Homélie du dimanche 12 décembre 2021
08 déc. 2021Évangile de Jésus Christ selon saint Luc 3,10-18
« En ce temps-là, les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : « Que devons-nous faire ? »
Jean leur répondait : « Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, qu’il fasse de même ! »
Des publicains (c’est-à-dire des collecteurs d’impôts) vinrent aussi pour être baptisés ; ils lui dirent : « Maître, que devons-nous faire ? »
Il leur répondit : « N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé. »
Des soldats lui demandèrent à leur tour : « Et nous, que devons-nous faire ? » Il leur répondit : « Ne faites violence à personne, n’accusez personne à tort ; et contentez-vous de votre solde. »
Or le peuple était en attente, et tous se demandaient en eux-mêmes si Jean n’était pas le Christ.
Jean s’adressa alors à tous : « Moi, je vous baptise avec de l’eau ; mais il vient, celui qui est plus fort que moi. Je ne suis pas digne de dénouer la courroie de ses sandales. Lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu.
Il tient à la main la pelle à vanner pour nettoyer son aire à battre le blé, et il amassera le grain dans son grenier ; quant à la paille, il la brûlera au feu qui ne s’éteint pas. »
Par beaucoup d’autres exhortations encore, il annonçait au peuple la Bonne Nouvelle. »
Homélie
“Pousse des cris de joie, Fille de Sion” dit la 1ère lecture. Il est bon de savoir que la fille de Sion, c’est, à l’époque de Sophonie, un nouveau quartier de Jérusalem, peuplé par les rescapés du Nord, après le désastre de Samarie, au début du VII° siècle avant Jésus Christ. C’est le petit reste des survivants d’une catastrophe. Ce sont des pauvres. “Ne crains pas, Sion !” Le pauvre qui met sa foi dans le Seigneur, lui, ne craint rien.
Nos évêques ont écrit, il y a quelques années, un petit livre, intitulé Aller au cœur de la foi, qui nous rappelle les deux dimensions de la foi chrétienne : la première, verticale, qui invite à lever les yeux vers le Seigneur pour prier, et la seconde, horizontale, qui invite à chercher le visage du Christ sur le visage du frère, du plus pauvre en particulier. Et ce petit livre nous invitait à vivre les signes de la foi que sont la lumière, la Parole, l’eau du baptême, le pain et le vin partagés, autant de signes humains que Jésus propose comme chemin sacramentel pour rejoindre Dieu Père.
Les deux dimensions de la foi chrétienne sont comme les deux bras de la croix du Christ, le vertical et l’horizontal. Et la croix est comme un rappel que chaque fois qu’on oublie une des deux dimensions, on n’est plus tout à fait chrétien. Le raccourci le plus saisissant pour dire ces deux dimensions est tout simplement : Jésus Christ. Jésus est son prénom d’homme et Christ le nom qu’on lui a donné pour dire : il est ressuscité et fils de Dieu. Beaucoup de gens croient en Dieu : juifs, musulmans, chrétiens et beaucoup d’autres disent : on est croyants. Mais les chrétiens ajoutent : nous croyons en Jésus Christ, c’est à dire en l’homme proche parent de Dieu. Jésus Christ, raccourci saisissant de la foi chrétienne.
Notre Dieu est devenu homme en Jésus. On va le fêter à Noël ! Depuis on peut dire que notre histoire est divine. Elle n’a pas besoin de sortir de l’horizontal pour devenir verticale ! Voulez-vous un exemple ? Je le prends dans l’Evangile que je viens de lire. Les foules qui venaient se faire baptiser par Jean lui demandaient : “Que devons-nous faire ?” Jean leur répondait : “Celui qui a deux vêtements, qu’il partage avec celui qui n’en a pas ; et celui qui a de quoi manger, aussi”. Des collecteurs d’impôts (des gens détestés) vinrent aussi se faire baptiser et lui dirent : “Maître, que devons-nous faire ?” Il leur répondit : “N’exigez rien de plus que ce qui vous est fixé.” À leur tour, des soldats (des gens méprisés à l’époque) lui demandaient : “Et nous, que devons-nous faire ?” Il leur répondit : “Ne faites ni violence ni tort à personne et contentez-vous de votre solde.” Avez-vous remarqué les réponses de Jean-Baptiste ? Réponse aux foules : partagez ! Aux collecteurs d’impôts : soyez honnêtes et justes ! Aux soldats : respectez chaque personne !
Jean ne demande ni aux publicains ni aux soldats de quitter ces emplois méprisés, mais de les exercer autrement. La leçon reste actuelle : n’exige pas plus que le fixé ; n’arrange pas les factures ; n’exige que le juste loyer ; n’exerce pas la violence, ne serait-ce qu’au volant de ta voiture. Qui n’a profité de sa situation pour jouer des coudes, écraser l’autre en douce ? Dans tout ça, aucun appel à vivre de façon extraordinaire. A moins que ce ne soit ça l’extraordinaire. Et si des enfants avaient demandé à Jean-Baptiste « Que devons-nous faire ? » Qu’est-ce qu’il aurait répondu ? Ne cassez pas la figure des copains ! Ne laissez jamais un plus petit dans son coin ! Ne mangez pas tout seul ce qu’il serait tellement meilleur de partager !
Notre Dieu n’a pas d’autres moyens que nos moyens humains pour dire sa présence. Quand il prend les grands moyens, c’est un petit enfant qui naît. C’est un Dieu désarmé (en un seul mot) puisqu’il se donne à rencontrer à travers une naissance dans un petit coin perdu de Palestine. Il se révèle non pas comme Dieu tout-puissant, mais comme Dieu dont l’amour est tout-puissant.
Petite remarque pour conclure : la première phrase de l’Evangile parle des foules qui venaient se faire baptiser ; et la dernière phrase dit : Jean annonçait au peuple la bonne nouvelle. Pour Saint Luc, les foules sont des gens anonymes, simples, démunis, ceux que l’on ne nomme pas. Mais, dès lors que ces foules sont en attente de la Bonne Nouvelle, elles cessent d’être anonymes. Elles deviennent un peuple. Un peuple qui s’appelle le peuple de Dieu.
Robert Tireau, prêtre du diocèse de Rennes