Remise du rapport de la CIASE, Paris 5 octobre 2021

► 10 h 05 : [JEAN-MARC SAUVÉ] « Il faut reconnaître la responsabilité de l’Église »
Jean-Marc Sauvé dresse désormais le tableau des réponses de l’Église. D’abord, une « indifférence », une volonté de « protéger l’institution » et une volonté de « maintenir dans le sacerdoce les prêtres défaillants ». Cette réponse correspond à peu près à la période 1950-1970.
Puis « petit à petit », l’Église et la société prennent conscience des « dommages », des « traumatismes » causés par ces violences. Un changement de cap a lieu en 2000, en « contexte de crise » avec le procès de Mgr Pican. Une « tolérance zéro » est annoncée, mais cette politeique« tarde à être mise en œuvre », notamment en raisons de « liens de confraternité » entre les clercs et les religieux. Il compare notamment avec l’éducation nationale, où, slon lui, les mécanismes ont été bien plus rapidement efficaces.
Il faut « reconnaître la responsabilité de l’Église », exige Jean-Marc Sauvé. Il y a eu des « fautes », celles des agresseurs mais aussi celles des responsables qui n’ont pas dénoncé et qui ont mis des prédateurs en contact avec des enfants. Mais il y a aussi des « négligences, défaillances : le silence, la couverture institutionnelle ». « L’Église n’a pas su voir, pas su entendre, pas su capter les signaux faibles », accuse-t-il, ni su prendre les mesures rigoureuses qui s’imposaient.
► 10 h 10 : [JEAN-MARC SAUVÉ] Les indemnisations « [ne sont] pas un don, c’est un dû »
« L’Église a aussi biaisé par rapport à ses propres enseignements », tacle Jean-Marc Sauvé. Les mesures ont été prises en réaction aux événements et inégalement appliquées. Il faut une « reconnaissance de la responsabilité de l’institution », demandent à l’unanimité les membres de la Ciase.
Jean-Marc Sauvé demande également de « réparer » autant que possible. Il souhaite la mise en place d’une institution indépendante capable de reconnaître la qualité de victimes, notamment pour les personnes concernées par des faits prescrits. Il demande également « d’indemniser » les victimes et recommande ce que ces indemnisations ne soient pas forfaitaires – contrairement donc, aux plans actuels de l’épiscopat français. « Ce n’est pas un don, c’est un dû, les victimes ont une créance et l’Église a contracté une dette à leur égard », insiste Jean-Marc Sauvé.
► 10 h 20 : [JEAN-MARC SAUVÉ] Le souhait d’une réforme du droit de l’Église
Jean-Marc Sauvé exige une réforme du droit de l’Église qui, selon lui, n’a pas su prévenir comme il aurait dû les violences sexuelles. Il demande que soit introduit les règles du procès équitable. Le droit canonique, annonce-t-il, a une « trop grande confusion » des responsabilités de l’évêque qui est à la foi responsable des ressources humaines de son diocèse, celui qui est chargé de l’application des peines, le promoteur de justice etc. Il se réjouit donc de la création d’un tribunal pénal canonique interdiocésain. Il dénonce également que, pour le moment, la victime soit la grande absente des procédures canoniques.
« Le secret de confession ne peut pas être opposé à l’obligation de dénoncer » des atteintes graves sur des mineurs ou des personnes vulnérables, estime la commission. C’est à la fois une obligation du droit français, mais aussi une « obligation de droit naturel de protection de la vie et de la dignité des personnes. » S’il se dit conscient de la « sensibilité » de cette recommandation, ce catholique pratiquant annonce y « adhérer » lui-même.
« Il nous semble indispensable de se pencher sur tout ce qui a pu nourrir ou justifier les abus puis les violences sexuelles notamment une forme d’hyperbolisation de l’autorité du prêtre, une sacralisation excessive, l’identification du prêtre au Christ dans tous les aspects de sa vie », poursuit encore Jean-Marc Sauvé. Il dit sa « stupéfaction » devant le fait que le sacrement de pénitence ait pu servir de cadre à des violences sexuelles. Il dénonce également le « dévoiement » de certains charismes.
Concernant la morale sexuelle, il regrette un « nivellement excessif », avec la mise sur le même plan des relations sexuelles consentantes hors mariage et des violences sexuelles.« Ce n’est pas acceptable et doit être revu, ce n’est pas une question de dogme, mais d’enseignement ». « Les agressions sexuelles sont des œuvres de mort », martèle-t-il.
► 10 h 25 [VOS RÉACTIONS] Cécile, 53 ans, Paris
« Comment continuer à suivre une Église coupable de tant de crimes ? De tant d’abus ? Combien de prêtres et d’évêques ont couvert tout cela ? Combien de paroissiens ? Mon dégoût est immense. Comme catholique, mère, femme, croyante, humaine. »
► 10 h 30 [JEAN-MARC SAUVÉ] « L’Église doit faire tout ce qui est nécessaire pour reconstruire »
Pour le président de la Ciase, « nous savons que l’Église catholique est partie prenante à notre société, en est une composante essentielle. Il est donc impératif de rétablir une alliance qui a été mise à mal. »« L’Église peut et doit faire tout ce qui est nécessaire pour rétablir ce qui a été abîmé et reconstruire ce qui a été abimé », déclare Jean-Marc Sauvé en conclusion de sa présentation.
Mgr Éric de Moulins-Beaufort et sœur Véronique Margron montent maintenant sur scène pour recevoir le rapport des mains de Jean-Marc Sauvé.
►10 h 30 [ÉRIC DE MOULINS-BEAUFORT] « Mon désir est de vous demander pardon »
C’est désormais au tour de Éric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, de s’exprimer à l’estrade. Le rapport « rude, sévère » décrit une situation « effarante », qui « dépasse ce que nous pouvions supposer », reconnaît-il. Il salue le « courage » et la « force intérieure » de ceux qui sont parvenus à s’exprimer.
Aux victimes « j’exprime ma honte, mon effroi, ainsi que ma détermination à agir avec elles pour que le refus de voir, d’entendre, la volonté de cacher ou de dissimuler, la réticence à les dénoncer publiquement disparaissent ». « Mon désir en ce jour est de vous demander pardon »,dit gravement l’archevêque de Reims.
« Le rapport de la Ciase nous appelle à plus de lucidité encore, le temps de la naïveté et des ambiguïtés est dépassé », déclare encore Éric de Moulins-Beaufort, parlant d’un « effroyable tableau ». Lorsque celui qui commet une agression sexuelle, note-t-il, le dommage chez l’enfant victime est « augmenté de façon exponentielle ». Il demande aux catholiques, fidèles et consacrés, de lire le rapport.
Il termine son intervention sans aucun applaudissement. Sœur Véronique Margron s’exprime désormais.
 

Remise du rapport de la CIASE, Paris 5 octobre 2021

► 10 h 40 : [VÉRONIQUE MARGRON] « Il faut se taire pour se recueillir devant chaque vie plongée dans les abîmes »
Sœur Véronique Margron lit son discours, mais sa voix marque son émotion. « Peut-on bien recevoir un désastre ?, s’interroge la présidente de la Corref. Que dire, sinon éprouver un infini chagrin,une honte charnelle, une indignation absolue ? (…) Il faut se taire tout au-dedans de soi pour se recueillir devant chaque vie plongée dans les abîmes, devant les crimes massifs commis dans l’Église, mon Église. Devant ce peuple brisé par la violence de l’effraction. »
« Il est bien difficile de vous remercier de pareille révélation, poursuit sœur Véronique Margron à l’attention des membres de la Ciase. Pourtant je le fais avec une très grande gratitude. (…) Je mesure un peu l’épreuve inédite qu’aura représentée de s’enfoncer dans ces bas-fonds de l’humanité. »
► 10 h 45 : [VÉRONIQUE MARGRON] Les violences sexuelles, « des crimes contre l’humanité du sujet intime »
« Que l’Église et la vie religieuse, qui n’ont pas d’autres finalités que de témoigner de cette vie surabondante qui vient de Dieu, aient pu porter la mort, et la mort massive, est intolérable, crucifiant. Et nous rend éminemment responsables », poursuit encore sœur Véronique Margron. Elle définit les violences sexuelles commises dans l’Église comme des« crimes contre l’humanité du sujet intime, croyant, aimant ». Et de questionner : « Comment s’en remettre ? Je ne sais pas. »
La voix tremblante, sœur Véronique Margron termine son allocution. Contrairement à Mgr de Moulins-Beaufort, elle reçoit quelques applaudissements.
► 10 h 55 : [QUESTIONS DE LA PRESSE] 3 000 prédateurs, un « chiffre plancher »
Jean-Marc Sauvé est interrogé sur le rapport entre le nombre de victimes d’une part – 216 000 – et de prédateurs recensés – environ 3 000 – ce qui correspondrait à une moyenne de 70 victimes par abuseurs. Première réponse : le nombre de 3 000 prédateurs ne concerne que les hommes, faisant baisser la moyenne de victimes à 63 (des religieuses ayant aussi commis des violences religieuses).
Seconde réponse : 3 000 est un « nombre minimal », un « chiffre plancher ». Selon lui l’incertitude n’est pas tant sur le nombre de victimes que sur le nombre de prédateurs. Pour lui, le chiffre de 216 000 « nous approche beaucoup plus de la vérité que le nombre de personnes qui se sont adressées à nous et dont on a trouvé traces dans des archives ».
► 11 h 10 : [QUESTIONS DE LA PRESSE] « Appelons les choses par leur nom »
« On ne peut pas en présence de certains actes de parler de geste déplacés ou contraire à la chasteté, s’indigne Jean-Marc Sauvé en référence à un langage parfois utilisé dans l’Église. Appelons les choses par leur nom, si on sait nommer les choses, on pourra les combattre de façon appropriée », exhorte-t-il.
► 11 h 15 : [QUESTIONS DE LA PRESSE] Des abus sexuels moins nombreux « en zone de chrétienté »
Au sujet de la disparité géographique concernant la commission d’abus, Jean-Marc Sauvé note que « paradoxalement » les agressions sont proportionnellement moins nombreuses dans les régions où la pratique religieuse était la plus forte. Il avance comme hypothèse que dans ces lieux, le clergé était probablement plus encadré et disposant de relations plus saines avec les fidèles – permettant notamment une certaine forme de contrôle indirect. « Par prêtre, il y a eu moins d’abus en zone de chrétienté », résume-t-il.
► 11 h 20 : [FIN DE LA CONFÉRENCE DE PRESSE] « J’ai exprimé notre attente et notre espoir »
Jean-Marc Sauvé clos la conférence de presse. « La mission de la commission prend fin (…) nous passons le témoin aujourd’hui à l’Église. J’ai exprimé notre attente et notre espoir. »
Arnaud Bevilacqua, Christophe Henning, Xavier Le Normand avec Benjamin Bousquet, Élisa Brinai, Carine Fritel, Annabelle Georges, Nathalie Jira, Théo Moy, Grégoire Orain, Esther Serrajordia et Isabelle Solé, le 05/10/2021 

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