© Chappatte dans Le Temps (Suisse)

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Résumé du rapport de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église Octobre 2021
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3. Révéler la part d’ombre : une attitude de l’Église catholique qui a évolué au cours du temps, mais qui est restée trop centrée sur la protection de l’institution, longtemps sans aucun égard pour les personnes victimes
Une institution Église qui n’a pas pris la défense des victimes. Un droit canonique gravement défaillant. Des obligations juridiques encore trop peu connues et respectées.
Dans une deuxième partie, le rapport établit le diagnostic porté par la commission sur son objet d’étude. Sont de nouveau convoquées les différentes disciplines représentées au sein de la commission, ainsi que les différentes sources de données utilisées, afin de replacer les actes perpétrés, et leur fréquente couverture, de 1950 à aujourd’hui, « dans le contexte des époques concernées », pour reprendre les termes de la lettre de mission.
Le séquençage historique utilisé en première partie est ici repris, afin de caractériser l’évolution de l’attitude de l’Église catholique face aux agressions commises en son sein. 
De 1950 à 1970, dominent chez cette dernière la volonté de se protéger du scandale tout en essayant de « sauver » les agresseurs, ainsi que l’occultation du sort des personnes victimes, invitées à faire silence. 
De 1970 à 1990, la question des violences sexuelles passe au second plan, derrière
la crise sacerdotale, qui accapare davantage les structures internes de prise en
charge des clercs « à problèmes ». Cela vaut y compris dans le domaine clinique, qui est une voie de traitement des cas signalés abandonnée à la fin de cette période. 
À partir des années 1990, l’attitude de l’Église catholique change progressivement, avec la prise en compte de l’existence des personnes victimes, qui toutefois ne vaut pas encore reconnaissance. Celle-ci émerge à compter des années 2010, avec le développement des dénonciations à la justice, des sanctions canoniques et du renoncement au traitement purement interne des agresseurs.
Sur la plus grande partie de la période étudiée par la CIASE, il résulte de ces observations une qualification des faits par la commission qui peut se résumer dans les termes d’occultation, de relativisation, voire de déni, avec une reconnaissance toute récente, réellement visible à compter de 2015, mais inégale selon les diocèses et les congrégations. Si l’on combine cette analyse avec ce qui a été dit en première partie de la prévalence des violences sexuelles sur mineurs et personnes vulnérables, alors s’impose la notion de phénomène systémique. Non que les violences aient été organisées ou admises par l’institution (ce qui s’est cependant produit dans certaines communautés ou institutions très peu nombreuses), mais l’institution ecclésiale n’a clairement pas su prévenir ces violences, ni simplement les voir, et moins encore les traiter avec la détermination et la justesse requises.
Dans l’analyse des facteurs spécifiques à l’Église catholique pouvant, parallèlement à la contextualisation socio-historique, contribuer à expliquer l’ampleur du phénomène et les biais identifiés dans son traitement si peu approprié, la commission se penche, en premier lieu, sur les particularités du droit canonique. Car une partie de l’inadéquation des réponses apportées par l’Église aux cas lui ayant été signalés réside dans les lacunes de ce droit, surtout conçu en vue de la protection des sacrements et de l’amendement du pécheur – la personne victime étant la grande absente – et largement inadapté, dans son volet pénal, à la répression des violences sexuelles qu’il ne nomme d’ailleurs jamais en tant que telles. 
La commission conclut à l’inadéquation du droit canonique aux standards du procès équitable et aux droits de la personne humaine dans la matière si sensible des agressions sexuelles sur mineurs. 
En second lieu et plus fondamentalement, sont étudiés les dévoiements, les dénaturations et les perversions auxquels ont donné prise la doctrine et les enseignements de l’Église catholique, susceptibles d’avoir favorisé la survenue des violences sexuelles : le « cléricalisme » fustigé par le pape François dans sa Lettre au peuple de Dieu d’août 2018, qui comprend l’excessive sacralisation de la personne du prêtre ; la survalorisation du célibat et des charismes chez le prêtre ; le dévoiement de l’obéissance lorsqu’elle confine à l’oblitération de la conscience ; le détournement des Écritures. La commission, s’appuyant sur les témoignages reçus, s’est aussi attachée à identifier ce qui, dans les textes issus de la Tradition de l’Église, comme le Catéchisme de l’Église catholique, pouvait avoir malheureusement entretenu ce terreau favorable : l’insuffisante attention aux atteintes aux personnes, derrière les « offenses à la chasteté », ou la vision excessivement taboue de la sexualité.

La commission formule, dans ce cadre, des observations qui invitent l’Église à se poser, sur elle-même, certaines questions fondamentales. Que l’on se rassure : la commission n’a pas été gagnée par une sorte de démesure qui l’aurait amenée à outrepasser son mandat, voire à se hisser au dessus de ses mandants ; il lui semble au contraire que c’est la seule manière de l’accomplir vraiment, quand bien même cela n’avait pas été envisagé sous cette forme à l’entame de ses travaux. Car elle a, collectivement, acquis au fil des mois la conviction que sa création, en tant qu’instance indépendante et extérieure à l’Église, à ce moment précis de l’histoire de l’institution frappée par la crise aiguë des abus, lui conférait la responsabilité de creuser aux racines de ce mal, aussi profondément que l’Église est en train de le faire elle-même, comme le manifestent notamment, parmi tant d’autres réflexions et publications dont il est rendu compte dans le rapport, la Lettre au peuple de Dieu du pape François déjà mentionnée ou les travaux spécifiques de la commission doctrinale de la Conférence des évêques de France qui ont pu être communiqués à la commission. (...)

Extrait du résumé du rapport de la CIASE pages 16-18

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