« BOULEVERSÉS ET RÉSOLUS » : les évêques de France à Lourdes
09 nov. 2022Abus sexuels dans l’Eglise : "Le chemin pour guérir les colères et les inquiétudes sera long", reconnaît Mgr Eric de Moulins-Beaufort
Mgr Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques de France, a prononcé le discours de fin des travaux de la 90e Assemblée plénière des évêques réunie à Lourdes dans la matinée du 8 novembre 2022. Les évêques de France ont publié une lettre à cette occasion.
Dans le discours de clôture de l’Assemblée plénière des évêques de France, ce mardi 8 novembre, leur président est revenu sur les aveux du cardinal Jean-Pierre Ricard et les révélations de l’affaire Santier. Eric de Moulins-Beaufort a notamment relevé les dysfonctionnements et a annoncé notamment la création d’un "conseil de suivi" qui pourra accompagner la gestion de crise quand un évêque est mis en cause.
Mgr Eric de Moulins-Beaufort dans son discours de mardi est tout particulièrement revenu sur la question des abus, les aveux du cardinal Ricard et les révélations de l’affaire Santier, déjà évoqués la veille lors d’un point presse non prévu au départ :
"Nous sommes humiliés de constater que des actes de certains de nos frères, prêtres et évêques, et la manière dont ils ont été traités entre notre structure ecclésiale en France et jusqu’au Saint-Siège provoquent de la tristesse, de l’incompréhension, du dégoût, et empêchent beaucoup de vous de goûter la joie pure et rajeunissante de l’Évangile du Christ", a-t-il notamment déclaré.
Les évêques de France ont donc rédigé une lettre à destination des fidèles catholiques, en réaction à l'affaire Santier et aux aveux du cardinal Ricard. La publication de cette lettre a été annoncée à Lourdes, lors de la conférence de presse de Mgr Éric de Moulins-Beaufort dans le cadre de l'assemblée plénière des évêques.
Retrouvez la lettre des évêques de France aux fidèles catholiques :
Chers frères et sœurs,
Réunis en assemblée plénière à Lourdes, nous avons entendu la stupéfaction, la colère, la tristesse, le découragement suscités par ce que nous apprenons au sujet de Mgr Michel Santier, ancien évêque de Luçon puis de Créteil, et maintenant au sujet de Mgr Jean-Pierre Ricard, ancien archevêque de Montpellier puis de Bordeaux.
Nous sommes conscients que ces révélations affectent douloureusement les personnes victimes, en particulier celles qui avaient choisi de nous faire confiance. Nous constatons l’ébranlement de nombreux fidèles, de prêtres, de diacres, de personnes consacrées. Ces sentiments sont également les nôtres. Membres d’un même corps ecclésial, nous sommes nous aussi blessés, atteints en profondeur. Dans le cas de Michel Santier, nous avons vivement conscience des responsabilités qui nous reviennent et nous avons travaillé pendant notre assemblée à identifier les dysfonctionnements et les erreurs qui ont mené à une situation choquante pour tous.
Certains ont pu se demander si le droit de l’Église n’organisait pas une forme d’impunité ou de traitement particulier des évêques. Ils pensent, à juste titre, que la responsabilité épiscopale renforce chez ceux qui l’exercent le devoir de droiture et la légitime exigence des fidèles comme de l’institution ecclésiale. Nous le redisons avec force : il n’y a pas, et il ne peut pas y avoir, d’impunité des évêques.
En raison même de la nature de leur charge apostolique, les évêques dépendent directement du Saint-Siège. Les procédures qui les concernent sont plus complexes et prennent davantage de temps. Nous nous engageons à travailler avec le Saint-Siège aux clarifications et aux simplifications qui s’imposent. Nous avons décidé de mettre en place un Conseil de suivi qui nous permettra de ne pas affronter seuls et entre nous ces situations.
Certains s’interrogent : dans les circonstances présentes, quel crédit donner aux engagements pris il y a un an pour tirer les conséquences du rapport de la Ciase ? Nous pouvons en donner l’assurance : une transformation des pratiques est bel et bien en cours, avec l’aide de nombreux fidèles laïcs particulièrement qualifiés, dont des personnes victimes. Des décisions sont déjà prises et mises en œuvre. Diocèses et mouvements d’Eglise s’impliquent de manière plus construite dans la protection des mineurs. Les groupes de travail décidés il y a un an rendront leurs conclusions en mars 2023. Nous venons de faire un point d’étape avec eux au cours de cette assemblée. Ce travail de fond commence à porter du fruit. Nous continuerons sur cette lancée.
Une autre question habitait nos cœurs au début de l’assemblée plénière : y a-t-il, y aura-t-il d’autres affaires de ce genre ? La condition humaine étant ce qu’elle est, nul n’est à l’abri de fautes graves et dramatiques. Mais nous pouvons et nous voulons renforcer dans l’Église les processus qui les limitent au maximum et les traitent adéquatement quand elles surviennent.
Dans ce contexte, le communiqué du cardinal Jean-Pierre Ricard nous a tous bouleversés. Son initiative de révéler lui-même un fait grave de son passé est importante. Nous avons mentionné l’ensemble des situations que nous connaissons. Elles concernent des évêques qui ne sont plus en fonction. Elles ont toutes fait l’objet d’un traitement judiciaire.
Frères et sœurs, humblement mais de tout cœur, nous continuons le travail entrepris pour que l’Église soit une maison plus sûre. Les personnes victimes demeurent plus que jamais au cœur de notre attention. Vos attentes et vos exigences sont légitimes et vraiment entendues. Nous les accueillons comme venant du Seigneur lui-même. C’est tous ensemble, nous en avons conscience, que nous pouvons contribuer à une fidélité renouvelée à l’Évangile. Telle est notre détermination résolue. Telle est notre humble prière.
À Lourdes, le 8 novembre 2022