« Choisis la vie ! », l’imaginaire chrétien selon Timothy Radcliffe
08 oct. 2020Timothy Radcliffe reprend dans soin denier livre une phrase forte du cardinal Newman : « Ne craignez pas que votre vie prenne fin, craignez plutôt qu’elle n’ait jamais de commencement. » DAVID HARTLEY/SHUTTERST/SIPA
Pour l’ancien maître de l’ordre dominicain, « le christianisme tourne autour d’une seule et unique chose : être vivant ». Dans un livre foisonnant, il nous convainc que « la plénitude de la vie commence dès aujourd’hui ».
(Choisis la vie ! le livre de Timothy Radcliffe Traduction de l’anglais par Robert Sctrick Cerf, 500 p., 20 €)
Il y a quelques années, une série de conférences à l’université de Newcastle a donné à Timothy Radcliffe l’occasion de réfléchir au lien entre religion et pensée contemporaine sous l’angle de « l’imaginaire ». Ce thème ne pouvait pas déplaire à l’ancien maître de l’ordre dominicain qui, depuis toujours, aime nourrir sa prédication de références à la littérature, au cinéma ou à la chanson. Cette fois, il pouvait essayer de dire comment les chrétiens conçoivent, se représentent et expriment ce qui les anime. De cette expérience, est né un livre qui a donc pour sous-titre « Un imaginaire chrétien ».
Un livre profus, foisonnant, truffé de toutes sortes de citations, plein d’humour et, souvent, d’autodérision ; bref, débordant de vie. Car c’est bien de cela qu’il s’agit. Dans son projet d’« ouvrir aux laïcs et aux athées une porte sur l’imaginaire chrétien », Timothy Radcliffe démontre - y compris aux chrétiens - « que le christianisme tourne autour d’une seule et unique chose : être vivant ».
Le livre cite bien sûr d’entrée ce verset évangélique : « Moi, je suis venu pour qu’on ait la vie et qu’on l’ait surabondante » (Jn, 10,10). Mais aussi ce mot du cardinal Newman : « Ne craignez pas que votre vie prenne fin, craignez plutôt qu’elle n’ait jamais de commencement. » Car Timothy Radcliffe veut nous en convaincre : « La plénitude de la vie commence dès aujourd’hui. »
« Si tu n’aimes pas, tu es déjà mort»
Ne pas en conclure que Choisis la vie ! est un manuel de développement personnel parfumé à l’eau de rose et vantant un bonheur facile. Ce livre nous parle de la maladie, de la fatigue, du mal, de la pauvreté. « Suivre le Seigneur est une aventure risquée que ne couvre aucune assurance », écrit Timothy Radcliffe, qui cite aussitôt un autre dominicain, Herbert McCabe : « Si tu aimes, attends-toi à être blessé, peut-être tué. Si tu n’aimes pas, tu es déjà mort. »
Vivre pleinement à la suite du Christ, sous la plume du dominicain est une réponse, presque un défi, à la culture utilitariste contemporaine, à sa volonté de tout étroitement contrôler, à commencer par le temps, et de tout tarifer. Dans un très beau chapitre sur la liturgie, Timothy Radcliffe observe : « En ce lieu, nous est promis un bonheur qui ne peut être acheté mais qui nous est donné gratuitement. »
Refus du dualisme
Ce qui frappe, une nouvelle fois, dans la réflexion de Timothy Radcliffe, c’est sa réfutation éclatante du dualisme, de la séparation entre un esprit qui serait noble et un corps qui serait mauvais. La tentation a bien sûr toujours été présente au sein du christianisme. Mais, paradoxalement, elle habite désormais la culture scientifique contemporaine qui « rêve souvent le salut comme évasion hors du physique ». Le transhumanisme apparaît ainsi comme l’antithèse de l’incarnation qui est le cœur même du christianisme.
« Le christianisme est une religion très physique, nous dit Timothy Radcliffe. De même que nous nous représentons mieux la « vie spirituelle » dès lors que nous la rapportons à cette activité physiologique essentielle qu’est la respiration, de même toute notre vie corporelle, l’ouïe, la vue, le tact, marcher boire et manger, est sanctifié dans le Seigneur. » Lui qui, « au cours de sa dernière nuit sur terre, lava les pieds sales et fatigués de ses disciples et leur ordonna de faire de même entre eux ».
Aucun domaine de la vie et de la foi n’est passé sous silence. Notre amitié avec le Christ qui doit conduire les chrétiens à « nouer des amitiés que le monde considère comme impossibles ». La nécessité pour les chrétiens d’une « réappropriation de la non-violence radicale de Jésus ». L’importance, aussi, pour eux, de se consacrer à l’étude, Timothy Radcliffe n’hésitant pas à affirmer : « La doctrine nous délivre de tout ce qui est étroit et ennuyeux. » Ce livre en est une assez belle démonstration.
Guillaume Goubert