L’évêque d’Évreux n’appelle pas à manifester contre la PMA
02 oct. 2019Mgr Christian Nourrichard, évêque d’Évreux : « On joue aux apprentis sorciers. J’aimerais que l’on finance davantage la lutte contre le cancer, l’infertilité ou la maladie d’Alzheimer » (photo : évêché d’Évreux).
Opposé à la procréation médicalement assistée autorisée à toutes les femmes par l’Assemblée nationale, Mgr Christian Nourrichard n’appelle cependant pas les catholiques eurois à manifester.
Actée en France depuis 1994 (pour les couples hétérosexuels) au grand dam de certains cultes, à commencer par l’Église catholique - lire nos éditions de mardi 24 septembre - la procréation médicalement assistée (PMA) divise de nouveau une partie des Français.
Touchant à la foi et à la science, redessinant les contours d’une société en pleine mutation - certains parleront de civilisation -, l’extension de la PMA à toutes les femmes (remboursée par la Sécurité sociale), plus spécifiquement aux homosexuelles et aux célibataires, était débattue depuis plusieurs jours à l’Assemblée nationale, dans le cadre d’un projet de loi sur la bioéthique qui fait rage - pas moins de 2 500 amendements ont été déposés. Elle a été adoptée par les parlementaires vendredi dernier.
« Un combat spirituel »
Or, si elle perd de plus en plus de terrain dans le monde d’aujourd’hui, l’Église catholique n’en demeure pas moins l’un de ses piliers. Et elle ne désespère pas de faire entendre sa voix... Ainsi, plusieurs évêques de France appellent à manifester à Paris, dimanche prochain, pour dénoncer cette loi. Et quand bien même il est opposé à la PMA et à cette extension - elle est jusqu’alors réservée aux femmes infertiles -, le représentant des catholiques de l’Eure, Mgr Christian Nourrichard, ne rejoint pas ces prélats-là.
Pourquoi n’appelez-vous pas à manifester ?
« Le cadre en France, c’est la laïcité où les croyances des différentes religions peuvent s’exprimer et vivre leur foi. Je n’interdis pas de manifester mais cette expression n’est pas dans ma culture. Ce sujet est d’abord un combat spirituel. L’Église n’est pas là pour faire pression, mais pour inviter les uns et les autres à réfléchir au déroulement de notre propre existence. Je serai peut-être critiqué par des ultras qui s’estiment plus catholiques que les catholiques, mais je préfère organiser une conférence-débat sur la bioéthique, mardi 22 octobre, à l’espace Nétreville à 20 h 30 (Bioéthique, quel monde voulons-nous) avec Monseigneur Pierre d’Ornellas, archevêque de Rennes (35), qui travaille sur cette question-là depuis de nombreuses années. Je souhaite que ce débat donne naissance à une discussion. Je suis là pour donner des éléments de réponses, pas pour imposer. »
Comment jugez-vous cette ouverture de la PMA à toutes les femmes ?
« J’y suis évidemment opposé. On joue aux apprentis sorciers. J’aimerais que l’on finance davantage la lutte contre le cancer ou la maladie d’Alzheimer et contre l’infertilité, par exemple, avant de consacrer autant de moyens et de temps pour la Procréation médicalement assistée. L’Église catholique prône l’adoption, y compris celle d’un enfant malade, comme j’ai pu en être le témoin avec bonheur. Ce qui compte, c’est fonder une famille, donner une espérance dans cette société. Là, on fait du bricolage.
Je prends l’image de l’enfant capricieux qui désire quelque chose qui n’est pas bon. Il est important que les parents, dans leur diversité, puissent avoir le courage de lui dire qu’il se trompe, que ce qu’il désire n’est pas forcément bon. C’est le rôle du père et de la mère. Cette différence donne un maximum de chance à l’enfant pour se construire. »
Quelle place l’Église accorde-t-elle aux homosexuels ?
« Il est écrit au fronton de la République Liberté-Égalité-Fraternité. Pour l’Église, la fraternité repose sur la solidarité avec les plus faibles, que sont notamment les enfants, et les plus pauvres. Nous accueillons et respectons tout le monde, y compris les homosexuels. Nous les accompagnons, mais on ne peut soutenir celles et ceux qui ont un désir de maternité sous cette forme qu’est la PMA. »
«Il devrait être en première ligne»
Si Mgr Christian Nourrichard n’appelle pas les catholiques eurois à manifester, les associations comme Sens commun, Alliance Vita ou les Veilleurs, réunis dans l’organisation Marchons enfants, ont pris le relais sur le terrain.
Une centaine d’Eurois devraient ainsi se rendre dimanche à Paris pour manifester leur opposition à la loi sur la bioéthique. Les antennes locales des mouvements ont mis en place des bus dans l’ensemble du département pour transporter les militants dans la capitale.
L’absence de soutien officiel de Mgr Nourrichard apparaît comme « une grosse déception » pour les opposants à la procréation médicalement assistée (PMA) pour toutes. « Cette loi va à l’encontre de ce en quoi nous croyons. Le prélat devrait donc être en première ligne pour défendre notre position », note Henri Florent Cotte, membre de Sens commun à Vernon.
À noter que Catherine Delalande, qui, jusqu’à présent était représentante de Sens commun dans l’Eure, n’a pas donné suite à nos demandes d’interview. La conseillère départementale du canton de Vernon aurait subi des pressions et démissionné de ses fonctions pour redevenir une simple militante.
C.M