Le camp de migrants de Moria sur l'île grecque de Lesbos le 19 mars 2019 ((c) Afp)

Le camp de migrants de Moria sur l'île grecque de Lesbos le 19 mars 2019 ((c) Afp)

Bruxelles (AFP) - Europe "passoire" pour les uns, "forteresse" pour les autres: la campagne des élections européennes a remis sous les projecteurs le débat sur les migrations, toujours aussi conflictuel malgré la chute continue du nombre d'arrivées par la Méditerranée depuis 2015.

Près de quatre ans après l'apogée de la "crise migratoire", les pays de l'UE n'ont pas su profiter de l'accalmie pour réformer leur système d'asile commun à bout de souffle. Et ils restent profondément divisés sur le partage de l'accueil des réfugiés.

- Ce qu'a fait l'UE -

Pris de court par l'afflux sans précédent de 2015, les Européens se sont beaucoup divisés, mais ne sont pas restés inactifs. A l'heure du bilan, la Commission européenne met en avant l'accord conclu en 2016 avec la Turquie.

Ce pacte migratoire controversé a permis de faire chuter de manière spectaculaire les arrivées sur les côtes grecques. L'UE a également apporté un soutien tout aussi décrié aux garde-côtes libyens, pour qu'ils freinent les arrivées sur les côtes italiennes.

Selon l'Organisation internationale pour les migrations (OIM), le nombre d'arrivées irrégulières dans l'UE, qui avait dépassé le million en 2015, a chuté à moins de 400.000 en 2016, puis à 187.000 en 2017 et 144.000 en 2018.

Pour éviter de revivre le chaos de 2015, l'Union a acté un renforcement considérable de Frontex, l'agence chargée des frontières extérieures. Elle disposera notamment d'ici 2027 d'un contingent de 10.000 garde-frontières et garde-côtes pour aider des pays débordés.

- L'échec des "quotas" -

En quatre ans, les pays de l'UE ont accueilli plus de 50.000 réfugiés "réinstallés" directement depuis des pays tiers comme la Libye ou le Liban. Mais ils n'ont eu de cesse de se déchirer concernant l'accueil des demandeurs d'asile déjà arrivés en Italie et en Grèce.

Un plan exceptionnel de "relocalisations" a bien été vigueur de septembre 2015 à septembre 2017 pour soulager ces deux pays en première ligne. Il avait été adopté par la majorité des Etats membres malgré l'opposition de Budapest, Prague, Bratislava et Bucarest.

Ce plan prévoyait initialement la répartition de jusqu'à 160.000 personnes depuis la Grèce et l'Italie, dont 120.000 selon un système de quotas obligatoires. Mais au final, à peine 35.000 ont été effectivement répartis.

Sur le terrain, le dispositif s'est mis en place laborieusement et beaucoup de migrants ont poursuivi leur route dans l'UE sans attendre. Des critères d'éligibilité très restrictifs ont aussi limité sa portée, tandis que l'accord conclu en mars 2016 avec Ankara a fait chuter le nombre de candidats potentiels.

La mauvaise volonté de plusieurs pays a également beaucoup joué. La Commission s'est même résignée à lancer des procédures d'infraction contre la Hongrie, la Pologne et la République tchèque pour leur refus obstiné d'appliquer les quotas.

- La réforme de l'asile enlisée -

Les "relocalisations" constituaient une dérogation exceptionnelle au Règlement Dublin, cette législation confiant la responsabilité d'une demande d'asile aux pays de première entrée dans l'UE. Et qui fait peser un fardeau disproportionné sur des pays comme l'Italie ou la Grèce.

Pour compenser ce déséquilibre, la Commission a proposé de pouvoir recourir à nouveau à l'avenir à des "relocalisations", mais seulement en cas d'afflux massif de migrants, et en dernier recours après d'autres types de mesures de soutien aux pays d'arrivée.

Cela reste bien trop pour les pays du Groupe de Visegrad (Pologne, Hongrie, République tchèque, Slovaquie), soutenus par Vienne. Et pas assez pour les pays du Sud, qui réclament que l'accueil soit partagé de manière permanente et pas seulement en période de crise.

Ces positions irréconciliables ont mené l'UE dans une impasse, illustrée par les bras de fer diplomatiques récurrents dès qu'un navire ayant secouru des migrants parvient à gagner les eaux européennes.

Et elles ont aussi bloqué un projet de refonte de l'asile, proposé en 2016, et bien plus vaste que le seul système de Dublin. Cette réforme prévoyait notamment d'harmoniser les règles de l'asile, très différentes d'un pays de l'UE à l'autre.

Ce patchwork pousse les demandeurs d'asile à privilégier des destinations jugées plus accueillantes, et à en éviter d'autres. Un phénomène à l'origine des "mouvements secondaires", source de fortes tensions entre Etats membres.

Face au blocage, il appartiendra aux nouveaux dirigeants qui prendront la tête de l'UE après les européennes de relancer ce chantier.

AFP

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