Fayza Lamari (mère de Kylian Mbappé), Wilfried Mbappé (père de Kylian Mbappé)

Fayza Lamari (mère de Kylian Mbappé), Wilfried Mbappé (père de Kylian Mbappé)

Pour Paris Match, Fayza, la maman de Kylian Mbappé, évoque ses souvenirs d'un enfant hors du commun dès son plus jeune âge.
Longtemps, Kylian a crié dans le désert qu’il était un Mozart du foot. Il a toujours eu cette faculté de prédire ce qui allait arriver, comme s’il avait déjà vécu sa vie. Mais même nous, ses parents, il nous arrivait d’en douter et j’avoue l’avoir traité plus d’une fois de «petit mytho». Jusqu’à ce que je m’incline devant sa détermination que je m’incline devant sa détermination et réalise qu’il était réellement différent.
Personne n’était capable de dire ce que cet enfant attachant, beau mais usant, avait dans la tête. Il ne dormait jamais, parlait comme un moulin, s’ennuyait avec ceux de son âge. Sur le terrain et dans la vie. Tous les jours, il se levait à 6 heures pétantes et ne cessait de s’agiter que pour tomber de sommeil, à 19 h 30. Impossible de contenir son énergie dans un F3 ; avec lui, nous étions condamnés à l’ouverture des parcs et des zoos. Seuls les DVD de «Père Castor » ou de «Kirikou » offraient un court répit. Kylian était un peu en avance, doté d’une mémoire phénoménale. À 4 ans, il était capable de te repérer sur le globe tous les pays ayant participé à la Coupe du monde et connaissait par cœur les paroles d’un album d’Aznavour. Je me souviens de ce chauffeur camerounais qu’il a rendu fou en les chantant tout le long de la route reliant Douala à Yaoundé.
Quand il s’arrête, c’est pour récupérer: il dort tellement qu’on l’appelle «le koala»!
À la maternelle, il refusait la sieste. Les maîtresses s’arrachaient les cheveux. En primaire, il avait 20 partout, puis les notes se sont mises à être irrégulières à mesure que grandissait son obsession du foot. Plus un jour d’école sans que je sois convoquée. On me disait qu’il finirait bon à rien. Personne n’avait vu qu’en fait, il était précoce. Kylian n’était pas arrogant, il était insolent. Tout petit, déjà, tu ne pouvais pas l’obliger à faire quoi que ce soit qu’il n’ait pas décidé. Il travaillait donc par intermittence et uniquement les matières utiles : « Le français, parce que j’en aurai besoin pour m’exprimer au foot; l’anglais, parce que je vais jouer en Angleterre ; et l’espagnol, parce que je jouerai aussi en Espagne! »

En sixième, il a décrété vouloir arrêter l’école pour être footballeur. Deux ans plus tard, il partait à Clairefontaine entamer une vie de mini-pro. Quand on le récupérait le week-end, c’était pour lui faire rattraper les maths, l’anglais et le français, les trois matières que l’on maintenait à flot. Il a fallu que son père le menace pour qu’il aille au bac. Plein de gamins auraient craqué, lui s’est accroché à sa passion, y sacrifiant son enfance, sa jeunesse.
Aujourd’hui, sa carrière occupe 95 % de son temps. Il vit en mode robot. On ne mesure pas à quel point c’est difficile. Kylian, c’est une Ferrari qui roule pied au plancher en permanence. Quand il s’arrête, c’est pour récupérer: il dort tellement qu’on l’appelle «le koala»! Il prétend habiter seul, mais il a toujours besoin de monde autour de lui. Quand il était petit, il me plantait avec les copains qu’il invitait pour aller se réfugier dans sa chambre. Grand, il fait pareil. Il lit moins de livres qu’avant, prétend que ça ne lui permet pas de déconnecter. Mais, comme tous les jeunes de sa génération, il est scotché à son portable. Il adore aussi les jeux vidéo et de société. Son truc, c’est le Monopoly: avec trois ou quatre «cobayes », il peut y jouer jusqu’à 2 heures du matin. Qu’ils aient 3, 8 ou 40 ans, il ne leur laisse pas la moindre chance de le battre.

Ne pas pouvoir sortir comme tout le monde lui a pesé, quelquefois

Kylian est un compétiteur dans l’âme. À presque 23 ans, je le laisse un peu prendre le large. Mais il m’appelle très souvent. On en rit, mais il ne sait rien de la plupart des choses banales de nos vies ordinaires. Il n’avait, par exemple, jamais retiré d’argent avec une carte Bleue avant d’avoir la sienne, il y a un an. Longtemps, pour qu’il grandisse comme un enfant lambda, on lui a caché qu’il gagnait beaucoup d’argent. À 17 ans, quand il est passé pro, on ne lui donnait que 200 euros d’argent de poche par mois quand son salaire s’élevait à 85 000. À Noël, que l’on passera comme toujours en famille, il y aura du saumon, du foie gras ; mais Kylian, tu peux être sûr qu’il ne mangera que des cochonneries. Il n’a pas de goûts de luxe. S’il trouve agréable de retourner à Monaco, où il a grandi, c’est que c’est un des rares endroits où il peut marcher dans la rue sans être assailli. Partout ailleurs, c’est la folie. Il rêve d’aller au Sri Lanka parce qu’il pense pouvoir y passer inaperçu, mais je n’en suis pas sûre : récemment on a reçu du fin fond du Pérou les messages d’un gamin de 12 ans !
Ne pas pouvoir sortir comme tout le monde lui a pesé, quelquefois. Lors de ces crises existentielles, il lui est arrivé de le faire en cachette, déguisé. Cela me faisait une peur bleue. « Mais personne ne peut imaginer Kylian Mbappé dans une 207 rouge », a-t-il dit pour essayer de me rassurer le soir où, avec un ami, il a fait le tour du périphérique, heureux comme un gosse d’échapper à ses agents de sécurité.
L’homme qu’il est devenu, plein d’empathie et de bienveillance, au fond, tu ne le vois que rarement, à travers les actions caritatives qu’il mène ou lorsqu’il est en vacances. Il dit souvent qu’à la fin de sa carrière, il fera fermer une station de ski pour un mois, afin d’en profiter avec ses copains, et qu’après il partira six mois en bateau, là où il n’y a personne, où il pourra simplement marcher. Son avenir est tout tracé, mais je le connais : le jour où Kylian ne prendra plus de plaisir, il arrêtera pour devenir entraîneur. Et vivre enfin!
L’incroyable chemin parcouru, je l’ai mesuré quand Kylian m’a emmenée à l’Élysée. Avant d’entrer, dans la rue, je lui ai lancé : «Ma foi, si l’on m’avait dit que tu me ferais convoquer chez le président de la République, tu n’aurais pris ni punitions ni fessées !…» Il a ri, et moi j’étais fière.

Caroline Mangez 
Paris Match


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