Vote catho, vote blanc ? par Isabelle de Gaulmyn
28 janv. 2022Chronique
Pour les évêques, le vote blanc peut être une solution, permettant de participer tout en refusant de cautionner telle ou telle politique. Mais c’est faire des catholiques de simples spectateurs externes de la vie politique, et refuser de prendre en compte la complexité du réel.
Mais qu’ont donc nos évêques avec le vote blanc ? La semaine dernière, ils ont présenté un texte visant à donner quelques points de repère aux catholiques avant les élections. Il n’est pas dans le rôle des évêques, surtout à plusieurs mois de la date des élections, de dire pour qui voter, ou ne pas voter. D’ailleurs, plus personne ne l’admettrait. Mais curieusement, ils ont à plusieurs reprises expliqué que l’on pouvait voter blanc. Sans doute le contexte politique tendu et une communauté catholique de plus en plus divisée incitent-ils à la prudence. Le message est donc devenu : au moins, allez voter, même blanc. En clair : il faut participer à la vie civique, comme le recommande l’Église. Mais si vous ne trouvez pas de « candidat idéal », vous pouvez toujours glisser un bulletin blanc.
Drôle de réponse. D’abord, elle est totalement inopérante. En France, on peut le regretter mais c’est ainsi, les votes blancs ne sont pas comptabilisés. Voter blanc ne sert à rien, si ce n’est à s’arranger un peu facilement avec sa conscience. Et puis, voter, c’est choisir. Là on ne choisit pas. On voit bien la difficulté : le document des évêques, qui établit une sorte de liste de points d’attention, a placé au premier rang le respect de la vie et la condamnation de l’euthanasie, alors que l’on sait que figure au programme de plusieurs candidats la révision de la législation sur la fin de vie. De même, en toute fin de document, on trouve les migrants, qu’il faut accueillir. Difficile de trouver un candidat qui s’engage sur les deux points. D’où le vote blanc, présenté en « moindre mal ».
Justement, la politique, ce n’est pas du noir et blanc. Ce ne sont pas des grands principes à appliquer tels quels, mais la gestion du quotidien, à moyen terme, pour le bien commun de notre société. Sagement, la Constitution écarte le mandat impératif, qui permettrait d’exiger de l’élu la réalisation de toutes ses promesses. On sait bien que celui-ci doit ensuite faire avec la réalité. On vote pour lui parce que l’on pense qu’il pourra se positionner en fonction des valeurs qui l’animent face à des situations par définition diverses et inattendues.
Des critères chrétiens ?
Les catholiques ne trouveront jamais le candidat parfait. D’ailleurs, il n’existe pas. Au moment de glisser son bulletin dans une urne, l’important n’est pas tant de savoir s’il répond complètement aux critères chrétiens, mais comment il fera, quelles sont les conditions qu’il prendra en compte, son attention par exemple aux plus fragiles, sa capacité à tenir compte d’autres points de vue, d’autres formes de pouvoir, des corps intermédiaires. La protection de la vie comme l’accueil de l’étranger ne peuvent être appliqués de manière absolue, mais se heurtent à des cas particuliers complexes, qui appellent des réponses nuancées.
« Peu de catholiques méditent la Bible pour discerner leur choix politique »
Surtout, pour entrer en négociation, il faut participer. Le document des évêques ne parle malheureusement pas de l’engagement direct des catholiques en politique. Or celui-ci, on le sait, se fait rare. Sans doute parce que ce n’est pas facile. Qu’il faut accepter des compromis, des négociations, des échecs, aussi. L’exemple de la nouvelle présidente du Parlement européen montre pourtant qu’il est possible de faire de la politique avec des convictions catholiques affirmées. Roberta Metsola assume ses convictions, et assume aussi de tenir compte des réalités politiques dans lesquelles elle se meut, celles du Parlement européen. Les catholiques ne sauraient se contenter de rester spectateurs, en distribuant les bons et les mauvais points. Il est important qu’ils s’interrogent aussi sur la manière dont ils peuvent soutenir la responsabilité de ceux qui en portent le poids, au quotidien, en tenant compte du réel. Ni blanc ni noir : dans une société où ils sont désormais minoritaires, c’est bien le défi auquel ils sont désormais confrontés.
Isabelle de Gaulmyn
La Croix, 27 janvier 2022