Les évêques de France réunis à Lyon pour la contribution des Diocèses de France à la démarche synodale

Pendant deux jours, ce mardi 14 et ce mercredi 15 juin 2022, les quelques 120 évêques de l’Église catholique de France se réunissent à Lyon pour réfléchir et adopter un texte d'engagements portant sur l'avenir de l'Église, à la suite du synode voulu par le pape François, voici la synthèse des propositions des chrétiens du Diocèse d’Evreux pour ce synode :

CE QUI RESSORT DE MANIERE SIGNIFICATIVE ET DIVERSE… 
Beaucoup redisent en préalable l’importance de la confiance, de l’humilité, de la persévérance, de la bienveillance. Accepter de se convertir, « d’être bousculé », est également tout à fait indispensable. « Faisons le deuil des paroissiens et des prêtres parfaits ! ». 
Les remarques sur le fonctionnement sont nombreuses : 
· Il se vit trop en silos (manque de liens et de communication entre les différentes équipes : paroisses, Mouvements, équipes diverses). Quelques exemples contrebalancent ce point : l’implication des catéchumènes à la journée des pauvres organisée par le Service de la Solidarité, l’engagement des jeunes au sein de l’Hospitalité N-D de Lourdes, la collaboration du CMR avec d’autres Services, les MAF, la Mission Rurale, la Mission Ouvrière ; la collaboration entre l’ACO et la Formation Permanente sur le travail ; la collégialité vécue au sein du CCFD-Terre Solidaire… 
· En paroisse, les moyens pour la mission sont fondamentaux : locaux, communication... 
· Les pistes pour la mission en paroisse sont multiples. Ce n’est pas uniquement l’eucharistie dominicale ! 
· Les liens sont à cultiver (avec les autorités civiles, les associations diverses, …). Sur l’ensemble des contributions, il est intéressant de relever des thèmes récurrents : 
1. Les jeunes (cités 198 fois). Majoritairement, les contributions déplorent l’absence des « jeunes » et une Eglise vieillissante. Pourtant, les ainés souhaiteraient « partager leurs rêves et leur expérience » avec les jeunes générations. Mais comment les toucher ? Moderniser l’Eglise ? Célébrations plus vivantes (chants plus dynamiques, flashmob…) ? Mieux les accueillir lors de demandes de sacrements ? Leur donner une place dans les instances de réflexion et d’organisation. 
2. La formation (62 fois). Il semble qu’il y ait une prise de conscience de l’importance d’une meilleure formation pour tous les membres engagés dans un service d’Eglise, quel qu’il soit. Certains y intègrent les prêtres. Il y a un désir de moins de cléricalisme et de plus d’échanges clercs/laïcs, plus de participation aux décisions et de co-responsabilité, fondement de « la confiance avec les partenaires de la mission ». 
3. La liturgie (49 fois). Les contributions retiennent le caractère central de la liturgie, « Prières et liturgies sont avant tout source de vie (…) apaisent, guident et nourrissent notre quotidien (…) C’est l’ensemble de la communauté qui célèbre ». Mais les appréciations sont diverses et parfois divergentes. Pour certains, « besoin d’une liturgie dont la dignité nous aide à pénétrer dans ce mystère de silence pour entrer dans l’adoration, de grandeur pour nous rappeler ce qui nous dépasse (…), d’intériorité ». D’autres, trouvent les messes « ennuyeuses, trop ordonnées (…), figées » et souhaitent « mettre en veilleuse les traditionnalistes », introduire plus de « mixité culturelle », de « dynamisme », de « lien avec les fidèles » qui assistent «passivement » aux célébrations. Il est regretté le peu de jeunes, « pas faciles à intégrer ». 
4. L’homélie (40 fois). Beaucoup insistent sur le rôle de formation des homélies, de soutien de la vie spirituelle. Déceptions et insatisfactions, parfois contradictoires, sont exprimées.
5. L’autorité (39 fois). Les communautés religieuses vivent l’autorité « dans la prière et l’invocation à l’Esprit Saint pour avancer ensemble ». Pour certains fidèles, l’autorité est liée au cléricalisme qui serait « une manière déviante de concevoir l’autorité ». Il y a une aspiration à une « réelle ouverture, à la co-responsabilité (…), à une autorité au service de la base », sans pour autant « fragiliser l’autorité du curé ». 
6. Le cléricalisme (17 fois). Le cléricalisme est le fait tant des clercs que des laïcs, tous deux « acteurs et victimes ». Il minimise le rôle des laïcs redevenus de simples exécutants. Dans certaines paroisses, il revient en force. D’autres paroisses s’y opposent pour « participer au mouvement contemporain » et éviter les rites identitaires déconnectés de la réalité, les abus de pouvoir et d’autorité et les abus sexuels. 
7. Les diacres (24 fois). Deux questions reviennent plusieurs fois : Pourquoi pas de femmes diacres ? Pourquoi ne pas autoriser les diacres célibataires à se marier ? 
8. Les périphéries (19 fois). Aller vers les périphéries est un encouragement à les rejoindre dans un esprit évangélique, comme l’a fait l’Évêque cette année avec Service diocésain de la Solidarité. Mais certains se demandent comment s’y prendre. « On ne peut que reconnaître que nous sommes bien-nés et qu'il est difficile de croiser les chemins ». 
9. D’autres thèmes ont été abordés, tel le célibat des prêtres qui divise, les Fraternités Missionnaires à développer dans le diocèse, le rapport de la CIASE qui redit l’importance du dialogue dans l’Eglise, « des échanges s’imposent pour redevenir crédibles dans le contexte du scandale des abus divers », l’écart entre le discours de l’Eglise et celui de la société qui, pour certains, expliquerait la désaffection des jeunes. 

Il est fait état de blocages divers, d’incompréhensions certaines, de freins : 
· Face à l’individualisme des demandes sacramentelles et devant la diversité de réponses des paroisses, comment avoir une plus grande cohérence diocésaine ? « Les prêtres pourraient former une grande équipe unie au sein du diocèse » 
· Pour certains, les règles canoniques sont parfois contraignantes, mal vécues et à changer. 
· « On a parfois du mal à se parler, à dire les désaccords, à exprimer les non-dits, à s’écouter. On peut manquer de bienveillance ». … 
· La relation prêtre-laïc est parfois difficile. Des constats sont peu réjouissants : 
· Un certain pessimisme domine, des inquiétudes sont manifestes : effectifs en baisse et vieillissement, difficultés à témoigner, à transmettre la foi, à rejoindre les familles et les jeunes, églises inutilisées dans le rural… 
· La parole de l’Eglise apparait en décalage sur un certain nombre de domaines de société : sexualité, place des femmes, divorcés-remariés, … 
· Œcuménisme et dialogue inter-religieux : nous avons à progresser ! « Pour ce dialogue, commençons par bien nous connaître ainsi que les textes du Concile Vatican II ». 
· L’Eglise qui progresse n’est pas suffisamment visible. 

QUELLE REALITE ACTUELLE DE LA VIE SYNODALE ? 
A. Ombres : 
· Attention au cléricalisme dont nous sommes tous acteurs et responsables… 
o « Le cléricalisme est un état d’esprit qui sera long à faire évoluer, car il arrange aussi bien les clercs que les laïcs » 
o « Attention au cléricalisme qui revient en force… prêtres et laïcs sont tous membres d’une même communauté, baptisés avec des missions différentes et complémentaires » 
o « Savoir ne pas entretenir le cléricalisme est l’affaire de tous ; parfois les laïcs préfèrent déléguer au prêtre et ils le mettent sur un piédestal » … Autoritarisme et rigidités sont des freins au renouvellement. 
o « Trop de laïcs, qui ont participé à un Conseil paroissial, Conseil pastoral ou EAP ont eu une expérience décevante. Et ceux qui acceptent d’y participer avec des curés autoritaires sont soit des personnes qui partagent les mêmes idées, soit des personnes pour lesquelles l’autorité du curé est quelque chose d’absolu dans quelque domaine que ce soit ; ils ne reflètent pas la mentalité de tous les paroissiens, et n’apportent pas une ouverture suffisante vis à vis de « ceux qui dérangent ». 
o « Dans notre paroisse, le prêtre ‘’ reprend ‘’ son rôle d’autorité et minimise le rôle des laïcs qui deviennent des serviteurs, des exécutants ; on leur demande de moins en moins leur avis ». … Conservatismes et préjugés sont tenaces. 
o « Les préjugés d’un côté ou de l’autre font obstacle à une bonne écoute. » 
o Des personnalités bien en place peuvent constituer des obstacles à de nouvelles initiatives. 
· Attention aux personnalisations excessives de la mission ! 
o Comment assurer une continuité pastorale lorsqu’il y a changement de curé ? o Le dynamisme des paroisses, des Secteurs pastoraux et des doyennés varie suivant les personnes responsables (ministre ordonné/laïc). 
o Dans certains lieux, Conseils de paroisse et assemblées annuelles ne se tiennent pas ou plus. 
o « Le fonctionnement de nombre de paroisses tend à être celui d’un groupe de gens qui se ressemblent et qui se trouvent bien ensemble, au lieu d’être un lieu de rencontre de gens différents qui s’enrichissent de leurs différences et qui sont prêts à aller aux périphéries ». 
· Attention aux manques d’écoute ! 
o Les manques d’écoute, les murmures et les non-dits sont à déplorer. 
o Certains reconnaissent qu’ils ne sont pas suffisamment à l’écoute des pauvres et des exclus. 
o Il faut veiller à la régulation de la parole, car la prise de parole n’est pas évidente pour tous. 
o « Certains préjugés et stéréotypes peuvent faire obstacle à notre écoute … Nous devons rester ouverts, attentifs, et respectueux à l’écoute de tout le monde. L’Esprit parle au cœur de chacun, chacun à quelque chose à dire ». 
B. Lumières : 
· Notre premier compagnon de voyages, le Christ o Pour tous, l’Eucharistie est au centre de la vie chrétienne. Si nous pouvons être sensibles à différentes manières de la célébrer, elle n’en demeure pas moins le cœur de notre foi. o Beaucoup redisent l’importance de liturgies dominicales, vivantes et vivifiantes. o L’Ecriture est tout aussi essentielle. Les groupes bibliques, de partage de la Parole de Dieu, d’« Evangile dans les quartiers », de relecture, donnent du dynamisme. o Apprendre à invoquer l’Esprit Saint est une requête de certains. 
· Nos compagnons de voyages au sein de la communauté chrétienne o A l’occasion des demandes à l’Eglise (baptêmes, mariages, funérailles…), « les églises se remplissent ! », « les périphéries frappent à notre porte ! ». C’est bien la mission qui nous est confiée par le Christ. o Le processus d’évangélisation se vit dans l’accompagnement d’une demande sacramentelle (de l’accueil à la préparation, jusqu’à la célébration puis dans le suivi). o Les différentes formules de « dimanches en paroisse » (pique-niques, balades, co-voiturage, etc…) sont des occasions de rencontres conviviales, structurantes de la communauté chrétienne. On peut parler de « pastorale de la fourchette » ! o D’autres rencontres paroissiales sont appréciées : pèlerinages, marches, groupes Alpha, patronages… o La dimension intergénérationnelle (rencontres paroissiales, visites des jeunes dans les EPHAD, rencontres de catéchèse…) participe de l’évangélisation au sein de la communauté. o Pourquoi pas des échanges avec une autre paroisse (jumelage) ? 
· Nos compagnons de voyages au sein dans la société humaine « Pour être compagnons, il faut oser dépasser les affinités ». 
o L’engagement dans le tissu local se traduit par une reconnaissance (partenariat pour des salles paroissiales à d’autres associations, aide aux devoirs, municipalités, implication dans les CCAS,…). Une paroisse fait appel à un lycée professionnel par un concours d'art pour rénover la crèche. Une autre participe à un collectif « Vivre ensemble ». 
o La Communauté Locale permet la proximité, une implication dans le tissu local, même si peu le vivent aujourd’hui. Les fêtes de village, ou patronales, en sont l’illustration. 
o Des élans missionnaires tels que les « Opérations Portes ouvertes » et des débats sur des sujets de société participent à l’édification du bien commun. 
o Vivre dans les églises des concerts, des manifestations culturelles, l’accueil des touristes participe de cette ouverture à la société et à l’évangélisation. 

REVES, ENVIES ET DESIRS 
A. Dans la vie des communautés 
1) Ne nous laissons pas voler l’Évangile ! 
· Ecoutons communautairement la Parole de Dieu, c’est fondateur ! Des groupes de partage de la Parole de Dieu existent. Ils ont à essaimer… 
· Accordons toute sa place à l’homélie. « Une Eglise où le ministère de la Parole soit partagé largement en faisant intervenir des laïcs durant l’homélie ». 
· Que toutes les personnes en responsabilité soient formées, obligatoirement. Des lettres de mission au niveau paroissial, assorties de relectures, pourraient l’authentifier.

2) Ne nous laissons pas voler l’idéal de l’amour fraternel ! 
Accompagnons les personnes en leur parlant d’amour ! Soyons « l’Eglise de la visitation des pauvres ». 
· Que tous soient accueillis inconditionnellement ( « divorcés », personnes LGBT, …) 
· Qu’une plus grande ouverture soit accordée aux femmes (« place des femmes », « servantes de l’autel », « diaconat »…) 
· Veillons à l’accessibilité matérielle pour les « personnes à mobilité réduite » 
· Vivons la solidarité au sein de la communauté : « Savoir nous entraider quand l’un de nous tombe ». 
· Que l’Eglise sache « s’épurer pour rester à l’essentiel du message du Christ qui demande de la simplicité, de la proximité, de l’authenticité » 

3) Ne nous laissons pas voler la joie de l’évangélisation ! 
· Beaucoup rêvent de célébrations plus joyeuses, d’autres de silence et de temps d’intériorité… 
· Certains évoquent des célébrations non-eucharistiques prises en charge par des laïcs. 
· Les Mouvements d’Action Catholique sont précieux : leurs intuitions sont à redynamiser. 
· Les Fraternités Missionnaires sont à prolonger dans chaque Communauté Locale. 
· Religieuses : « Oser témoigner de sa joie de vivre en Eglise. Donner à ceux et celles qui nous entourent une image de notre dynamisme intérieur et notre confiance dans la vie ». 
4) Ne nous laissons pas voler l’espérance ! 
· Soyons plus à l’écoute de ce qui se vit dans la société. 
· Simplifions notre vocabulaire, évitons de jargonner. 
· Heureux de l’expérience de synodalité vécue, certains en redemandent. 

B. Sur les ministères, la vocation de chacun 

1) Le ministère ordonné 
· Recentrer le prêtre sur l’annonce de la Parole de Dieu, la présidence de l’eucharistie et « passer le quotidien aux laïcs ». « Est-ce que le prêtre doit obligatoirement tout superviser ? » 
· Souligner l’importance de l’homélie pour chaque ministre ordonné dans la liturgie pour la vie chrétienne de chacun. 
· Articulons Eglise hiérarchique, Eglise ministérielle, Eglise charismatique ! 

2) D’autres ministères 
· Valoriser les ministères institués (lectorat, acolytat, catéchistes…) 
· Favoriser l’émergence de nouveaux ministères (par l’envoi de lettres de mission, comme cela se vit pour les EAP). Les accompagnateurs du Service de la Vie spirituelle pourraient être reconnus ainsi. 
· Donner plus de place aux laïcs (hommes – femmes) dans les organes de décision.

3) Différentes requêtes concernant les ministères ordonnés 
· Ordonner des hommes mariés. 
· Ordonner pour un temps ou pour toujours ? 
· Ministères ordonnés pour les femmes. 
· Ne pas obliger les prêtres au célibat. 
· Pourquoi ne pas s’appeler « frère », y compris pour les diacres ? 
· Abandonner les signes extérieurs (col romain, soutane) et les titres (Mgr, Père…)

C. Formation 
· Enraciner la théologie des ministères ordonnés dans la vocation baptismale, selon l’enseignement de Vatican II : « Le sacerdoce baptismal est le fondement de tout et devrait être plus signifiant/signifié » 
· Honorer l’exigence et les demandes de la formation pour être à même d’exercer des responsabilités dans l’Eglise : « Se former fait partie de notre responsabilité de disciple missionnaire y compris dans la pédagogie, le langage, l’ordonnancement, les méthodes et l’organisation ». 
· Envisager diverses modalités : formations diocésaines, provinciales ou nationales, décentralisées ou locales, en présentiel ou en ligne.

 D. Liturgie 
· Soigner la proclamation des lectures dans l’action liturgique. 
· Avoir le souci « d’incarner » la prière universelle dans la vie quotidienne. 
· Sentir un accueil chaleureux dans l’assemblée, quelle que soit sa place, son origine. 
· Que nous puissions vivre cette citation : « L’engagement, éclairé par la prière et les messes, est inhérent à notre foi ». 
· Veiller à la diversité des prises de paroles dans la liturgie. Quelques remarques conclusives pour repartir ! A l’issue de l’assemblée pré-synodale, on note la satisfaction des participants devant la fidélité de la restitution faite par l’équipe diocésaine. Ceci ne peut pas ne pas interroger (NDLR) ! Si bon nombre de points de la restitution ne sont pas sujets à débat, il n’en reste pas moins que certains membres ont pu être affectés par des revendications et contestations dérangeantes. Dans le souffle de l’Esprit Saint, certains sont dans le constat et affirment ce qui leur semble important, d’autres ouvrent des portes et voient dans cette démarche des priorités et de l’espérance pour le chemin à poursuivre…

Diocèse d’Evreux
5 Mai 2022

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