Ces ignorants sectaires qui accusent Soljenitsyne
27 mars 2022
À Aizenay (Vendée), des enseignants syndiqués veulent débaptiser le collège Alexandre-Soljenitsyne. N'ayant rien lu du grand écrivain, ils le prennent pour un théoricien de l'impérialisme russe... alors qu'il professait exactement le contraire ! Ma chronique à Radio Présence (Toulouse Midi-Pyrénées) et Radio Fidélité Mayenne :
<< Un collège de la ville d’Aizenay en Vendée porte le nom d’Alexandre Soljenitsyne, le grand écrivain russe rescapé du Goulag, prix Nobel de la paix, décédé en 2008. Mais voilà qu’un groupe d’enseignants syndiqués exigent que l’on débaptise ce collège. Pourquoi ? Parce que selon eux, “Soljenitsyne était un proche de Poutine et partageait sa vision de l’annexion de l’Ukraine”. Ces enseignants ne savent pas ce qu’ils disent. En réalité, Soljenitsyne (lui-même de mère ukrainienne) pensait le contraire de Poutine sur l’Ukraine. Dans son livre ‘Comment réaménager notre Russie’, publié en 1993, l’écrivain écrit noir sur blanc : “Si les Ukrainiens veulent se séparer des Russes, personne n’a le droit de les en empêcher”. Il écrit aussi que le Kremlin doit renoncer à toute idée de reconstituer l’empire russe : le fardeau serait au-dessus de nos forces, dit Soljenitsyne,“il nous exténuerait en épuisant nos forces vitales”. Ce prix Nobel de la paix rejetait tout nationalisme : la Russie telle qu’il aurait voulu la réaménager aurait été le contraire d’un système impérial ; c’était une Russie pacifique, décentralisée, fondée sur des petites communautés autogérées. Pas tout à fait la Russie de Tolstoï, mais presque !
Alors pourquoi des enseignants français attaquent-ils la mémoire du grand écrivain ? Parce qu’ils ont lu sur internet que Soljenitsyne après son retour d’exil avait été bien traité par Poutine, et que ça voulait dire (selon le site) que les deux hommes "étaient d’accord". Et où nos profs ont-ils lu ça ? Sur un site américain anti-russe ! Mais ils se sont hâtés de le croire, et de surenchérir, et d’attribuer à l’écrivain des idées qui n’étaient pas les siennes. Et d’exiger que le collège d’Aizenay ne porte plus son nom…
Nous sommes là devant le résumé d’une certaine mode occidentale de notre époque, mélange d’ignorance et de parti-pris culminant dans ce qu’on appelle la déconstruction : diffamer les morts, débaptiser des monuments, renverser des statues, demander l’interdiction d’un auteur, etc. Le tout à l’aveuglette, sans avoir lu cet auteur et sans savoir ce qu’il pensait. Et c’est de la violence anti-culturelle, comme aux heures les plus sombres de notre histoire… Il serait temps de revenir à la raison, vous ne trouvez pas ? >>
Patrice de Plunkett
Journaliste et essayiste français