La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, dans son bureau ce lundi à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) — JACQUES WITT / Sipa pour 20 Minutes

La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, dans son bureau ce lundi à Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis) — JACQUES WITT / Sipa pour 20 Minutes

INFO «20 MINUTES» La présidente de la région Ile-de-France, Valérie Pécresse, annonce à « 20 Minutes » sa volonté d’ouvrir des « maisons solidaires » avant l’hiver pour accueillir « les SDF du métro »

  • Valérie Pécresse veut créer « une chaîne de solidarité » pour prendre en charge les SDF du métro.
  • « Je souhaite créer avant l’hiver des maisons solidaires à taille humaine qui soient des lieux d’accueil à Paris pour des longs séjours, de jour et de nuit, pour des personnes en situation de grande exclusion », explique-t-elle.
  • Selon une étude la région Ile-de-France, entre 200 et 350 personnes selon les saisons vivent à l’année dans le métro, dans une dizaine de stations.

« La situation est intolérable », s’exclame Valérie Pécresse. Dans une interview accordée à 20 Minutes, la présidente de la région Ile-de-France, dévoile son plan pour « mettre à l’abri » les SDF qui vivent dans le réseau de transports de la capitale. Ouverture de « maisons solidaires », partenariats avec les associations, navettes… Valérie Pécresse détaille ce dispositif qui doit voir le jour avant l’hiver.

Pourquoi avez-vous décidé de mettre en place cette mesure ?

La situation est intolérable. Il existe aujourd’hui entre 200 et 350 personnes selon les saisons qui vivent à l’année dans le métro, et parfois depuis des années. Il faut s’occuper d’eux. On ne peut pas accepter que quand le métro ferme, il reste du monde dedans. Le métro n’est pas un centre d’hébergement d’urgence. C’est indigne. Cela crée aussi des problèmes de sécurité et de propreté. Le personnel de la RATP est très préoccupé par la situation. Ces invisibles du métro sont une source de dysfonctionnement du système : quand un conducteur doit éviter un toxicomane sur la voie ou quand un agent doit nettoyer des choses innommables. Mais il y a un tabou et tout le monde détourne les yeux.

Que souhaitez-vous déployer concrètement ?

Je veux mettre à l’abri les SDF du métro. Il y a plusieurs années, la RATP a ouvert un centre d’accueil de jour avec Emmaüs à Charenton-le-Pont qui accueille 60 SDF pendant la journée mais pas la nuit. Les SDF reviennent donc dans le métro. Ce centre va fermer mais nous savons que si la structure les accueillait de jour comme de nuit, ils y resteraient. Je souhaite donc créer avant l’hiver des maisons solidaires à taille humaine qui soient des lieux d’accueil à Paris pour des longs séjours, de jour et de nuit, pour des personnes en situation de grande exclusion, avec des réponses adaptées. Nous voulons « réparer les vivants ».

Vous parlez de SDF, de toxicomanes… Tous seront concernés par cette prise en charge ?

Il faut une politique humaine et une réponse personnalisée. Les publics sont différents et nécessitent des prises en charge différentes. Nous envisageons un partenariat avec l’hôpital Sainte-Anne pour les maladies psychiatriques. Un partenariat avec l’AP-HP pour la désintoxication. Il y aura aussi une prise en charge singulière pour les femmes avec enfants. Et la question des personnes avec des animaux sera également prise en compte. Bémol, ces maisons solidaires ne seront pas accessibles aux migrants en situation irrégulière. Ils relèvent de l’hébergement préfectoral.

Combien de maisons solidaires comptez-vous ouvrir ?

Nous avons contacté la mairie de Paris, le préfet de région, les associations humanitaires et des maires d’arrondissement, pour identifier des sites. A ce stade, une maison pourrait ouvrir dans le 13e, dans un ancien lycée, propriété de la région Ile-de-France. D’autres dans le 17e, le 5e et dans le 1er arrondissement, dans les locaux de la mairie, qui va disparaître en 2020. L’idée est d’avoir plusieurs maisons dispersées, avec pour chacune un accompagnement spécifique.

Y a-t-il eu un travail de terrain au préalable auprès d’eux ?

Nous sommes en train de mener une étude pour savoir qui sont ces SDF du métro. Ils sont dans une dizaine de stations. Plutôt dans les stations de correspondances et les plus fréquentées comme Nation, Gare de Lyon, Gare du Nord ou encore Châtelet. Parmi eux, on retrouve la grande exclusion. Ces derniers temps les pouvoirs publics se sont focalisés sur l’hébergement d’urgence des migrants mais nous avons oublié que dans une grande ville comme Paris, il y a aussi des foyers de grande exclusion. Ce sont souvent des personnes avec des pathologies, des addictions et plus âgées que la moyenne de celles qui vivent dans la rue. Ce sont aussi des personnes qui vivent à Paris depuis des décennies. Mais on voit aussi arriver une population en croissance de femmes, parfois avec enfants. Et enfin des jeunes en rupture familiale, qui nécessitent une prise en charge immédiate. Après un mois dans le métro, les chances de réinsertion s’amenuisent considérablement.

Combien ce dispositif va-t-il coûter ?

Quarante euros par jour et par personne et plusieurs millions d’euros pour l’aménagement des locaux. Nous sommes prêts à assumer tout l’investissement de mise à niveau de ces infrastructures. C’est le prix à payer pour rendre leur dignité à ces Parisiens.

En ce qui concerne la prise en charge, qui va venir les voir sur le quai pour leur expliquer la démarche ? Des agents de sûreté, des associations ?

Nous allons faire une chaîne entre le recueil social de la RATP qui repère les SDF dans le métro et les associations à l’extérieur. Des navettes seront payées par Ile-de-France Mobilités à la RATP pour les emmener vers ces maisons solidaires.

Et s’ils refusent ?

Personne ne devrait vivre dans le métro. S’il y a cette tolérance aujourd’hui, c’est parce qu’il n’y a pas de lieu pour les accueillir de jour comme de nuit. Avec ce dispositif, le recueil social de la RATP pourra confier ces personnes, quelle que soit leur situation de vulnérabilité, à des partenaires de confiance. En contrepartie, il ne sera plus possible de dormir dans le réseau de transports.

Chaque année, le 115 est très vite saturé et les places d’hébergement ne sont pas suffisantes… Le métro est souvent le dernier recours. Est-ce que la solution n’est pas de créer davantage de places d’urgence ?

Dans ces centres d’hébergement d’urgence, les SDF du métro arrivent vers 1h et à 7h on leur redonne un ticket de métro et ils repartent dans le réseau. Mais c’est une rustine. Moi je veux un remède durable avec des places, de jour comme de nuit, pour de la longue durée, avec un suivi social, médical, psychologique et d’insertion. Certains pourront même rester plusieurs années.

Quels acteurs seront dans ce dispositif de prise en charge ?

Notre partenaire principal sera la Croix-Rouge, qui nous a déjà accompagnés cet hiver pour l’accueil des femmes et des enfants à la rue au siège de la région, mais aussi Aurore (dans le 5e) et éventuellement Emmaüs (dans le 1er).

Propos recueillis par Romain Lescurieux

 

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