Abbatiale de Pontigny (Yonne) : la cathédrale de la Mission de France

Abbatiale de Pontigny (Yonne) : la cathédrale de la Mission de France

« J’écoute : que dira le Seigneur Dieu ? Ce qu’il dit, c’est la paix pour son peuple et ses fidèles ; qu’ils ne reviennent jamais à leur folie ! » (Ps 84,9)
L’intervention militaire de la Fédération de Russie en Ukraine a provoqué dans le monde une immense inquiétude. Elle rappelle les guerres du passé, elle nous oblige à ouvrir les yeux sur celles du présent parfois vite oubliées. Le 18 mars 2003, jour du déclenchement de l’invasion de l’Irak par les États-Unis, Jean-Paul II déclarait par son porte-parole : « Qui décide que tous les moyens pacifiques prévus par le droit international sont épuisés assume une grave responsabilité devant Dieu, devant sa conscience et devant l’histoire. » Quel qu’en soit le camp, chaque victime sera de trop : mort, blessé, exilé ou personne séparée de ses proches.
Dans ce contexte, le pape François invite l’Église catholique « à faire du 2 mars, mercredi des Cendres, une journée de prière et de jeûne pour la paix en Ukraine pour être proche des souffrances du peuple ukrainien, pour sentir que nous sommes tous frères et sœurs et pour implorer de Dieu la fin de la guerre ». Les fidèles du Christ dans notre diocèse s’associeront à cette journée. Nous le ferons dans l’attitude qui convient à tous les artisans de paix : sans haine, sans naïveté, sans donner prise au mal ou aux mensonges, avec ferveur.
Des fidèles me demandent parfois si la prière est vraiment efficace « car je prie… et Dieu ne me répond pas ». Saint Augustin écrivait : « Comme dit le Seigneur lui-même, nous prions celui qui sait, avant que nous le lui demandions, ce qui nous est nécessaire. » De fait, Dieu n’ignore pas les besoins du monde. Mais il veut que, par notre prière, « nous soyons capables d’accueillir ce qu’il s’apprête à nous donner » et d’agir en conséquence. Prier pour la paix, en Église, c’est déjà le signe que nous prenons au sérieux l’état de notre monde, tel que Dieu le voit et continue de l’aimer et de le sauver. Prier pour la paix, c’est ensuite prendre conscience qu’elle nous est déjà donnée et que nous en avons tous besoin. Elle est le premier don du Seigneur ressuscité après sa résurrection d’entre les morts : « La paix soit avec vous ». Prier c’est prendre le temps de nous laisser toucher par le don du Christ : « Je vous laisse la paix, je vous donne ma paix ; ce n’est pas à la manière du monde que je vous la donne » (Jn 14,27). Prier pour la paix c’est prendre conscience qu’elle nous manque encore ici-bas, et qu’il est de notre responsabilité de la transmettre. Prier pour la paix, ce n’est pas nous exonérer d’agir pour elle. Le don de Dieu est donc aussi un appel de Dieu : « Où es ton frère ? … Qu’as-tu fait ? » (Gn 4,9-10). La paix ne peut se répandre que par nous. Prier pour la paix, c’est donc la désirer, la recevoir, la transmettre, agir pour elle et donc espérer qu’elle arrive, non par nos forces, mais par celle de l’Esprit Saint. Dieu répond donc à notre prière… quand nous la disons tout simplement, quand nous la faisons ! Oui, il est bon, dans cet Esprit, de « faire une prière », car c’est déjà faire le bien, comme le demande saint Paul : « Ne nous lassons pas de faire le bien… travaillons au bien de tous. » (Ga 6, 9-10a). Prions pour les victimes ; prions pour les coupables de violences ; prions aussi pour les responsables politiques. C’est aussi une manière de nous sentir parfois proches de ceux que l’on considère comme des ennemis !
En ce mercredi des Cendres, en ce temps de guerre, la prière ne suffit pas. L’Évangile invite à partager, prier et jeûner. « Quand tu fais l’aumône… Quand tu pries… Quand tu jeûnes… » Jeûner et prier demandent surtout de décider d’un jour pour jeûner ou d’une heure pour prier ; « faire l’aumône » – partager – demande aussi de bien réfléchir. Des associations multiples s’engagent avec les plus pauvres d’entre nous. Peut-être faut-il ajouter à nos partages habituels un soutien particulier en faveur de la paix, notamment envers les Ukrainiens. Peut-être faut-il décider de se priver de ce qui nous semble nécessaire. Notre foi n’exige-t-elle pas de mettre l’argent à sa juste place pour le service de tous ? Le pouvoir d’achat est d’abord d’assurer le minimum vital à ceux qui ne l’ont pas. Un ami français en Ukraine m’écrivait ces jours-ci : « Le message de Jésus n’a jamais été aussi en contradiction avec nos vies d’hyper-matérialistes que maintenant… de cette contradiction noire, peut jaillir la lumière.  Sous quelle forme, je ne sais. La guerre vécue remet tous les compteurs existentiels à zéro. »
Permettez que je termine avec les mots du pape François pour ce carême : « Face à l’amère déception de tant de rêves brisés, face à l’inquiétude devant les défis qui nous attendent, face au découragement dû à la pauvreté de nos moyens, la tentation est de se replier sur son propre égoïsme individualiste et de se réfugier dans l’indifférence aux souffrances des autres. (…) S’il est vrai que toute notre vie est un temps pour semer le bien, profitons particulièrement de ce Carême pour prendre soin de nos proches, pour nous rendre proches de ces frères et sœurs blessés sur le chemin de la vie. »

+ Hervé GIRAUD
Prélat de la Mission de France

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