Homélie du dimanche 13 janvier 2018, Baptême de Jésus
10 janv. 2019Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 3, 15-16.21-22.
« En ce temps-là, le peuple venu auprès de Jean le Baptiste était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Comme tout le peuple se faisait baptiser et qu’après avoir été baptisé lui aussi, Jésus priait, le ciel s’ouvrit.
L’Esprit Saint, sous une apparence corporelle, comme une colombe, descendit sur Jésus, et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi, je trouve ma joie. »
Voici le Seigneur Dieu ! Il vient avec puissance ; son bras lui soumet tout… Comme un berger - on s’attendait à un guerrier-il fait paître son troupeau : son bras rassemble les agneaux, il les porte sur son cœur, il mène les brebis qui allaitent.” (Isaïe) »
Homélie
On a toujours du mal à comprendre la toute-puissance de Dieu comme une puissance d’amour et de tendresse. Pourtant, notre credo ne dit pas “Je crois en Dieu tout-puissant”, mais “Je crois en Dieu le Père tout-puissant.” Quelqu’un a pu dire au sujet de l’Evangile d’aujourd’hui : “Jésus avait une relation toute particulière à Dieu son Père. Pourtant, il a voulu passer par le baptême de Jean.” Sous-entendu : il aurait pu s’en dispenser. Sans doute ! Mais est-ce que ce n’est pas en devenant homme parmi les hommes, et en partageant tout de l’humain, y compris le baptême de conversion de ses frères, qu’il annonce combien l’humain a du prix aux yeux de Dieu ?
Isaïe : « Élève la voix, ne crains pas. Dis aux villes de Juda : “Voici votre Dieu… Il vient…” » Attente d’un nouveau commencement.
St Paul : “Par le bain du baptême, il nous a fait renaître et nous a renouvelés dans l’Esprit Saint.” Annonce d’un nouveau commencement.
Jean-Baptiste (dans l’Evangile de Luc) : “Il vient, celui qui est plus fort que moi… Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.” Attente d’un nouveau commencement.
Avez-vous remarqué la différence de physionomie entre ceux qui vous annoncent : “Je viens de commencer le piano… ou la danse… ou le foot…” et ceux qui vous disent : “Oh, j’ai arrêté la musique, j’en avais marre. J’ai arrêté le sport, je n’avais plus temps…”ou “Je n’y arrivais pas…” Avez-vous remarqué la différence de physionomie ?
Eh bien en principe, l’Eglise est toujours du côté de ceux qui commencent. L’Eglise est toujours du côté des joyeux commencements ! Et que ça bouge ! Même si quelques partisans de l’immobilité prudente peuvent avoir quelques sueurs froides.
Je me souviens la réflexion d’un petit enfant, invité avec ses parents à l’apéritif chez des gens ordrés, un peu guindés même. Maison superbe, peintures impeccables, salle nickel, table basse, fauteuils… Rutilant partout, pas un objet de travers, tapis somptueux. Et le petit de dire (honte pour les parents) : “Dis papa, où est-ce qu’ils habitent, les messieurs dames ?” J’espère que notre communauté n’aura jamais de tentations comme ça. Avez-vous remarqué comme l’ambiance n’est déjà pas la même quand il n’y a pas (ou peu) d’enfants dans nos assemblées ? Non ! Il faut que l’Eglise soit toujours du côté des joyeux commencements. Je repense souvent à cette personne qui avait été amenée à vivre de près une célébration très forte, qui lui avait fait du bien. Elle disait : “Vous m’avez obligé à rouvrir le dossier de l’Eglise.”
Combien font encore des demandes à l’Eglise qui ressemblent à des demandes de classement de dossier. Mais si vous voyiez le sourire qu’ils ont quand ils réalisent, quand ils comprennent, si du moins on parvient à aller jusque-là, tous les joyeux commencements que leur démarche pourrait bien permettre à leurs familles et à leurs amis ! Un de mes copains prêtres qui manquait totalement de modestie, à chaque fois qu’il avait réussi quelque chose comme ça, revenait en disant : “J’ai encore fait un bien fou aujourd’hui.”
“Tout le peuple se faisait baptiser” disait l’évangile. Jésus prend place dans la longue lignée des hommes et de femmes ordinaires qui attendent leur tour pour se laisser plonger dans les eaux du Jourdain. Rien ne le distingue des autres. Il vient rejoindre, dans l’anonymat, le peuple de pécheurs en attente. Il s’enfonce profondément et discrètement dans la pâte humaine. “Jésus priait, le ciel s’ouvrit. L’Esprit Saint… descendit sur Jésus. Et il y eut une voix venant du ciel : « Toi, tu es mon Fils bien-aimé ; en toi je trouve ma joie. »” C’est au moment où Jésus se fait le plus proche des pécheurs que Dieu Père lui fait sa déclaration d’amour. Et Luc nous présente la manifestation de l’Esprit, non pas comme une conséquence de son baptême, mais comme le fruit de sa prière.
Robert Tireau
Prêtre du Diocèse de Rennes