L’ancien professeur à la faculté de théologie du Centre-Sèvres de Paris, Bernard Sesboüé, en février 2006. BRIGITTE CAVANAGH / CIRIC

L’ancien professeur à la faculté de théologie du Centre-Sèvres de Paris, Bernard Sesboüé, en février 2006. BRIGITTE CAVANAGH / CIRIC

Alors que j'étais séminariste à la Mission de France, j'ai eu l'immense bonheur de bénéficier de son enseignement au scolasticat des Jésuites rue Blomet à Paris en 1974-1975 puis au Centre Sèvres en 1975-1976. Voici son portrait paru dans La Croix de ce jour :
Théologien « tous publics », ancien professeur au Centre Sèvres à Paris et membre du Groupe des Dombes pendant plus de quarante ans, le jésuite Bernard Sesboüé est décédé mercredi 22 septembre à l’âge de 92 ans.
C’est un théologien de premier plan qui s’est éteint à l’âge de 92 ans, à l’aube du mercredi 22 septembre 2021. N’ayant pas peur de se confronter aux sujets épineux, Bernard Sesboüé avait l’art de rendre accessibles les questions les plus exigeantes. Un travail patient qui n’empêchait pas les prises de position fermes et argumentées dans les débats de société aussi bien qu’au sein de l’institution ecclésiale.
Homme attentionné et modeste, généreux et discret, il refusait toute mise en avant : « D’accord pour parler d’un sujet, pas de moi », concédait-il à son éditeur Marc Leboucher qui a publié plusieurs livres d’entretien avec le théologien jésuite.
Un itinéraire jésuite
Né à La Suze (Sarthe) en 1929, Bernard Sesboüé était entré au noviciat de Laval en 1948, après sa scolarité au collège jésuite du Mans, puis une licence de Lettres classiques à la Sorbonne. Après ses années de philosophie et de théologie à Chantilly (1952-1961) et son ordination sacerdotale (1960), il fait son « Troisième an » (année de discernement spirituel dans la Compagnie de Jésus) à Paray-le-Monial (Saône-et-Loire), puis part à Rome où il soutient une thèse de doctorat sur Basile de Césarée.
Dès son retour en France, et pendant dix ans (1964-1974), il enseigna la patristique et la dogmatique à la Faculté de théologie jésuite de Lyon-Fourvière. Héritier d’Henri de Lubac tout aussi bien que de François Varillon ou Jean Daniélou, il trouvait les mots pour faire face à l’athéisme contemporain : « Dieu est celui qui nous reconnaît, qui s’intéresse à nous, s’approche de nous et veut nous communiquer sa propre vie », insistait-il.
Le regard vif derrière des lunettes cerclées et le visage ouvert, l’intellectuel se faisait pasteur en quelque sorte d’une théologie pour tous publics. Maniant aussi bien la patristique que l’ecclésiologie, apostrophant à tout propos la théologie, il enseigna pendant plus de trente ans (1974-2007) au Centre-Sèvres - Facultés jésuites de Paris, tout en publiant ou dirigeant de nombreux ouvrages érudits ou à destination d’un large public, notamment Croire (Droguet & Ardant, 1999), présenté comme « Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle ». L’Académie française lui décerna d’ailleurs le prix du Cardinal-Grente pour l’ensemble de son œuvre en 2011.
Confrontations
Travailleur infatigable, il n’est guère de questions théologiques auxquelles ce jésuite ne se soit pas frotté depuis plus d’un demi-siècle d’enseignement, de recherche et de publication, les titres de ses livres en témoignent, qu’il s’agisse de L’autorité dans l’Église, Le Salut ou encore la formule Hors de l’Église point de salut.
À la Commission théologique internationale (1981-1985), il côtoyait Joseph Ratzinger, alors préfet de la Congrégation pour la doctrine de la foi. Très préoccupé d’œcuménisme, il prit part dès 1967 au travail du Groupe des Dombes et ce jusqu’en 2005, participant aussi à de nombreuses commissions de dialogue. S’il se félicitait de ces avancées, le jésuite regrettait cependant qu’ils n’aient pas permis d’avancées plus décisives « dans la symbiose entre les Églises », en particulier à cause du « verrou » de la question des ministères.
Soucieux du rejet du christianisme par l’Occident, Bernard Sesboüé n’hésitait pas à se lancer dans des ouvrages plus polémiques, afin de répondre, par exemple à Frédéric Lenoir (Christ, Seigneur et Fils de Dieu, DDB, 2010), ou dénonçant encore les « insinuations mensongères » de Dan Brown et de son Da Vinci Code. Il montrait que ce phénomène d’édition révélait « quelque chose de très grave : les bons catholiques ignorent tout des origines du 
Et de plaider, en théologien, pour une catéchèse qui engage un discours critique et qui n’en reste pas « à une catéchèse pour enfants auxquels on dit ce qu’il faut croire ». Une parole vive, qu’il délivrait avec une humilité qui était aussi l’une des qualités de ce théologien souriant, vigilant et confiant : « L’Église ne sera jamais à la hauteur du Christ, il faut le reconnaître. La tâche redoutable de l’Église est d’être suffisamment transparente et fidèle pour pouvoir être le témoin toujours crédible du Christ. »
LA CROIX, Christophe Henning, avec Claire Lesegretain

Lien à la Source


 

Retour à l'accueil