Le Dr Jérôme Bultel a retravaillé deux semaines en avril à l’Ehpad Auguste-Ridou (photo : PN).

Le Dr Jérôme Bultel a retravaillé deux semaines en avril à l’Ehpad Auguste-Ridou (photo : PN).

Témoignage. Le Dr Jérôme Bultel a été conseiller municipal à Vernon de 2008 à 2014 et médecin jusqu’à sa retraite en janvier 2019. Mi-avril, l’ancien gériatre a repris du service à l’Ehpad Ridou de Vernon pour lutter contre le Covid-19.

Depuis le début de la crise, nombreux ont été les anciens professionnels de santé, médecins, infirmier(e)s ou encore aide-soignant(e)s, à sortir de leur retraite pour apporter leur expérience et prêter main-forte à la lutte contre la pandémie de Covid-19, en milieu hospitalier ou dans les établissements médico-sociaux. À leur initiative ou pour répondre à l’appel à la mobilisation générale lancée par le gouvernement.

Parmi eux, figure un visage bien connu à Vernon, celui du docteur Jérôme Bultel, âgé de 68 ans et ancien médecin gériatre. L’ex-conseiller municipal (2008-2014) du groupe « Vernon défis », mené par l’écologiste Jean-Claude Mary, et adjoint au maire en charge du Développement durable (2008-2010), sous la mandature du socialiste Philippe Nguyen-Thanh, avait pris sa retraite en janvier 2019. « Il était important pour moi d’être solidaire avec ceux qui sont en première ligne », souligne celui qui apparaissait au douzième rang de la liste « Vernon écologiste et citoyenne » aux élections municipales de mars.

Médecine et psychologie

L’ancien généraliste libéral, retourné sur les bancs de l’université en 2007 pour obtenir sa certification en gériatrie, avait achevé sa carrière avec deux casquettes. Celle de médecin au sein du service des soins de suite à l’hôpital de Vernon, mais aussi comme responsable médical de l’Établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) Auguste-Ridou.

C’est justement au sein de l’Ehpad vernonnais géré par le centre hospitalier Eure-Seine (CH Eure-Seine), particulièrement touché par le virus, que Jérôme Bultel a repris du service, pour un contrat court de deux semaines, du 13 au 24 avril 2020. « Dès le début de la crise, j’ai proposé mon aide en contactant la direction du centre hospitalier, raconte l’Eurois. Mais, à ce moment-là, on n’avait pas besoin de moi. Des anciens collègues, avec qui je suis toujours en relation, ont reparlé de moi à la direction quand la situation s’est compliquée, notamment à l’Ehpad. Dix jours après, la direction me proposait un contrat. Au départ, je devais rester une semaine seulement. »

Le Dr Jérôme Bultel est revenu dans un lieu qu’il connaissait parfaitement pour participer, aux côtés du médecin référent du site, à la nouvelle stratégie de lutte contre la propagation de l’épidémie dans la résidence. « La première semaine, mon rôle a été essentiellement médical, décrit l’ancien élu. J’ai vu les malades. Il s’agissait aussi de tester l’ensemble des résidents. Les résultats sont tombés le lundi suivant. On m’a alors proposé de rester cinq jours de plus pour aider à la mise en place du secteur dédié et protégé les personnes infectées au 3e étage. Mon travail a été plus psychologique et a consisté à les préparer au déménagement. J’ai également contacté les familles pour les informer et surtout les rassurer sur leurs inquiétudes légitimes. »

Le Vernonnais ne cache pas la tristesse qu’il a éprouvé quand il a appris, une fois sur place, le décès de résidents qu’il connaissait tous très bien. « Et ce n’est pas forcément les plus fragiles qui ont été emportés, signale-t-il. Parmi eux, il y avait une dame, dont j’avais le souvenir qu’elle était encore très tonique. Ce sont les mystères de la défense immunitaire, pour partie génétique. Un certain nombre de résidents testés positifs n’ont d’ailleurs développé aucun symptôme. Il était important de les identifier pour les isoler. »

« Dévouement et courage »

Comment explique-t-il le taux de contamination important qui a frappé l’Ehpad Ridou, alors même que la résidence Saint-Michel, à Évreux, autre site géré par le CH Eure-Seine, a été totalement épargnée ? « Cela est peut-être lié à la configuration des lieux. À Évreux, il y a deux bâtiments indépendants. À Vernon, en dehors de la petite unité Alzheimer, tous les autres résidents partagent le même cadre de vie. » L’ancien praticien juge aussi que l’éloignement prolongé avec les familles est une explication à la mortalité anormale - 15 décès sur 124 résidents - qui a touché l’établissement. « La solitude et la déprime peuvent avoir des effets dévastateurs sur un public aussi fragile. C’est un phénomène bien connu qu’on appelle le syndrome de glissement. »

Ses deux semaines à l’Ehpad Ridou ont surtout permis à l’ancien médecin d’observer, ce dont il ne doutait pas, « le dévouement » du personnel soignant. « Avec courage, calme et dynamisme, alors même que leur travail est difficile, éprouvant et anxiogène actuellement. Il y a une grande solidarité. »

Jérôme Bultel, qui se tient prêt à apporter à nouveau son aide si le besoin s’en fait sentir, espère maintenant que cette crise fera « peut-être avancer les choses. En raison de logique économique et de coupes budgétaires successives, qui touchent aussi l’hôpital public, les Ehpad ont été abandonnés, poursuit l’ancien médecin. Il faut plus de moyens. »

 David Goudey

Journaliste, agence locale de Vernon

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