
- Le projet de loi simplifie la procédure dès le pays d’origine pour certains publics. Il étend le passeport talent aux salariés d’entreprises innovantes ainsi qu’à toute personne susceptible de participer "au rayonnement de la France". Par ailleurs, le projet de loi favorise la mobilité des étudiants et chercheurs entre leur pays d’origine et la France, mais aussi dans le cadre de programmes de mobilité intra-européens.
Limitation du droit du sol à Mayotte
- C'est un ajout majeur des sénateurs sur lequel les députés ne sont pas revenus : la limitation du droit du sol sur l'île de Mayotte. Désormais, seuls les enfants dont au moins un des deux parents séjournait de manière régulière sur l'île depuis plus de trois mois avant la naissance pourront demander la nationalité française.
Délit de solidarité
- La notion de "délit de solidarité" a été assouplie pour s'adapter au verdict rendu le mois dernier par le Conseil constitutionnel qui a consacré le principe de "fraternité". Une personne sera désormais exemptée de poursuites liées à l'aide au séjour irrégulière si son action est désintéressée, c'est-à-dire qu'elle n'a "donné lieu à aucun contrepartie directe ou indirecte et a consisté à fournir des conseils ou accompagnements juridiques, linguistiques ou sociaux, ou toute autre aide apportée dans un but exclusivement humanitaire".