« La charia, un point c’est tout » : en Afghanistan, les talibans réfutent toute idée de démocratie
21 août 2021Offensive de charme : le taliban Anas Haqqani (au centre), discute du futur gouvernement avec l’ex-président Qarzai (mains jointes) et l’ex-chef de l’exécutif Abdullah Abdullah (en bleu). | REUTERS
L’Émirat proclamé par les talibans, de retour à la tête du pays, sera basé sur la charia et dirigé par leur chef, le mollah Haibatullah Akhundzada et ses lieutenants.
Cinq jours après leur entrée dans Kaboul, les talibans dévoilent, par touches successives, les contours de l’Émirat islamique qu’ils entendent rétablir. Mardi 17 août 2021, leur porte-parole Zabihullah Mujahid, promettait un gouvernement d’union nationale ouvert aux adversaires de la veille et même aux femmes, dans le respect de la charia.
Tout à leur offensive de charme, les extrémistes sunnites ont envoyé une délégation dans le quartier où vit la minorité hazara de la capitale, à l’occasion de la fête chiite d’Achoura. Et ils vantent leurs pourparlers avec l’ancien président Hamid Karzaï (2001-2014) et d’ex-dirigeants. Des ministres pourraient être recyclés dans le prochain cabinet, a laissé entendre un haut responsable taliban. Celui de la Santé, Wahid Majroh, a fait savoir qu’il reste à son poste, de même le maire de Kaboul, Daoud Sultanzoy.
« La charia, un point c’est tout »
Ce qui pourrait passer pour un accès de libéralisme s’arrête là. L’Afghanistan sera bien dirigé par un Conseil ayant à sa tête un Guide suprême, le chef des talibans, l’obscur Haibatullah Akhundzada.
L’un de ses lieutenants prendrait le rôle de Président. Il n’y aura pas de système démocratique du tout, parce que cela n’a aucun fondement dans notre pays, a annoncé à l’agence Reuters l’un des cadres du mouvement, Waheedullah Hashimi. Nous n’allons pas discuter du type de système politique, car cela est clair : c’est la charia, un point c’est tout.
L’Émirat islamique 2.0 serait donc la réincarnation, à des nuances près, du système qu’avaient instauré les talibans entre 1996 et 2001. À l’époque, ils avaient limité l’éducation des filles et imposé aux femmes de porter la burqa. Elles n’auront toujours pas le choix : Nos oulémas (érudits) décideront si elles doivent aller à l’école ou non, si elles doivent porter le hijab, la burqa ou seulement un voile avec une abaya, annonce Hashimi.
Dans plusieurs villes, des manifestations anti-talibans
Les Afghans – et Afghanes — laisseront-ils faire, après deux décennies pendant lesquelles ils ont goûté au suffrage universel et aux libertés individuelles ? À l’occasion de la fête de l’Indépendance, ce jeudi 19 août, la défiance s’est manifestée dans plusieurs villes. Des centaines de personnes ont réclamé le rétablissement du drapeau national vert, rouge et noir, auquel les talibans viennent de substituer leur étendard blanc frappé de la chahada, la profession de foi islamique. Comme à Jalalabad (est) la veille, il y a eu des morts à Asadabad, où les miliciens ont tiré sur les cortèges.
À Kaboul, des milliers d’Afghans paniqués continuent de vouloir quitter le pays à bord des avions qui évacuent les milliers ressortissants étrangers. À l’intérieur de l’aéroport, ils font face aux soldats américains qui tentent de maintenir le calme et, plusieurs fois depuis dimanche, ont tiré en l’air. À l’extérieur, ils butent sur des barrages de talibans qui, de plus en plus, les refoulent brutalement.
Bruno RIPOCHE
Ouest France