La plaque commémorative des attentats du 13 novembre, au Bataclan. /AFP PHOTO/STEPHANE DE SAKUTIN

La plaque commémorative des attentats du 13 novembre, au Bataclan. /AFP PHOTO/STEPHANE DE SAKUTIN

A l’instar du 11 septembre 2001, le 13 novembre 2015 est en passe de devenir un événement balise de la mémoire française.

Denis Peschanski est coresponsable du programme 13 Novembre, historien chercheur au CNRS, il travaille sur la construction de la mémoire tant individuelle que collective d’un événement qui a bouleversé la Nation au sens propre comme figuré. Son projet prévoit de filmer, recueillir et analyser les témoignages de 1000 volontaires, en les revoyant deux, cinq et dix ans après la tragédie. Un projet titanesque. Il répond aux questions du Parisien, joint au téléphone ce lundi à la mairie du XIe arrondissement de Paris, pendant les commémorations des attentats qui ont fait 130 morts, un soir d’automne 2015.

Le 13 Novembre est-il le 11 Septembre français ?

« Je dirais que le 11 Septembre est une matrice du XXIe siècle. C’est un événement planétaire. Mais lorsque l’on a sondé notre panel sur les événements terroristes qui les ont marqués, le premier qui revient c’est le 13 Novembre mais le 11 septembre arrive en deuxième. C’est donc important. Ce qui est sûr c’est que c’est un marqueur majeur de la mémoire collective française, il résume la chaîne des attentats de 2015 à 2017, pour une majorité de gens. Cette séquence est résumée dans le 13 novembre. Toute la difficulté pour les politiques, c’est notamment de faire en sorte que les autres restent aussi dans la mémoire collective. On fait le tri et on retient ce qui suffit à garder tous le sens de l’événement. Il y a aussi un tri à l’intérieur du « 13 Novembre », de plus en plus c’est le Bataclan qui prédomine. Le cheminement est important aujourd’hui.

Pourquoi le 13 Novembre plutôt que le 7 janvier 2015 ?

Je pense que c’est l’idée que la société française était menacée dans son ensemble. Jusqu’ici avec Mohamed Merah en 2012, ce sont les juifs, les militaires qui étaient ciblés. En janvier 2015, ce sont les journalistes, les juifs à nouveau, et les policiers. Le 13 Novembre c’est la jeunesse française qui a été visée et les valeurs qui y étaient rattachées. C’est cette symbolique-là qui a augmenté le ressenti du choc. L’attentat de Nice a aussi beaucoup choqué à cause de la présence de jeunes enfants… Mais dans l’imaginaire collectif « la course folle dans la capitale », la « ville des droits de l’homme » qui a été touchée, cela reste plus fort.

(Une musique retentit alors… en fond. Denis Peschanski s’interrompt puis reprend sa pensée.)

« Vous voyez, Djamila Houd, morte à « la Belle Equipe ». C’était une fille de Harkis, elle fut la compagne du patron de ce bar du XIe arrondissement, mais aussi une mère, elle avait un enfant avec lui. Le patron était d’origine juive. C’est cette symbolique, la capacité à dépasser ces apparentes oppositions, la mixité, qui a été visée par les terroristes. Une symbolique qui a pris une ampleur, une dimension beaucoup plus singulière.

 

Les commémorations des attentats du 13 novembre en vidéo

Ce 13 novembre, à l’instar du 11 septembre avec le monde, aurait pu fracturer la France ?

« Oui mais la France a tenu et c’est la meilleure des réponses. Il n’y a jamais eu de « ratonnades », de fractures majeures dans la société française, le rappel des valeurs de la France, a joué beaucoup dans ce sens. Il faut continuer à veiller à cela. François Hollande, n’avait qu’une obsession au soir des attentats : maintenir la cohésion pour éviter que ça explose. Et de fait la société n’a pas explosé. C’est une forme de résilience collective.

 

Ce sera toujours le cas dans dix ans ?

Je ne suis pas devin. Mais on en aura une idée par notre travail : l’écoute des 1000 personnes que nous aurons entendues au total à quatre reprises, à plus deux, plus cinq ans, et plus dix ans. Cela nous permettra de savoir comment se fait le tri dans la mémoire collective et quel sera l’impact.

 

Ronan Tésorière

 

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