Le voyage apostolique du pape François en Irak
27 févr. 2021« Vous êtes tous frères » (Mt 23,8)
Le pape François va se rendre prochainement en Irak, du 5 au 8 mars 2021. Il s'agit de son premier voyage après 15 mois d'interruption des visites apostoliques en raison de la pandémie, et la première visite d'un souverain pontife en Irak. Ce voyage représente un geste concret de proximité à toute la population de ce pays martyrisé depuis plusieurs années.
Cette visite en Irak, le pape François envisageait déjà le 10 juin 2019 lors de l'audience aux participants à la Rencontres des Œuvres d'aide aux Églises orientales (ROACO) : « Une pensée récurrente m'accompagne en pensant à l'Irak- avait-il déclaré, partageant sa volonté d'y venir en 2020- et souhaitant que le pays « puisse regarder vers l’avant à travers la participation pacifique et partagée à la construction du bien commun de toutes les composantes – y compris religieuses – de la société, et ne retombe pas dans les tensions venant des conflits jamais éteints des puissances régionales ».
La volonté de préserver la présence historique des chrétiens
Cette visite fait suite à la venue de Barham Salih, président de la République d'Irak, au Vatican le 25 janvier 2020. Reçu par le pape François, le chef d'état irakien avait également rencontré le cardinal-Secrétaire, Pietro Parolin, et Mgr Paul Richard Gallagher, Secrétaire pour les relations avec les États. Ils ont évoqué ensemble les défis du pays, comme celui de « favoriser la stabilité et le processus de reconstruction, en encourageant la voie du dialogue et la recherche de solutions adéquates en faveur des citoyens et dans le respect de la souveraineté nationale ». Ainsi, « l’importance de préserver la présence historique des chrétiens » et «la nécessité de leur garantir la sécurité et une place dans l’avenir » du pays, figuraient au centre de ces défis.
L’annonce du voyage du Saint Père en Irak est une formidable nouvelle pour les Irakiens mais aussi pour tout le Moyen-Orient et pour tous les amis des chrétiens d’Orient.
Ce voyage aura certainement un grand retentissement dans l’Église et dans le monde. Qu’il puisse être reçu comme l’occasion d’un renouvellement spirituel individuel et social pour chacun.
Un programme au service du dialogue interreligieux
Depuis la guerre du Golfe (1990 – 1991), les voyages pontificaux au Moyen-Orient ont été rendus particulièrement difficiles malgré la mission de paix dont les papes depuis Jean-Paul II se sont sentis investis. Toutefois, les trois derniers souverains pontifes Jean Paul II, Benoît XVI et François ont pu se rendre dans plusieurs pays du Moyen-Orient : Liban, Égypte, Terre Sainte et Jordanie, Syrie, Turquie, Abu Dhabi, Arménie et Azerbaïdjan.
On peut souligner le lien entre Abu-Dhabi avec la déclaration commune sur la fraternité humaine, Rabat avec les déclarations sur le passage du statut de minorité à la pleine citoyenneté et celui en Irak qui se situe sur les traces d’Abraham (Ur), père des croyant et de Jonas (Ninive - Mossoul) qui appelle tout homme et tous les hommes à la conversion.
Le pape Jean-Paul II voulait déjà se rendre en Irak en 1999 (Lettre du pape Jean-Paul sur le pèlerinage aux lieux qui sont liés à l'histoire du Salut, 29 juin 1999), mais cela n'a pas pu aboutir du fait du contexte socio-politique en Irak comme l'explique frère Amir Jajé, dominicain irakien et membre du conseil pontifical pour le dialogue interreligieux :
Cela fait 20 ans que les papes successifs souhaitaient se rendre en Irak sur les traces d’Abraham. Ce voyage tenait à cœur au pape Jean-Paul II, qui souhaitait déjà s’y rendre en décembre 1999, et qui a transmis son ambition à ses successeurs. Or, à cette période, l’Irak était sous le gouvernement de Saddam Hussein. Et celui-ci voyait dans la venue du pape des objectifs contraires à ce que Jean-Paul II pouvait réaliser en tant que chef de l’Église. Le pape a été obligé de refuser ces conditions et finalement s’est rendu symboliquement en Jordanie.
De nouveau, le pape François s’est engagé à venir en Irak. Après 2014, à Noël 2015, il avait promis aux déplacés chrétiens de la plaine de Ninive de venir à leur rencontre pour les soutenir dans leur épreuve face à l’invasion de Daesh.
Mais il vient surtout pour soutenir le pays tout entier, un Irak fort qui, petit à petit, se remet debout. Dans ce cadre, le pape François veut transmettre un message de paix et de fraternité au-delà de toutes religions car c’est en dépassant les sectarismes religieux que tous les Irakiens peuvent et doivent reconstruire l’Irak. Cette visite est donc pour tous les Irakiens et tous les Irakiens attendent la venue du pape. Ils ont besoin du message de soutien et de paix d’une personne aussi symbolique que le pape. Un message qui pourra même resonner dans tous les pays voisins du fait du lien qui unit les religions monothéistes à travers la fraternité fondée sur l’appartenance à un même père, Abraham.
Le pape François a un esprit prophétique et saura aller au-delà des différences religieuses sans donner l’impression aux chrétiens qu’il les délaisse.
Frère Amir Jajé
Le programme officiel du voyage apostolique
Ce voyage emmènera le pape François entre autres dans les villes de Bagdad, Ur, Erbil, Mossoul et Qaraqosh.
Vendredi 5 mars
Accueil à l'aéroport par le Premier ministre irakien Moustafa al-Kazimi
Cérémonie officielle de bienvenue au palais présidentiel, suivie d'un entretien de courtoisie avec le président de la République irakienne Barham Salih & d'une rencontre avec les autorités, la société civile et le corps diplomatique irakien
Rencontre avec les évêques, prêtres, religieux et séminaristes du pays, en la cathédrale syro-catholique Notre-Dame de l'Intercession de Bagdad
Samedi 6 mars
Rencontre avec le Grand Ayatollah Sayyid Ali Husayni Al-Sistani (plus haute autorité musulmane chiite en Irak) à Nadjaf (200 km au sud de la capitale)
Rencontre interreligieuse à Ur au milieu des « plaines d'Abraham »
Messe avec le clergé chaldéen à Bagdad, en la cathédrale latine Saint-Joseph
Dimanche 7 mars
Rencontre avec les communautés chrétiennes ayant fui les exactions du groupe État islamique à Erbil (capitale du Kurdistan irakien), Mossoul et Qaraqosh dans la plaine de Ninive
Rencontre avec le président et le premier ministre de la région autonome du Kurdistan irakien à Erbil
Prière de suffrage pour les victime de la guerre à Mossoul (Place de l'Église)
Visite de la communauté de Qaraqosh, en l'église de l'Immaculée Conception
Messe au stade "Franso Hariri" d'Erbil
Lundi 8 mars
Cérémonie de départ à l'aéroport de Bagdad
Des enjeux diplomatiques et politiques
Les Irakiens attendent avec beaucoup d’impatience la venue du pape en Irak, avec espérance, non seulement pour la communauté chrétienne dont la présence est menacée, mais aussi pour le peuple tout entier qui attend une exhortation à la paix et à la fraternité. Ils attendent un message qui permettra de mettre en lumière les incohérences politiques et de promouvoir l’unité, la stabilité au sein du pays et dans les relations de l’Irak vis-à-vis de ses voisins. C'est également l'occasion d'une considération nouvelle de la part du monde entier. À la suite de l’annonce du voyage du pape, Noël a été officiellement déclaré fête nationale en Irak.
Des réserves avaient été émises sur le voyage pontifical le 10 janvier 2021 en raison de la pandémie. Le patriarche Louis Raphaël Sako a proposé de réciter une prière pendant la messe dominicale pour la venue du pape en Irak :
« Seigneur notre Dieu, accorde au pape François santé et prospérité, afin qu’il puisse mener à bien cette visite attendue. Bénissez ses efforts pour renforcer le dialogue et la réconciliation fraternelle et pour instaurer la confiance, consolider les valeurs de paix et de dignité humaine, en particulier pour nous, les Irakiens, témoins d’événements douloureux qui nous ont touchés.
Seigneur, notre Créateur, illumine nos cœurs de ta lumière, afin que nous voyions le bien et la paix et que nous commencions à les réaliser.
Vierge Marie, notre Mère, nous confions à votre attention maternelle la visite du pape François, afin que le Seigneur nous accorde la grâce de vivre en pleine communion nationale, coopérant fraternellement pour construire un avenir meilleur pour notre pays et ses citoyens.
Amen. »
Prière de S. B le patriarche Sako pour la venue du pape en Irak
14 janvier 2020
Diocèse de Saint Dié (Vosges)