Arrivé en France il y a neuf ans, le jeune père de famille d'origine camerounaise, est arrivé à Vernon (Eure) en 2017. Il revient sur son parcours long et tumultueux.

 

Séverin Dosseu Fando, au côté de sa femme, Solange, et de ses deux enfants. Il est installé à Vernon (Eure) depuis 2017. ©DR

Séverin Dosseu Fando, au côté de sa femme, Solange, et de ses deux enfants. Il est installé à Vernon (Eure) depuis 2017. ©DR

« Je suis heureux avec ma famille à Vernon. »
S’il a le sourire aujourd’hui, la vie de Séverin Dosseu Fando, ancien réfugié et habitant de Vernon (Eure) depuis 2017, n’aura pas été un long fleuve tranquille.
Né à Bamenda, ville située au Nord-Ouest du Cameroun, le jeune homme décide de quitter son pays natal après avoir été confronté à plusieurs bouleversements dans sa vie familiale : la séparation de ses parents, puis le décès de sa maman survenu en mars 2011, poussent en effet Séverin à déployer ses ailes en 2012. « C’est elle qui s’occupait de moi au quotidien. Il fallait que je m’éloigne de cet endroit car la douleur était trop importante », confie-t-il. 

Blessé gravement au Maroc
Objectif de ce périple : tenter de rejoindre la France. Mais avant d’y parvenir, c’est un parcours semé d’embûches auquel va être confronté le jeune homme. Parti de Douala, capitale économique du Cameroun, il se rend ensuite à Yaoundé (au Nord du Cameroun) avant d’atterrir à Kano (Nigéria). « J’étais seul au début du voyage. Sur le chemin, j’ai été rejoint par d’autres jeunes comme moi qui essayaient de partir », raconte Séverin.
Il parvient ensuite à traverser le Niger pour rejoindre Tamanrasset, en Algérie.
Une fois arrivé au Niger, cela a été plus éprouvant pour nous. Pour le transport, c’était compliqué car on nous demandait de l’argent pour éviter la police de l’immigration. En Algérie, tout était bien organisé. Il existait une communauté africaine qui nous a pris en charge et donné des papiers d’identité pour pouvoir continuer d’avancer. J’avais dû payer un passeport malien.

Séverin Dosseu Fando, ancien réfugié arrivé à Vernon en 2017.
Dès lors, les ennuis se sont enchaînés pour Séverin. En Algérie, il tombe malade et ne doit son salut qu’à un compatriote qui l’a aidé à se soigner. « Je ne sais pas exactement ce que j’ai eu, c’était peut-être dû à la nourriture. Je n’arrêtais pas de déféquer du sang. Je remercie celui qui m’a permis d’avoir une seconde chance. »
Quelques semaines plus tard, Séverin tente de franchir un mur à la frontière du Maroc. Sa tentative se solde par de graves blessures occasionnées après une chute de huit mètres. 
Mais le courage et la détermination du Camerounais ne faiblissent pas. Une fois remis sur pied, il parvient à rejoindre un camp de réfugiés à Mélilia, une ville autonome implantée sur la côte Nord du continent africain, où il restera plus de trois mois. « Après ça, on nous a envoyé dans des maisons d’accueil et demandé où on souhaitait aller. » 
Obligé de dormir dans les toilettes publiques
Pour Séverin, le chemin est tout tracé : ce sera la France. « J’avais des amis déjà installés, et je leur ai demandé comment se passait la vie ici », indique-t-il. Son arrivée en France remonte à septembre 2014.
Parti d’Espagne, il se rend à Strasbourg où il s’installe dans un centre social pour mineurs. 
On nous avait donné des appartements mais ce n’était pas autorisé.

Séverin Dosseu Fando
Quelques jours après son arrivée, il est contrôlé par la police. Faute de pouvoir présenter des papiers d’identité, il est envoyé en centre de détention durant une vingtaine de jours et doit rejoindre l’ambassade du Cameroun afin d’être renvoyé dans son pays d’origine.
Hors de question pour celui qui aura vécu deux ans de galère de traversée en Afrique afin d’atteindre son but.
« J’ai pu m’échapper et je me suis retrouvé à Paris. J’ai pu prendre contact avec une communauté africaine à Château-Rouge mais je devais dormir dans les toilettes publiques la nuit », précise Séverin. 

Famille retrouvée en 2022
C’est à la suite d’une rencontre en gare de Saint-Lazare que son destin va basculer. Il est en effet repéré par un membre de l’Association d’entraide aux migrants (ADEM) de Vernon qui, touché par sa situation, va lui tendre la main.
« Grâce à cet accompagnement, il a été hébergé par une famille. Il a obtenu une promesse d’embauche en CDI à plein temps dans une boutique de réparation de téléphones à Paris et a obtenu un titre de séjour en 2018 », indiquait à l’époque le Père Denis Chautard, secrétaire de l’ADEM de Vernon.
Séverin arrive à Vernon en 2017, où il est hébergé par une famille camerounaise qui avait pu obtenir sa régularisation il y a une vingtaine d’années.
Dès lors, les planètes s’alignent pour Séverin Dosseu Fando. Lors d’un séjour organisé à Douala, il rencontre Solange, étudiante en 3e année à la faculté des sciences de l’université de cette ville. Le coup de foudre est immédiat entre eux et le couple donne naissance à un premier enfant, Denis (clin d’œil au père Denis Chautard, Ndlr), en novembre 2020.
Les deux tourtereaux scellent leur amour lors d’un mariage célébré au Cameroun, le 12 mars 2021. Preuve d’un soutien sans faille pour Séverin: attentif à sa situation, l’ADEM lance un appel à la solidarité en créant une cagnotte en ligne.
Objectif : financer le voyage de sa femme et de son fils pour qu’ils puissent le rejoindre à Vernon.

Regroupement familial
La somme nécessaire est réunie et le rêve devient réalité lorsque la préfecture de l’Eure autorise ce regroupement familial en novembre 2021 (sa famille le rejoindra en juillet 2022, Ndlr). 
Et depuis cette date, d’autres bonnes nouvelles se sont enchaînés pour Séverin : la naissance de son deuxième enfant il y a quelques mois, sans oublier le lancement de sa propre boutique dédiée à la réparation des téléphones mobiles à Paris.
« J’ai signé un bail commercial il y a un mois et je réalise actuellement des travaux, en espérant pouvoir ouvrir le magasin en août. Tout va bien en ce moment. Nous vivons dans une ville apaisée et confortable, parfaite pour l’éducation des enfants », conclut Séverin.

Julien Ducouret

Le Démocrate Vernonnais

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