Homélie du dimanche 17 mars 2019
13 mars 2019Évangile de Jésus-Christ selon saint Luc 9, 28b-36.
« En ce temps-là, Jésus prit avec lui Pierre, Jean et Jacques, et il gravit la montagne pour prier.
Pendant qu’il priait, l’aspect de son visage devint autre, et son vêtement devint d’une blancheur éblouissante.
Voici que deux hommes s’entretenaient avec lui : c’étaient Moïse et Élie,
apparus dans la gloire. Ils parlaient de son départ qui allait s’accomplir à Jérusalem.
Pierre et ses compagnons étaient accablés de sommeil ; mais, restant éveillés, ils virent la gloire de Jésus, et les deux hommes à ses côtés.
Ces derniers s’éloignaient de lui, quand Pierre dit à Jésus : « Maître, il est bon que nous soyons ici ! Faisons trois tentes : une pour toi, une pour Moïse, et une pour Élie. » Il ne savait pas ce qu’il disait.
Pierre n’avait pas fini de parler, qu’une nuée survint et les couvrit de son ombre ; ils furent saisis de frayeur lorsqu’ils y pénétrèrent.
Et, de la nuée, une voix se fit entendre : « Celui-ci est mon Fils, celui que j’ai choisi : écoutez-le ! »
Et pendant que la voix se faisait entendre, il n’y avait plus que Jésus, seul. Les disciples gardèrent le silence et, en ces jours-là, ils ne rapportèrent à personne rien de ce qu’ils avaient vu. »
Homélie
Beaucoup de gens disent : “je suis chrétien non pratiquant”. Si on s’étonne, ils disent : “Mais je crois en Dieu !” Ont-ils réalisé que ce Je crois en Dieu ne dit pas chrétien à lui seul ? Juifs, musulmans et d’autres croient en Dieu et ne sont pas chrétiens. Dans notre Credo où deux lignes suffisent à dire notre croyance en Dieu, notre foi chrétienne occupe seize lignes. C’est la foi au Christ qui fait le chrétien ; c’est Jésus, Dieu devenu homme, qui remplit notre Credo. Il était homme comme nous, avec de vraies mains et de vrais yeux qui savaient pleurer. Quelques temps avant sa mort épouvantable, il avait pris avec lui Pierre, Jacques et Jean, et, sur la montagne, on avait vu transparaître, dans son corps, la lumière de sa divinité. La foi chrétienne, ce n’est pas seulement penser que Dieu existe, mais c’est oser affirmer que la gloire du Dieu unique est sur le visage d’un homme en chair et en os !
La transfiguration éclaire la question la plus importante pour nous : la vie a-t-elle un sens ? Beaucoup de réalités humaines ont un sens évident : l’amitié, l’amour, la culture, la justice et tant de valeurs reconnues. Mais il y a aussi beaucoup de non-sens : cet enfant qui souffre et qui va mourir, ces massacres de populations, cet ouragan et ces avalanches. Alors on se demande qui va l’emporter du sens ou du non-sens ? De la mort ou de la vie ? Notre foi chrétienne répond : l’être humain n’est pas fait pour finir dans un trou. L’homme est destiné à être transfiguré en Dieu.
Je me rappelle des jeunes qui, à l’occasion d’une confirmation, disaient avoir vu une transfigurée. Et ils ne parlaient pas de chirurgie esthétique. Ils parlaient d’une jeune en grande difficulté pour qui, d’un jour à l’autre, il y avait eu changement visible. Or, ses problèmes n’étaient pas réglés, mais elle avait reçu assez de force pour les affronter. Dieu continue de susciter des êtres radieux qui embellissent et transfigurent la vie. Car il a donné aux hommes mission de transfigurer le monde. Les chrétiens n’en ont pas le monopole, mais, au nom même de leur foi en l’amour que Dieu donne, ils doivent être capables de créer la lumière.
Qui n’a jamais entendu : “Ce jour-là, tu as été lumière pour moi.” ou bien : “Ta présence a ensoleillé notre dimanche.” Ça veut dire qu’il y avait de la transfiguration dans l’air. La transfiguration, c’est comme une éclaircie. Ça ne supprime pas la nuit, mais ça l’éclaire. A Nantes une équipe accueille les familles qui viennent rendre visite à l’un des leurs en prison. Leur lieu d’accueil s’appelle… l’Eclaircie.
La transfiguration a eu lieu peu de temps avant la Passion. Dans un autre contexte elle aurait pu signifier puissance et éclat. Mais là, non ! Jésus est transfiguré… très peu de temps avant d’être défiguré ! Comme pour répondre par avance à l’ébranlement de la foi de ses amis : Pierre, Jacques et Jean seront tellement désemparés quand ils verront Jésus défiguré et mourant sur une croix dans le silence de Dieu ! Moment bref que la transfiguration. Ils sont toujours brefs ces moments-là, et il faudra bientôt redescendre dans le quotidien. Gérard Naslin le dit dans un raccourci saisissant : “Jésus invite ses disciples à s’élever pour une ascension. Il faut prendre de la hauteur pour rencontrer Celui qui vient éclairer nos vies. Il leur demande de s’asseoir pour une contemplation, pour admirer, pour entrer dans le mystère. Il les prie de redescendre pour résister à une tentation. Ils voudraient tellement que la lumière brille sans cesse, mais il leur faudra connaître les ténèbres du Vendredi Saint avant de connaître la lumière du matin de Pâques.” Jésus fait donc entrevoir sa résurrection à ses apôtres, les laissant deviner à quelle lumière conduit sa vie droite et sa fidélité à Dieu. Il mourra en croix, mais sa mort se changera en lumière. La mort n’a jamais le dernier mot sur ce qui est partagé par amour dans une vie.
Le récit de la Transfiguration montre que Jésus est l’homme qui prie. Quand on entre dans la prière, Dieu est là, et sa réponse immédiate est de laisser sur le visage de la personne qui prie le rayonnement de sa présence
Robert Tireau
Prêtre du Diocèse de Rennes