Homélie du dimanche 3 juillet 2022
26 juin 2022Evangile de Jésus-Christ selon saint Luc 10, 1-12.17-20.
« En ce temps-là, parmi les disciples, le Seigneur en désigna encore soixante-douze, et il les envoya deux par deux, en avant de lui, en toute ville et localité où lui-même allait se rendre.
Il leur dit : « La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Priez donc le maître de la moisson d’envoyer des ouvriers pour sa moisson.
Allez ! Voici que je vous envoie comme des agneaux au milieu des loups.
Ne portez ni bourse, ni sac, ni sandales, et ne saluez personne en chemin.
Mais dans toute maison où vous entrerez, dites d’abord : ‘Paix à cette maison.’
S’il y a là un ami de la paix, votre paix ira reposer sur lui ; sinon, elle reviendra sur vous.
Restez dans cette maison, mangeant et buvant ce que l’on vous sert ; car l’ouvrier mérite son salaire. Ne passez pas de maison en maison.
Dans toute ville où vous entrerez et où vous serez accueillis, mangez ce qui vous est présenté.
Guérissez les malades qui s’y trouvent et dites-leur : “Le règne de Dieu s’est approché de vous.” »
Mais dans toute ville où vous entrerez et où vous ne serez pas accueillis, allez sur les places et dites :
“Même la poussière de votre ville, collée à nos pieds, nous l’enlevons pour vous la laisser. Toutefois, sachez-le : le règne de Dieu s’est approché.”
Je vous le déclare : au dernier jour, Sodome sera mieux traitée que cette ville. »
Les soixante-douze disciples revinrent tout joyeux, en disant : « Seigneur, même les démons nous sont soumis en ton nom. »
Jésus leur dit : « Je regardais Satan tomber du ciel comme l’éclair.
Voici que je vous ai donné le pouvoir d’écraser serpents et scorpions, et sur toute la puissance de l’Ennemi : absolument rien ne pourra vous nuire.
Toutefois, ne vous réjouissez pas parce que les esprits vous sont soumis ; mais réjouissez-vous parce que vos noms se trouvent inscrits dans les cieux. »
Homélie
“Réjouissez-vous…, exultez. Isaïe, en 400 avant Jésus Christ, invite à la joie dans le contexte catastrophique du retour d’exil. Il invite à la joie des gens colonisés, en pleine désillusion. Combien de fois, au cœur de la morosité, la Bible annonce la joie. Et ce n’est pas pour bercer d’illusion. Nous avons tous l’expérience de la joie qui finit par venir après les difficultés. Et notre foi contient un bonheur à dimension future, comme la nature qui renaît chaque printemps. Notre foi, c’est même le mot résurrection: la joie, la vie possible au cœur même de la souffrance et au-delà de la mort. Comme cet ancien, près de son épouse décédée, qui disait à ses enfants : “C’est qu’il faut quand même vivre… Et puis vous êtes là, vous.” Comme dans cette famille où les parents âgés et malades sont en train de resserrer les liens entre les enfants et par rapport aux parents.
L’Eucharistie est sacrement du partage joyeux de la présence de celui qui est mort par amour. Juste le contraire de telle communauté où l’on priait pour la résurrection de l’enfant qui venait de mourir au lieu de mettre tout en œuvre pour aider les proches à vivre, au lieu même de faire le simple nécessaire quand il y a un décès. Honte que ce réflexe prétendument religieux !
Que dit l’Evangile d’aujourd’hui : Priez, allez, guérissez, entrez, mangez ! Des gestes humains. Dans l’humain fraternel Dieu a des chances d’être là. On est même sûr qu’il y est si ça commence par prier. Car l’évangélisation n’est pas publicité ou propagande. Elle est œuvre de l’Esprit qui ne passe qu’à travers des cœurs priants. “Prie, disait Saint Ignace, comme si tout dépendait de Dieu, agis comme si tout dépendait de toi”.
“Le Seigneur en désigna encore soixante-douze…”: l’évangélisation concerne tout chrétien. “Il les envoya deux par deux…”: on ne peut pas évangéliser seul. Pas de gros bagages…: l’évangélisation est à la portée des vies les plus modestes. Apportez la paix… guérissez…: l’évangélisation commence par du concret : faire du bien, pacifier, soulager, guérir. Pas des discours, mais une manière de vivre. N’emportez pas de gros bagages - Apportez la paix… guérissez…Monique Rosaz interprète cette consigne : il y a deux catégories de gens dans ce texte, ceux qui marchent sur la route et ceux qui sont dans les maisons. Ceux qui marchent n’ont rien, sinon un bien immense à apporter : la paix. Et peut-être ont-ils faim. Ceux qui sont dans les maisons ont ce qu’il faut pour vivre, et peut-être qu’ils ont faim d’autre chose. Alors l’échange est possible.
Les 72 sont envoyés deux par deux. Un témoin seul risque d’être pris pour un gourou. Être envoyés par deux, c’est être appelés à faire équipe, à faire Église et à participer à l’expérience des disciples d’Emmaüs. Par deux, on peut parler avec un frère des événements vécus, au point de reconnaître, dans le partage, le visage de celui qui rejoint toujours en chemin ceux à qui il donne mission de prendre la route. Être envoyés deux par deux conduit à découvrir que l’autre nous met toujours en appétit. Seul on avance aussi loin qu’on peut. Avec d’autres, on va plus loin que le possible. Portés par la fraternité, la force du groupe et la mission confiée, on repousse les frontières de nos limites personnelles.
La Moisson est abondante, les ouvriers peu nombreux. J’aime bien la traduction d’un exégète belge sur beaucoup d’appelés, peu d’élus: il dit : il y a deux alternatives :
- ou bien : les places sont chères en paradis : il n’y en aura pas pour toi, Dieu est tellement avare.
- ou bien : vous êtes tous invités à travailler pour un monde réconcilié. Vous êtes tous invités. Mais, toi viendras-tu ? Suspense ! Le projet de Dieu dépend de la réponse de l’homme. Il y a un proverbe qui dit : l’homme propose et Dieu dispose. Eh bien là, c’est le contraire : c’est Dieu qui propose, et l’homme qui dispose. Comme si le Messie était prisonnier quelque part, ligoté par notre violence dans l’un de ces lieux que chaque siècle invente. Ce n’est pas l’homme qui attend le Messie, c’est le Messie qui attend l’homme.
Et Jean Pierre Manigne explique : “Le règne de Dieu s’est approché de vous. ”Ça ne veut pas dire que nous n’allons plus l’attendre longtemps, ça veut dire qu’il est à notre portée et qu’il suffit de l’accueillir pour qu’il se manifeste.
Robert Tireau
26 décembre 1949 - 19 juin 2022
Ordonné prêtre le 18 juin 1978 (il y a 44 ans)
curé de la paroisse Bienheureux Marcel Callo à Rennes
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