JOYEUX NOEL ET BONNE ANNEE 2021 !

On n’ose pas trop prononcer ces souhaits, sinon en se demandant si ce ne sont pas ritournelles complètement vides de sens. Et dans ce cas, il vaudrait mieux s’abstenir si on veut rester en vérité !
Pour ma part, l’année passée fut particulière, bien sûr, mais elle ne me fut pas cause de grandes souffrances personnelles alors que beaucoup ont été atteints, eux-mêmes ou leurs proches, vous peut-être ! J’ai beaucoup réfléchi à ce qu’était la liberté en étant confiné dans un appartement qui n’est quand même pas une cellule de prison ! J’ai essayé, dans un article pour « Ouest-France » (PJ), d’interpeller les lecteurs sur leur vision de l’emprisonnement d’après leur expérience de liberté limitée de déplacement. J’espère que certains auront compris que priver quelqu’un de toute liberté est une sanction très grave et qu’il n’est point besoin d’y ajouter humiliations, violences, conditions d’hébergement et d’hygiène honteuses…sauf si l’on considère que les détenus n’ont plus de dignité humaine, ce que je refuse violemment !
L’année qui se termine nous aura tous remis en place dans nos certitudes que nous n’osions pas trop vite abandonner : le virus a mis par terre nos idées sur la science toute puissante, y compris un jour sur la mort ; sur l’économie florissante et la consommation débridée, sources du bonheur ; sur l’idée que nos pays riches s’en tireraient toujours, et tant pis pour les autres !  Le virus a même réussi pour une  part, je pense, à déboulonner le président Trump, plus fort que tout et que tous !
Plus profondément, dans ce temps d’incertitude qui va durer, nous avons réappris à faire attention aux invisibles : résidents d’EHPAD, caissières, éboueurs, aide-ménagères, soignants. Nous avons redécouvert l’interdépendance entre nous, au plan personnel, mais aussi entre les groupes sociaux et les nations elles-mêmes. Peut-être avons-nous progressé en fraternité humaine ?
Voici Noël dans ce contexte ! Petit Noël triste ? On peut le voir de cette façon, si on reste en surface. Pour ma part, en profondeur, Noël retrouvera son vrai sens, débarrassé des paillettes : Dieu naît, pauvre et nu, vulnérable, dans une mangeoire à Bethléem, « maison du pain ». Ce mystère m’émerveille toujours et me remotive quand il en est besoin pour me faire frère de ceux et celles qui sont toujours « sur la paille » pour le coup : c’est là  le lieu de la rencontre décisive de notre Dieu incarné, comme nous disons. Et je voudrais encore plus leur partager le pain de l’amitié, de la dignité, de la justice, du pardon et aussi le pain de l’Evangile qui est Bonne Nouvelle pour eux d’abord !
Alors, oui, je m’émerveille toujours, même en ces temps difficiles ! Je m’émerveille toujours de l’amour qui donne la vie chez des jeunes couples comme de l’amour fidèle pendant des décennies, et même de l’amour blessé qui après une rupture douloureuse veut encore y croire. Force, beauté, dynamisme et tragique de l’amour humain !
Je m’émerveille de la rage de vivre, du sens de la dignité de ces invisibles révélés par la crise et de ceux qui humblement continuent leur chemin de vie et d’humanité, là où ils sont, sans bruit et sans médias tapageurs : agriculteurs bio ou conventionnels raisonnés qui s’accrochent à leur territoire, leur famille, leur profession au milieu d’énormes difficultés, parfois dans un profond désespoir ; militants associatifs de causes qui n’intéressent pas grand monde, voire suscitent la réprobation (Roms, migrants, soutien aux personnes détenues, aux chômeurs,…) ; décisionnaires politiques de tous niveaux, économiques, religieux, sanitaires, judiciaires, pénitentiaires qui se font incendier de critiques en tous sens… Je pourrais continuer longtemps la liste.
Je m’émerveille, parce que tous me font encore croire qu’aucun homme n’est  si pourri qu’il ne mérite plus respect, attention ni fraternité. Croyants ou non, ils forcent mon admiration et me reboostent dans mon propre engagement de vie. Chrétien, j’en dis merci dans la prière à Dieu qui en est la source !
(...)
Je vous souhaite un Noël simple, mais chaleureux et joyeux quand même. Une année 2021 qui vous trouve disponible à l’inattendu, ancré solidement dans l’espérance et la fraternité malgré tout.

Jean-François PENHOUET
Prêtre de la Mission de France
Aumônier Général des aumôneries catholiques des prisons


 

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