« Se manifester oui, aller manifester le 6 octobre, ce n’est pas à nous de le dire » explique Thierry Magnin. LP/Olivier Lejeune

« Se manifester oui, aller manifester le 6 octobre, ce n’est pas à nous de le dire » explique Thierry Magnin. LP/Olivier Lejeune

Thierry Magnin, porte-parole des évêques, martèle que l’Eglise n’a jamais appelé à descendre dans la rue contre le projet de loi Bioéthique, contrairement à ce qu’a pu laisser entendre l’archevêque de Reims.

A en perdre son latin ! Lundi soir, à l'issue d'une rencontre au collège des Bernardins à Paris durant laquelle l'Eglise exprimait ses craintes sur le projet de loi Bioéthique, Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France (CEF), déclarait, face à la presse, que les citoyens « inquiets » avaient « le devoir » de manifester le 6 octobre.

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C'est à cette date qu'un collectif d'associations, dont la Manif pour tous, organise une journée de mobilisation contre le texte examiné par les députés à compter du 24 septembre et qui prévoit, entre autres, l'extension de la PMA (procréation médicalement assistée) aux couples de lesbiennes et aux femmes seules.

La sortie de l'archevêque de Reims a été logiquement entendue comme un appel aux catholiques à descendre dans la rue… sauf pour l'épiscopat, qui évoque une mauvaise interprétation.

Entretien avec le père Thierry Magnin, 66 ans, nouveau secrétaire général et porte-parole de la CEF qui est aussi docteur en sciences physiques et en théologie.

Les propos du président de la CEF sont-ils un appel solennel de l'Eglise de France à manifester le 6 octobre ?

THIERRY MAGNIN. Non, pas du tout ! Notre posture est la suivante : il appartient à la CEF d'avoir une parole claire, nette et précise sur le projet de loi. Par contre, il ne nous appartient pas d'appeler à manifester ni de jeter l'opprobre sur ceux qui iront. Se manifester oui, aller manifester le 6 octobre, ce n'est pas à nous de le dire. Il n'y a pas que la rue pour s'exprimer.

Quels sont les autres moyens ?

Nous par exemple, nous allons discuter avec des députés, des sénateurs… Manifester le 6 octobre est une possibilité mais en tout cas, ce n'est pas celle qu'Eric de Moulins-Beaufort et moi-même nous prendrons. Mais chaque évêque est libre. Il y en a certainement qui iront défiler…

L'épiscopat paraît vouloir s'engager contre le projet de loi Bioéthique davantage encore que contre le mariage pour tous en 2012-2013…

La mobilisation est forte pour essayer maintenant d'exprimer une parole très claire avant que l'Assemblée nationale ne s'empare du texte. On s'engage davantage dans la prise de position sur le fond du projet mais pas sur l'engagement à aller manifester dans la rue. Sur ce point, c'est la même posture.

Pourquoi êtes-vous opposé à la PMA pour toutes ?

Ce projet de loi ne participe pas du bien commun. Cela introduit des perturbations de filiation. On peut tout à fait comprendre qu'un couple de femmes et une femme seule aient un désir d'enfant. Mais, à partir du moment où ce désir devient un droit, quelles sont les conséquences pour l'enfant? Pour nous, c'est fondamental, il a le droit d'avoir un papa et une maman. Dans le projet de loi, vous avez d'un côté une levée de l'anonymat du don de gamètes. On trouve que c'est une bonne chose, ceux qui la demandent expriment le besoin de connaître leur père biologique, leur géniteur. Mais d'un autre côté, avec la PMA sans père, on ferme cette opportunité-là.

Votre combat porte également sur le rejet de la GPA (Gestation pour autrui) alors qu'elle n'est pas à l'ordre du jour du projet de loi…

Ce n'est pas pour ce coup-là, mais le prochain… Si on autorise deux femmes à avoir un enfant, je ne vois pas pourquoi on refuserait à deux hommes d'en avoir, dans une irréfutable logique d'égalité. On a l'impression que le bulldozer va toujours dans le même sens. Et qu'à chaque fois, on repousse les limites éthiques.

Quelles leçons tirez-vous de la mobilisation des catholiques contre le mariage pour tous qui, bien que massive, a finalement échoué ?

On n'a pas su convaincre, dans ce sens-là, ça peut-être un échec. Mais est-ce que la société a gagné en mettant, sur le même plan, tous les modèles familiaux par rapport au mariage ? Peut-être qu'on n'a pas utilisé les bons moyens, peut-être qu'une manifestation ne suffit pas. Et en même temps, les gens disent : Si on ne descend pas dans la rue, on n'est pas entendus…

En intervenant dans le débat, n'y a-t-il pas un risque, pour l'épiscopat, de diviser la communauté catholique comme ce fut le cas lors du mariage pour tous ?

Elle était plus divisée sur le fait de savoir s'il fallait ou non défiler derrière la Manif pour tous que par rapport au mot mariage… Aujourd'hui, il nous semble beaucoup plus important de faire une recherche sur le fond que d'utiliser un moyen politique, la manifestation, qui peut diviser.

 

Vincent Mongaillard

 

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