Alain Faubert est évêque auxiliaire à Montréal. (Archives Présence/F. Gloutnay)

Alain Faubert est évêque auxiliaire à Montréal. (Archives Présence/F. Gloutnay)

«C’est déjà difficile de croire que Dieu existe. C’est encore plus difficile de croire que Dieu agit. Alors là, oser croire en un Dieu bienveillant, alors que nous vivons dans un monde où il y a tant de souffrances.»
Ces interpellations ont été lancées par l’évêque catholique Alain Faubert, dès les premières minutes de son allocution, mardi, lors du Grand Déjeuner de la prière, un rassemblement annuel.
Répétant une formule initiée en 1976 par le maire Jean Drapeau et l’homme d’affaires J-Robert Ouimet, une centaine de personnes ont participé ce 12 avril, non pas dans un hôtel de Montréal, mais en mode virtuel pour une seconde année consécutive, à cet événement qui allie prière, silence et témoignage et qui a longtemps rassemblé des gens d’affaires.
«Vous avez pris un risque en m’invitant», a lancé l’évêque auxiliaire à Montréal aux organisateurs. «Quand on donne la parole à un évêque, il est bien possible qu’il la prenne. Surtout que le matin, j’ai tendance à parler sans filtre», a-t-il ensuite averti les participants à ce déjeuner numérique, avant de témoigner de son cheminement de foi et de partager certaines convictions en moins de 40 minutes.
Après avoir relaté des moments importants de sa vie (une activité de pastorale au Collège Laval qui s’est révélée décisive pour l’adolescent qu’il était alors, un séjour à Dame-Marie en Haïti, des études doctorales à Paris et à Québec, des engagements en paroisse et sa nomination comme évêque en 2016), l’homme de 57 ans dit être dorénavant «un homme de foi mais, comme beaucoup de nos contemporaines, rempli de doutes».
Parce que «la foi n’est jamais sans interrogations», ajoute-t-il. La foi, c’est «d’oser croire qu’il y a quelqu’un dans nos espoirs», propose-t-il finement en reprenant les mots de l’auteur-compositeur et interprète Robert Lebel.
Le monde et l’Église
L’évêque auxiliaire est formel: Dieu, qu’il soit ou non reconnu, «s’insère dans la trame du monde». C’est pourquoi cette foi en Dieu qui habite et anime les chrétiens, «elle les incarne dans le monde, elle les rend près des gens, au cœur du monde».
Mais pour que l’incarnation de ses membres se réalise, l’Église doit connaître sa part de réformes. «Il y a nécessité de trouver une nouvelle façon de se tenir au milieu du monde, d’entrer en dialogue avec les hommes et les femmes, de risquer de nouveaux lieux de rencontre, de trouver de nouveaux mots», dit-il. «Ne sommes-nous pas encore trop dans nos bébelles?», ose demander l’évêque auxiliaire.
«Notre Église s’en va vers une plus grande pauvreté», a-t-il aussi déclaré aux participants. Mais cette pauvreté ne sera pas que matérielle. L’Église doit faire le deuil de ses anciens privilèges. «Dans une société plurielle et un État laïque, elle sera de moins en moins reconnue. D’ailleurs, observe-t-il, la COVID-19 aura été un puissant révélateur de cette non-reconnaissance. «Nous ne sommes plus, comme Église, dans une position privilégiée. Il faut réinventer nos liens avec une société et un État qui ne savent plus comment s’adresser à nous.»
«Et nous non plus, on ne sait peut-être plus comment s’adresser à l’État et à nos contemporaines», concède-t-il. Si la laïcité, telle que promue, peut soulever des interrogations légitimes, «il est temps de faire certains deuils».
L’évêque Alain Faubert est bien d’accord avec cet appel du pape François pour une «Église en sortie». Mais ce doit être, avant tout, «une Église en sortie d’elle-même».
«Le principal lieu dont il faut sortir, ce n’est pas de notre temple pour aller sur la place. Le lieu dont il faut sortir, au risque de vous scandaliser, c’est de notre nombril ecclésial», affirme-t-il. Le programme de cette Église «c’est d’aller à la rencontre de ce monde pour être en service d’espérance, de transformation, de dialogue et d’humanisation».
«C’est être en service d’Évangile.»
La vie
Une autre de ses convictions, c’est que le rôle et la mission de l’Église dans le monde, «ce n’est pas seulement de faire des croyants».
«Notre objectif le plus fondamental, ce n’est pas que le monde ait la foi. C’est que le monde ait la vie, et la vie en abondance. Soyons des contemplatifs qui savent décoder les appels de l’Esprit pour une Église parlable, en posture de dialogue et d’humilité, engagée au cœur de cette société plurielle.»
À la fin de son témoignage, l’invité de ce petit déjeuner a lancé un appel à l’action. «J’estime que l’Église doit se mettre à l’écoute des signes des temps de notre monde.»
«On me dit: « nous ne sommes pas des travailleurs sociaux, notre business, c’est la foi ». Moi, je réponds que notre business, c’est la vie. La vie éternelle bien sûr. Mais aussi cette vie qui vient transformer le quotidien des hommes et des femmes de ce temps.»
D’autres lui conseillent «de ne pas intervenir dans leurs affaires et de demeurer dans les sacristies». Il est alors prompt à répondre: «Je ne crois pas que Jésus ait fondé des sacristies.» Les églises doivent être, et c’est aussi une de ses convictions, «des lieux d’envoi».
L’édition 2022 du Grand Déjeuner de la prière – aussi appelé Déjeuner fraternité et prière – s’est terminée à 9 h précises. Près de 200 personnes s’y sont inscrites et une centaine y ont effectivement participé. «50 % de participation, c’est un bon score dans le monde des webinaires», dit Gaston Sauvé, le président de la fondation «A Dieu Va». Cette fondation a été créée par J.-Robert Ouimet (1934-2018), l’ex-président du conseil d’administration d’Aliments Ouimet-Cordon Bleu, afin de soutenir des projets d’éducation de la foi.
L’an dernier, Robert Dutton était le conférencier invité à ce déjeuner. Évincé brutalement de la direction de RONA en 2012, M. Dutton avait indiqué avoir consacré deux années à comprendre le sens de son congédiement et, surtout, à prendre la décision de «se remettre en marche», sans craindre l’adversité et le changement.

François Gloutnay 
Présence - Information religieuse


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