Paris : deux projets de mosquées progressistes sont à l'étude
06 janv. 2019Une mosquée avec une salle de prière commune pour hommes et femmes, des prêches de femmes imams ou encore une lecture progressiste de l'islam : tels sont les projets de deux associations de musulmans.
Deux projets portés par des associations de musulmans aspirent à vivre leur religion autrement. Le premier est porté par une doctorante en islamologie à l'École pratique des hautes études, Kahina Bahloul, et un professeur de philosophie, Faker Korchane. Ensemble, ils ont élaboré les "statuts" d'un lieu de culte, qui serait constitué en association cultuelle loi 1905, a confirmé à l'AFP Mme Bahloul, après une information du Monde.
"Nous étions insatisfaits de l'offre actuelle des mosquées musulmanes : si ce n'est pas du salafisme, cela reste un islam très traditionaliste, avec une certaine façon de lire les textes fondateurs, qui reste très dogmatique, pas toujours très ouvert. On a envie de vivre l'islam autrement", résume cette femme de "sensibilité soufie", une branche mystique de l'islam.
"Une nouvelle religiosité"
Alors qu'à l'heure actuelle les femmes sont souvent exclues de la salle principale du lieu de culte en France, la mosquée pensée par le projet "Fatima" accueillerait dans une même pièce hommes et femmes, avec un côté pour les hommes et un autre pour les femmes mais tous seraient sur la même ligne, explique Mme Bahloul.
Un imam homme et un imam femme feraient en outre les prêches du vendredi, en alternant une semaine chacun. Si l'Allemagne, le Danemark ou les Etats-Unis ont déjà des imams femmes, ce serait une première historique en France.
"Les gens qui viennent sans se couvrir la tête seront également les bienvenus", ajoute Faker Korchane, sur son site internet où il défend l'islam mutazilite, une école de théologie qui allie la raison à la foi.
"De nombreux musulmans aspirent à une nouvelle religiosité mais ne l'expriment que sous forme livresque ou de conférences. (...). Il est temps de cesser de dire comment on voit l'islam, mais il faut le montrer et l'incarner", dit-il encore, voulant aussi "montrer la profondeur de l'enseignement islamique capable de traverser l'espace et le temps".
Des sermons en français
Un autre projet, porté par deux femmes, est à l'étude. Celui d'Anne-Sophie Monsinay et Eva Janadin, fondatrices de Voix d'un islam éclairé (VIE), un mouvement pour un islam spirituel et progressiste dont le but est de tisser un réseau de collaboration entre les acteurs individuels et associatifs, qui incarnent cet autre islam.
"Il est urgent aujourd'hui de construire de nouveaux lieux de culte pour incarner nos principes et répondre aux besoins des musulmanes et musulmans qui se sentent très seuls dans leur pratique de l'islam et ne se retrouvent plus dans la vision majoritaire du culte musulman", écrivent-elles dans l'argumentaire de leur projet. D'où la volonté d'avoir une mosquée "totalement mixte, sans séparation gauche-droite comme dans la mosquée Fatima, avec des femmes imams (elles-mêmes) et une liberté totale du point de vue vestimentaire", précise Mme Janadin.
Autre souhait, celui d'avoir des sermons en français, l'idée étant "d'inciter une véritable appropriation de l'islam par les musulmans français en leur permettant une compréhension approfondie du discours". En attendant de trouver une adresse, les uns et les autres, investis dans le dialogue interreligieux, sont à la recherche de prêt de locaux auprès de leurs réseaux chrétiens ou juifs, en s’inspirant d’un modèle déjà créé en Allemagne.
En juin 2017 s'est ouvert à Berlin une mosquée "libérale", où hommes et femmes peuvent prier côte à côte, et qui prône un islam moderne. Les prêches sont en allemand, et se font dans un bâtiment prêté par la communauté protestante. L'imam Seyran Ates, une avocate et militante des droits des femmes très connue en Allemagne, a toutefois été placée sous haute protection policière.
Quentin Marchal et AFP