« Pour que l’accueil digne des migrants soit la règle, pas l’exception », la lettre ouverte d'une vingtaine d'associations à la future Assemblée nationale
26 mai 2022Un camp de fortune de migrants à Pantin (Seine-Saint-Denis), le 20 avril 2022. (BERTRAND GUAY / AFP)
Les signataires interpellent les futurs députés et demandent "des mesures immédiates et durables pour l'accueil des personnes exilées". "Toutes les personnes exilées doivent pouvoir bénéficier de conditions d’accueil à la hauteur de leurs besoins de protection", écrivent-ils.
Une vingtaine d’associations dont la Cimade, Médecins du monde, Action contre la faim, le Samu social de Paris, Emmaüs, le Secours catholique ou encore Utopia 56 et une quarantaine de chercheurs ou universitaires interpellent "la future Assemblée nationale", dans une lettre ouverte publiée jeudi 26 mai par franceinfo. Les signataires demandent aux députés qui seront élus le 19 juin de prendre "des mesures immédiates et durables pour l'accueil des personnes exilées". Ils soulignent que les mesures prises pour accueillir les réfugiés ukrainiens ont été "salutaires" mais que "toutes les personnes exilées doivent pouvoir bénéficier de conditions d’accueil à la hauteur de leurs besoins de protection". Dans leur lettre ouverte, ils réclament à la future Assemblée nationale de "garantir l’accès aux droits, de permettre à tous·te·s un accès immédiat aux soins et de porter au niveau national et politique l’ambition d’un accueil digne pour tous·te·s".
Le 29 mars dernier, nous, associations œuvrant pour l’accueil digne des personnes exilées, appelions les pouvoirs publics à garantir un accueil digne et inconditionnel pour tous·te·s. Nous proposons aujourd’hui à la future Assemblée nationale de s’engager dans cette voie, en adoptant dès son élection des mesures immédiates et durables pour l'accueil des personnes exilées, dont les arrivées n’ont pas vocation à diminuer dans les prochaines années.
Les mesures exceptionnelles mises en place pour accueillir les personnes fuyant la guerre en Ukraine, conjuguées à un élan de solidarité inédit, sont salutaires. Début mai, elles ont permis à 70 000 personnes d’être accueillies en France et de bénéficier d’un accès facilité à leurs droits sociaux et à l’hébergement. Cependant, toutes les personnes exilées doivent pouvoir bénéficier de conditions d’accueil à la hauteur de leurs besoins de protection.
Les conditions de vie des personnes en demande d’asile et réfugiées en France, et particulièrement en Île-de-France, sont alarmantes et illustrent l’insuffisance de nos politiques d’accueil et d’intégration. Chaque jour, nous, associations, accompagnons inconditionnellement les personnes exilées pour pallier les carences des politiques d’accueil. Candidat·e·s aux élections législatives, nous vous appelons à porter la dignité de l’accueil des personnes exilées à l’Assemblée nationale !
Garantir l’accès aux droits
Dernier en date, le rapport Les oubliés du droit d’asile montre que l’accès aux conditions matérielles d’accueil (CMA) – un droit pour les personnes demandant l’asile en France – est constamment entravé. Les CMA ne permettent pas de couvrir les besoins des demandeur·euse·s d’asile, les obstacles à leur obtention et les retraits sont de plus en plus nombreux. Cette situation a déjà valu à la France une condamnation par la Cour européenne des droits de l’Homme pour traitements inhumains et dégradants en juillet 2021. Nous demandons à la future Assemblée nationale de faire évoluer le cadre législatif pour retirer la possibilité d’interrompre totalement les conditions matérielles d’accueil.
Nous demandons également aux futur·e·s député·e·s d’améliorer l’accès aux formations professionnelle et universitaire pour les demandeur·euse·s d’asile et les réfugié·e·s, et d’autoriser tous·te·s les demandeur·euses d’asile à travailler dès le dépôt de leur demande.
Des cours de français financés par l’Etat doivent être rendus accessibles gratuitement aux demandeur·euse·s d’asile dès l’enregistrement de leur demande ; le recours à l’interprétariat doit par ailleurs être systématisé pour l’ensemble de leurs démarches.
Les droits des demandeur·euses d’asile doivent être connus et respectés. L’ensemble des acteurs·trices intervenant auprès d’elles et eux (professionnel·les de santé ou du social, collectivités locales, policier·es et gendarmes…) doivent être formé·es et disposer des moyens suffisants pour les informer.
Assurer des conditions dignes d’hébergement
Les parcours de rue qui résultent des difficultés d’accès à un toit entravent les personnes exilées dans l’ensemble de leurs démarches, y compris une fois la protection obtenue.
La future Assemblée nationale doit voter en urgence l’augmentation de la capacité du parc d’hébergement de plusieurs dizaines de milliers de places en France, dans le cadre d’une programmation pluriannuelle intégrant les perspectives d’évolution de la demande d’asile. Les futur·e·s parlementaires ont le pouvoir de mettre en place un dispositif d’hébergement d’urgence, de réinsertion sociale et de logement social digne et inconditionnel.
Permettre à tous·te·s un accès immédiat aux soins
Fin 2019, des barrières supplémentaires à l’accès aux soins ont été imposées aux étranger·e·s précaires sans papiers pour pouvoir accéder à l’Aide médicale de l’Etat (AME). Dans le même temps, les personnes demandeuses d’asile se sont vu opposer, et pour la première fois, un délai de carence de 3 mois retardant d’autant leurs accès aux soins et leur affiliation à la Protection universelle maladie (PUMa).
Dès 2022, les député·e·s doivent abroger ces délais et barrières à l’accès aux soins qui ont eu des conséquences directes sur la santé de personnes déjà particulièrement précarisées, et travailler à l’intégration des bénéficiaires de l'AME dans le régime général de la Sécurité sociale.
Porter au niveau national et politique l’ambition d’un accueil digne pour tous·te·s
Nous, associations, aidants solidaires, chercheur·se·s, universitaires, attendons de l’Assemblée nationale qu’elle prenne la mesure de ces enjeux. Son entrée en fonction le 22 juin prochain sera l’opportunité de répondre par des mesures immédiates et durables à la situation des personnes exilées en grande précarité, et de proposer un dispositif d’accueil digne.
Signataires : associations
Anne ARGAUD, secrétaire générale de Watizat
Jean-Marc BERNARDINI, président et Co-fondateur et Hanaë EL BAKKALI, cofondatrice de Le Chêne et l'Hibiscus
Fanélie CARREY-CONTE, secrétaire générale de la Cimade
Alain CHRISTNACHT, président du Samu Social de Paris
Nicolas DELHOPITAL, directeur de Famille France-Humanité
Bérénice GEOFFRAY, présidente de Thot
Valérie HANOTTE, présidente Ile-de-France du Secours Catholique - Caritas France
Rima HASSAN, présidente de l’Observatoire des camps de réfugiés
Nicolas LAUREAU, membre du collectif Pantin Solidaire
Romain PRUNIER, membre du bureau de United Migrants
Yann MANZI, délégué général d’Utopia 56
Jacques MERCIER, président de Dom'Asile
Pierre MICHELETTI, président d'Action Contre la Faim
Daniel NAUD, président de la Fondation de l’Armée du Salut
Aurélie RADISSON, directrice du CEDRE - Secours Catholique - Caritas France
Hélène RAMAJO, présidente de Causons
Antoine RICARD, président du Centre Primo Levi
Emmanuelle RINN, trésorière de La Gamelle de Jaurès
Camila RÍOS ARMAS, fondatrice et directrice d’UniR Universités & Réfugié.e.s
Dr. Carine ROLLAND, présidente de Médecins du Monde
Guillaume ROSSIGNOL, directeur de JRS France
Oriane SEBILLOTTE, co-présidente de Paris d'Exil
Antoine SUEUR, président d’Emmaüs France
Khater YENBOU, directeur de La Chorba
Collectif Diakite
Fédération Etorkinekin Solidarité Migrants
Fonds Riace
Light Towards Future
Solidarité Migrants Wilson
Tous migrants
Universitaires et chercheur·ses :
Michel AGIER, directeur de recherche, Institut de recherche pour le développement et EHESS
Karen AKOKA, chercheuse CRJF et ISP
Anne-Laure AMILHAT SZARY, professeure de géographie Université Grenoble-Alpes
Christelle AVRIL, sociologue, EHESS, membre de l'ICM
Virginie BABY-COLLIN, professeure, Aix Marseille Université
Frédéric BALLIÈRE, sociologue, chercheur associé au CURAPP-ESS (UMR 7319), IC migrations
Marie-Laure BASILIEN-GAINCHE, professeure de droit public, ICM
Marianne BLIDON, CRIDUP
Edward BLUMENTHAL, maître de conférences Département LEA - UFR LLCSE
Amélie BOUHEBENT, DU Action sociale et migrations, l'ICP Rennes
Sébastien BOULAY, maître de conférences, Université de Paris - Faculté Sociétés et humanités CEPED
Chiara BROCCO, anthropologue et chercheuse, IMAF
Céline CANTAT, Sciences Po Paris
Geneviève CORTES, professeure, Université Paul-Valéry de Montpellier
Guillaume DAUDIN, professeur des Universités en Économie Université Paris Dauphine-PSL
Soazig DOLLET, doctorante en science politique, CEE SciencesPo Paris
Morgane DUJMOVIC, Migreurop, ICM
Didier FASSIN, Institut d’étude avancée de Princeton, École des hautes études en sciences sociales
Caroline GALLEZ, directrice de recherche, Université Gustave Eiffel
Camille GARDESSE, maîtresse de conférences, Ecole d'Urbanisme de Paris - Lab'Urba
Estelle D'HALLLUIN, maîtresse de conférences, Nantes Université
Myriam HOUSSAY-HOLZSCHUCH, professeure de géographie laboratoire PACTE
Thomas LACROIX, chercheur au CNRS
Hélène LE BAIL, chercheuse CNRS Sciences Po
Nicolas LE BORGNE, doctorant en géographie, Université Paris Est
Stéphanie LIMA, maîtresse de conférences, INUC Albi, LISST Université de Toulouse
Clément LUCCIONI, doctorant, Laburba, Université Paris Est
Carola MICK, Université Paris Cité, MIGRINTER
Marie MONCADA, chercheuse Sciences Po CEE et CNRS
Claire NAIDITCH, chercheuse en économie LEM-CNRS
Chloé OLLITRAULT, doctorante en sociologie, EHESS
Emma PELTIER, doctorante Université Gustave Eiffel
Jeremy PERELMAN, professeur associé, directeur de la clinique de l’Ecole de droit de Sciences Po
Véronique PETIT, enseignante-chercheuse en démographie et anthropologue
Laetitia POUILLOT, Université Bretagne Sud
Faly RAZAFIMBELO, DU Action Sociale et Migration ICP
r-e-s-o-m-e
Isabelle RIGONI, maîtresse de conférences, Centre Emile Durkheim
Lilite ROSSIGNOL, doctorante LVMT Université Gustave-Eiffel
Pablo RUNET, doctorant Laburba, Université Paris Est
Fred SALIN, doctorant EHESS
Carolina SANCHEZ BOE, chercheuse, Université Paris Descartes
Serge SLAMA, professeur de droit public, Université Grenoble-Alpes, CRJ
Nadège SOUBIALE, maîtresse de conférences, Université de Bordeaux Montaigne Stéphanie TCHIOMBIANO, maîtresse de Conférence P1 Panthéon Sorbonne
Hélène THIOLLET, chargée de recherche au CNRS, enseignante à Sciences Po Paris et l'EHESS
Romain TINIÈRE, professeur de droit public à l'université Grenoble-Alpes
Andréa TORTELLI, psychiatre, Pôle GHU psychiatrie précarité Paris et chercheuse, INSERM
Lola TRAVERSON, chargée de projet Centre Population et Développement, IRD
Elsa VALLOT, doctorante, USC (Los Angeles)
Catherine WIHTOL DE WENDEN, directrice de recherche CNRS
Emeline ZOUGBEDE, chercheuse CNRS et ICN
France Info