Coronavirus par Frère Paul Emmanuel Abbé du Bec Hellouin
18 avr. 2020A prononcer correctement, CORONA, pas comme ce petit garçon de 5 ans qui parle avec sérieux du CONNARVIRUS ! Ceci dit, « nous sommes en guerre », a martelé six fois le Président de la République, dans son allocution du 16 mars dernier. Devant cette situation inédite, prévisible, mais pas de cette ampleur, il faut impérativement nous rassembler, pour faire front. En de telles circonstances, il y a, il y aura toujours des voix pour clamer que le ciel nous punit de notre irréligion, ou pour dénoncer des coupables, lanceurs de virus, en vue de juteux profits...
Ces voix se font déjà entendre. L'heure n'est pas aux procès ; elle est à la résistance, chacun à sa place, chez lui, à son travail ou à l'hôpital.
Des crises comme celle que nous traversons ne réjouissent personne et sont immanquablement source de drames et de catastrophes. Pourtant, qui dit crise dit occasion possible de dépassement, de croissance. Les évêques de France viennent d'adresser aux catholiques et à tout le pays un message qui exprime cette espérance : en nous faisant revenir à l'essentiel, du fait du confinement imposé par la pandémie, nous sommes conduits à retrouver, au-dedans de nous, les ressources qui, seules, peuvent nous faire vivre. De plus, la solidarité, le don de soi, le bon sens que ces semaines nous permettent de développer, sont des valeurs sûres pour fonder notre avenir.
Dans de tels moments, comment ne pas réaliser que nous sommes esclaves de la publicité et du qu'en dira-t-on, à la traîne de modes et d'idéologies plus nocives que le Covid-19.
Après, il faudra tirer rapidement les conclusions de cette crise, pour ne pas recommencer, « comme avant », à courir après des illusions et à nous appuyer sur des chimères. Ces illusions, ces chimères s'appellent progrès, confort, plaisir, argent, réussite, et tout ce qui fait rêver les hommes et les femmes qui ont perdu le sens de leur vie et toute échelle de valeur. II ne s'agit pas de condamner notre temps, mais de reconnaître le vide qu'il creuse dans les cœurs et les montagnes de déchets sous lesquels il s'étouffe et se pollue lui-même.
Nous avons connu une grave crise financière, en 2008/2009, mais n'avons pas su tirer les leçons de cet avertissement. Aussitôt, la « banque » a repris ses droits, et la 'bourse', à faire la loi.
Les rares voix qui, depuis des années, crient au monde « casse-cou » seront-elles entendues aujourd'hui où ce sont nos corps qui sont touchés et fragilisés.
Nous avons là l'occasion unique de nous faire entendre des gouvernants, qui gèrent l'immédiat et sont dans l'incapacité d'envisager et de préparer l'avenir.
Pour nous, chrétiens, l'avenir est à Dieu, pour l'homme, pas à la technologie et à la finance, pour un soi-disant progrès.
Frère Paul Emmanuel
Abbé du Bec Hellouin
Eglise d’Evreux N° 91 Avril 2020 page 27