Cléricalisme
03 oct. 2018Le Pape dénonce le cléricalisme comme un terrain malsain où ont pu se perpétrer les crimes que l'on sait, dont certains membres de l'Eglise Catholique se sont rendus coupables.
La racine immédiate de ces agissements criminels est bien sûr ailleurs un célibat non choisi, imposé, pas assumé, des désirs sexuels refoulés, la recherche d'un assouvissement de pulsions, sans 'risque' et avec cela, un jeu pervers de l'autorité se traduisant par une emprise morale dépravée sur des proies vulnérables et sans défense, ignorant encore le fonctionnement de la génitalité...
Mais là où le regard de la société pouvait jouer un rôle de frein, si on était tenté de passer à l'acte au grand jour, le milieu fermé, protégé, auto-centré d'une institution ecclésiale d'éducation offrait la possibilité de franchir la frontière d'un interdit, d'autant plus excitant qu'il était facile à enfreindre.
Là est la perversion de l'institution cléricale auto-suffisante et auto-référencée : elle fait croire au prédateur qu'il jouit d'une forme d'impunité de principe et elle se protège elle-même, en cherchant à sauver sa réputation, quitte à invoquer des délais de prescription, aux dépens des personnes abusées et définitivement cassées.
Autrefois, on entendait par cléricalisme la prétention des clercs à intervenir dans le champ politique et à imprimer leur influence dans la sphère sociale ; aujourd'hui, il s'agit plutôt d'une tendance à s'enfermer dans un système auto-suffisant qui se nourrit de ses propres rêves de pouvoir et de restauration, et qui s'exprime dans des rites identitaires déconnectés de l'actualité.
Le cléricalisme, comme une roue qui tourne à vide, s'auto-détruit à petit feu, en générant une totale indifférence de la part du public, quand ce n'est pas une guerre frontale. Que de dégâts avec ces 'auto' !!!
Ce mal ne touche pas que les clercs : il y a un cléricalisme des laïcs en fonction dans l’Eglise, un cléricalisme dans toutes les institutions qui fonctionnent en vase clos et se délectent des bulles de leurs élucubrations.
On vit dans l'illusion de servir à quelque chose, d'être utile, et on s'autorise le pire, sous couvert de faire du bien. Quand l'institution, quelle qu'elle soit, perd de vue le service qu'elle est censée assurer et revendique la vénération de ses adeptes, s'auto-divinisant elle-même, c'est la porte ouverte à tous les dérèglements possibles.
Frère Paul Emmanuel
Abbé du Bec-Hellouin
Église d'Évreux n°75 octobre 2018 page 32