Assemblée Générale de la Mission de France : lecture de l’Evangile de Matthieu chapitre 11

En préambule

Dans le cadre de la préparation de notre Assemblée Générale, j’ai reçu la demande d’un « fil biblique comme à Bible et Montagne » sur Matthieu 11.

J’y ai répondu favorablement par goût personnel pour la recherche, même aventureuse, et par souci d’essayer de donner à entendre quelque chose de la capacité de la lecture, en groupe, à sortir l’Évangile des mots usés, parce qu’exilés de leurs sources vitales.

Neuf personnes, sollicitées pour leur goût à lire ensemble, ont répondu à mon invitation, et nous avons embarqué. Y avait-il une unité à ce chapitre 11 ? La disparité apparente du texte a rendu ardue l’entrée dans la lecture. Mais, déjà, les questions soulevées avaient commencé à nous travailler, là où nous en étions, et nous poussaient à trouver de la place dans nos agendas pour continuer à chercher ensemble. Déjà, la Parole nous suscitait et nous entrions peu à peu dans son écoute.

C’est ce travail d’engendrement que j’ai prolongé dans l’écriture, seule cette fois. Il laisse bien des questions en pierre d’achoppement - pour une nouvelle lecture.

Isabelle Yon, juillet 2023

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 11, 1-6

« Quand Jésus eut achevé de donner ses instructions à ses douze disciples, il partit de là enseigner et prêcher dans leurs villes.

Or Jean, dans sa prison, avait entendu parler des oeuvres du Christ. Il lui envoya demander par ses disciples : « Es-tu “Celui qui doit venir” ou devons-nous en attendre un autre ? ».

Jésus leur répondit : « Allez rapporter à Jean ce que vous entendez et voyez : les aveugles retrouvent la vue et les boiteux et boiteuses marchent droit, les lépreux et lépreuses sont purifiés et les sourds et les sourdes entendent, les morts et les mortes ressuscitent et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ; et heureux, heureuse, celui, celle qui ne tombera pas à cause de moi !

 

Proposition de lecture

« Es-tu ‘Celui qui doit venir’ ou devons-nous en attendre un autre ? »

Nous connaissons bien cette phrase de l’évangile, trop peut-être pour reconnaître la question de Jean comme notre question. Est-il « Celui qui doit venir » ? Nous reconnaître dans la question de Jean pourrait rafraîchir nos âmes en peine dans la débâcle actuelle.

C’est un peu de cette fraicheur que nous avons cherchée avec un groupe de lecteurs tout au long du chapitre 11 de l’évangile de Matthieu, et dont je prolonge ici l’écho.

Le début du chapitre 11 nous situe donc de plain-pied dans un temps de

questionnement où une Parole pour vivre ! cherche son chemin - comme aujourd’hui peut-être ? Elle aurait pu se perdre, ce n’est pas le cas, et c’est déjà une bonne nouvelle.

D’abord, il y a la parole qui vient à Jean. Il a entendu parler des oeuvres du Christ. C’est dire s’il a continué à tendre l’oreille et à guetter, depuis sa prison. Il est resté solidaire d’une attente collective, celle d’un « nous » qui s’interroge sur la conduite à tenir : es-tu « Celui qui doit venir », ou devons-nous en attendre un autre ?

Jean ne doute pas que quelqu’un doit venir. Mais il n’est pas sûr que Jésus soit celui-là.

Il ne veut pas mettre sa confiance en n’importe qui. D’où vient son embarras ? Sans doute du fait que ce qu’il a entendu dire au sujet des oeuvres de Jésus ne coïncide pas avec son attente.

Quand nous espérons la venue de quelqu’un, nous ne pouvons pas nous empêcher de nous le représenter par avance. Nous lui prêtons des paroles, des attitudes. Et quand la personne tarde à venir, l’attente nous absorbe tout entier. Et le temps passe.

Pour Jean, dans sa prison, la question de savoir si Jésus est « Celui qui doit venir » revêt une forme d’urgence. Aussi ne se contente-t-il pas de laisser la Parole venir à lui, il la suscite. Il s’arrache à son attente en prenant l’initiative d’envoyer ses disciples interroger Jésus sur son identité.

Qui donc est ce Jésus ?

Comme Jean, Jésus est un maître qui a autorité sur des disciples. Mais sa parole n’est pas empêchée. Elle circule dans l’espace ouvert des villes, au gré des lieux où il se rend pour prêcher et enseigner. C’est dans ce mouvement de circulation de la parole que la demande de Jean lui parvient et qu’elle reçoit une réponse.

La réponse de Jésus à Jean n’est pas directe. Premièrement parce qu’elle est confiée aux disciples de Jean. Deuxièmement parce que Jésus ne dit ni oui ni non. Il répond de manière détournée, en demandant aux disciples de Jean d’aller rapporter à leur maître - non seulement ce qu’ils entendent mais également ce qu’ils voient.

La réponse de Jésus ne se limite pas à une parole à répéter fidèlement ; elle s’énonce comme une invitation à entendre et voir, parce qu’entendre et voir sont des actions faussement simples. Les situations d’emprise mettent en évidence notre difficulté à voir ce que nous voyons, et à entendre ce qui, pourtant, se dit en notre présence. Tout est là, mais nous ne discernons rien tant que nous n’avons pas appris à le reconnaître.

La réponse de Jésus aux disciples de Jean suggère qu’ils ont besoin d’apprendre à entendre et à voir. Jésus les enseigne : « Les aveugles retrouvent la vue, les boiteux et les boiteuses marchent droit, les lépreux et les lépreuses sont purifiés, les sourds et les sourdes entendent, les morts et les mortes ressuscitent, et la Bonne Nouvelle est annoncée aux pauvres ».

Quel enseignement tirer de ces paroles du prophète Esaïe citées par Jésus ?

D’abord, Jésus a une façon personnelle d’entrer dans la promesse des Écritures. Aux oreilles de ceux qui, comme Jean, attendent « Celui qui doit venir », les paroles d’Esaïe fonctionnent comme un signe de reconnaissance. Mais Jésus ne dit pas tout. Par exemple, il ne mentionne pas la libération des prisonniers, ni la vengeance de Dieu, ce qui ne peut manquer de questionner l’espérance de Jean et de ses disciples. Ensuite, Jésus invite à devenir capable d’entendre et de voir de grands bouleversements : le passage de l’aveuglement à la vue, du boitement au marcher droit, de la lèpre à la purification, de la surdité à l’entendre, de la mort à la résurrection.

Ceux qui semblent les plus disposés à opérer cette conversion de l’entendre et du voir, ce sont les pauvres. A eux, et eux seuls, la Bonne Nouvelle est dite annoncée. Parce que c’est à eux et eux seuls qu’elle peut l’être. Il faut avoir expérimenté le plus grand dénuement pour être en mesure d’accueillir en confiance les transformations promises, de l’ordre de l’improbable et de la vie jaillissante.

Il y a une chance à saisir, « heureux, heureuse, celui, celle qui ne tombera pas à cause de moi », mais la possibilité d’être scandalisé est clairement signifiée. Il est possible de croiser ‘Celui qui est venu’ sans le reconnaître, il est possible d’être arrêté par des apparences qui contredisent notre attente.

Serons-nous, sommes-nous trop riches de notre attente pour être en mesure de nous en détacher et d’aller ques-onner la Parole qui circule ? A l’heure où les fondations se dérobent, où le vertige de la déception nous saisit, où l’incompréhension et la colère nous déstabilisent, notre chance c’est peut-être que la réponse de Jésus ne coïncide pas avec notre attente - contrairement à celle des démagogues - et que nous soyons obligés d’apprendre à entendre et à voir ‘Celui qui n’en finit pas de venir’.

 

Évangile selon Matthieu, chapitre 11, 7-20

« Comme ils et elles s’en allaient, Jésus se mit à parler de Jean aux foules : « Qu’êtesvous allés voir au désert ? Un roseau secoué par le vent ?

Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un homme vêtu d’habits élégants ? Mais ceux et celles qui portent des habits élégants sont dans les demeures des rois et des reines.

Alors, qu’êtes-vous allés voir ? Un prophète ? Oui, je vous le déclare, et plus qu’un prophète. C’est celui dont il est écrit : Voici, j’envoie mon messager en avant de toi ; il préparera ton chemin devant toi.

En vérité, je vous le déclare, parmi celles et ceux qui sont nés d’une femme, il ne s’en est pas levé de plus grand que Jean le Baptiste ; et cependant le plus petit, la plus petite dans le Royaume des cieux est plus grand, plus grande que lui.

Depuis les jours de Jean le Baptiste jusqu’à présent, le Royaume des cieux se fraie sa voie avec violence ; ce sont des violents et des violentes qui le prennent de force.

Tous les prophètes en effet, ainsi que la Loi, ont prophétisé jusqu’à Jean. C’est lui, si vous voulez bien comprendre, l’Elie qui doit venir. Celui, celle qui a des oreilles, qu’il entende, qu’elle entende !

A qui vais-je comparer cette génération ? Elle est comparable à des enfants assis sur les places, qui en interpellent d’autres : Nous vous avons joué de la flûte, et vous n’avez pas dansé ! Nous avons entonné un chant funèbre, et vous ne vous êtes pas frappé la poitrine !”

« En effet, Jean est venu, il ne mange ni ne boit, et l’on dit : “Il a perdu la tête.” Le Fils de l’homme est venu, il mange, il boit, et l’on dit : “Voilà un glouton et un ivrogne, un ami des collecteurs d’impôts et des pécheurs !” Mais la Sagesse a été reconnue juste à ses oeuvres. »

Alors il se mit à invectiver contre les villes où avaient eu lieu la plupart de ses miracles, parce qu’elles ne s’étaient pas converties. »

 

Proposition de lecture

Après le départ des disciples de Jean, Jésus se met à interroger les foules sur ce qu’elles sont allées voir au désert. Qu’est-ce qui les a mises en mouvement ? Quelque chose de confus demande à être tiré au clair. S’il y a assurément beaucoup à voir au désert, il est curieux d’y chercher un roseau secoué par le vent ou un homme vêtu d’habits élégants.

Si la foule a pu chercher à voir une vedette à succès, elle ignore ce qu’elle a vu, à savoir un prophète, et plus qu’un prophète, « celui dont il est écrit ‘voici que j’envoie un messager en avant de toi pour préparer la route devant toi’ ». Cette parole lui a manqué pour voir réellement ce qu’elle a vu.

Sans cette parole de Jésus, la foule ne pouvait reconnaître à Jean la fonction de précurseur ni à Jésus celle d’Envoyé. A présent, Jésus s’assume des-nataire de la prophétie. Ce faisant, il précise la mission de Jean : tout préparer et remettre en ordre (Malachie 3, 1).

Pour ceux qui ont des oreilles et entendent, les rôles respectifs de Jésus et de Jean s’ancrent dans une histoire bien plus vaste que celle de deux personnes qui ont du charisme et dont on parle. CeBe histoire plus vaste se déploie en trois temps qui

cohabitent :

- Il y a le temps de la Loi et des prophètes, un temps de parole préparatoire où

Jean arrive dernier, après bien d’autres dont aucun n’est plus grand que lui.

- Il y a le temps du Royaume où le plus pe-t, la plus pe-te, est plus grand, grande

que Jean. Mais Jean reste sur le seuil du Royaume. Il ne franchit pas le pas. Car

ce temps ne s’inscrit pas dans la con-nuité du précédent. Ce n’est plus le régime

de l’annonce prophé-que, c’est un temps où quelque chose advient, un temps

où quelqu’un vient.

- Entre le temps de Jean et le temps du Royaume, il y a le temps de l’entre-deux,

ce temps intermédiaire de ques-onnement et de discernement. En ce temps

dominent la violence et l’incompréhension mutuelle. C’est le temps des rendez-vous manqués. Temps d’une génération comparable à des enfants qui en

interpellent d’autres et leur adressent des reproches. Temps où Jean et le Fils de

l’homme sont venus sans être ni accueillis, ni reconnus. Temps où Jésus invective

avec une rare violence les villes qui n’ont pas saisi le sens des miracles. Quelque

chose est désiré, profondément, quelque chose est attendu, mais dans des

contours qui génèrent de l’inertie et empêchent d’entrer dans le temps du

Royaume.

Dans cet entre-deux incertain, une ouverture est mentionnée, celle de la Sagesse, qui a été reconnue juste à ses oeuvres. Par-delà les volontés de bien faire incomprises, pardelà la violence, la réalité de la Sagesse finit par se montrer, par apparaître. Ça se fait.

Évangile selon Matthieu, chapitre 11, 25-30

« En ce temps-là, Jésus prit la parole et dit : « Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et intelligentes et de l’avoir révélé aux tout-petits. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance.

Tout m’a été remis par mon Père. Nul ne connaît le Fils si ce n’est le Père, et nul ne

connaît le Père si ce n’est le Fils, et celui à qui le Fils veut bien le révéler.

« Venez à moi, vous toutes et tous qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »

Proposition de lecture

Que s’est-il passé ? Comment Jésus est-il passé de l’invective à la louange et à

l’invitation à venir à lui chercher le repos de nos âmes ?

« En ce temps-là, dit sobrement le texte en guise de transition, Jésus prit la parole et dit ».

- « ce temps-là » est en continuité avec ce qui précède : c’est le temps où les miracles ont rendu flagrante l’absence de conversion. C’est le temps où Jésus aurait pu se décourager.

- Or c’est précisément « en ce temps-là », et non en un autre, en ce moment marqué

par la déception et l’impuissance, qu’un retournement s’est opéré en lui. Jésus

attendait que les villes de Chorazin, Bethsaïda et Capharnaum se convertissent.

C’est lui, à présent, qui convertit sa posture.

- « En ce temps-là », donc, Jésus s’ouvre à un tiers, un Père, vis-à-vis duquel il se

nomme Fils. Et quand il investit la place de Fils, tout change : la louange succède à

l’invective, des choses cachées se révèlent, la mission reprend un mouvement

d’expansion.

« Je te loue, Père, Seigneur du ciel et de la terre »

Tant que Jésus se situait dans un vis-à-vis frontal avec les villes, il demeurait en but à l’incompréhension. Quand Jésus investit sa condition de Fils et se tourne vers le « Père, Seigneur du ciel et de la terre », une autre lecture peut apparaître : malgré l’échec apparent, la seigneurerie du Père se révèle partout à l’oeuvre, au ciel comme sur la terre, et le Fils reconnaît la manifestation du Père dans sa disposition bienveillante à cacher ou révéler des choses, selon qu’on est sages et intelligents et intelligentes, ou tout-petits et toute petites : « Je te loue, Père (..) d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et intelligentes, et de l’avoir révélé aux tout-petits et toute-petites. Oui, Père, c’est ainsi que tu en as disposé dans ta bienveillance. »

Quand Jésus investit la place de Fils, le Père révèle « cela » dit le texte. De quoi s’agit-il ? « Cela », c’est vague. Le langage fait ressortir qu’il est impossible de préciser davantage. Le dévoilement ne supprime pas le voilement. L’un et l’autre co-existent.

Dans les villes, entre les personnes et en nous-mêmes, le révélé et le caché cohabitent, tout comme cohabitent la sagesse, l’intelligence et la petitesse.

Pour les parts, en nous, de sagesse et d’intelligence, le caché reste caché. Pour la part du petit en nous, il y a de la place pour la grandeur d’un Père et ce qu’elle révèle touchant à notre condition filiale.

Nous sommes tous fils ou fille de notre père. Mais le réaliser n’est pas aussi naturel

qu’on se le figure. Nous savons, bien sûr, que sans la semence d’un père nous n’aurions pas été conçu, mais aucune sagesse ni intelligence ne nous permet de nous reconnaître intimement fils, fille, de ce père-là, et non d’un autre.

Songeons à ce qu’une formule telle que « Tu es bien comme ton père » peut avoir

d’insupportable. Songeons également à ce que la parole « tu es mon fils, ou ma fille » a de puissant. Ces paroles pointent quelque chose de la relation filiale que nous pouvons avoir du mal à accepter ou qui nous structure. Elle interroge, en creux, la manière dont notre père a été père. Tant que nous étions un jeune enfant, cette manière ne faisait pas l’objet de notre questionnement. Tout ce que notre père nous faisait vivre, le meilleur comme le pire, était normal. Mais si nous nous reconnaissons comme son fils, sa fille, c’est que nous avons appris à nous situer par rapport à sa paternité quelle qu’elle soit. C’est que nous pouvons l’assumer. Nous sommes ce petit, cette petite, intérieurement disposé à vivre sans être à l’origine de nous-même.

Tout ce qui, dans notre expérience familiale et ecclésiale, a trait à la relation père-fils, fille, colore notre réceptivité à la bienveillance du Père et notre manière de nous tourner vers Lui.

Jésus, lui, est tout entier tourné vers le Père. Il y a entre eux une réciprocité totale. « Nul ne connaît le Fils, si ce n’est le Père et nul ne connaît le Père si ce n’est le Fils et celui, celle, à qui le Fils veut bien le révéler. » Il se peut que nous ne puissions entrer facilement dans l’intimité du Père et du Fils. Il se peut qu’elle nous demeure voilée parce que notre expérience ne nous a pas rendu la petitesse aimable. Il n’y a encore personne, en nous, pour prendre sa place de fils, de fille. Car s’il y a d’abord un Père, il ne peut être connu que parce qu’il y a un Fils.

Il se peut, donc, que nous tourner vers le Père soit un chemin semé d’embûches. Mais ici, Jésus nous donne à voir et à entendre que lorsqu’il son Père à sa place de Seigneur du ciel et de la terre, lorsqu’il prend sa place de Fils, cela le réjouit tellement qu’en Fils du Père il se déclare disposé à en accompagner d’autres dans la même expérience.

Au lieu de l’invective, la parole du Fils se fait invitation pleine de douceur et  d’espérance.

« Venez à moi, vous tous vous toutes qui peinez sous le poids du fardeau, et moi je vous donnerai le repos. Prenez sur vous mon joug et mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de coeur, et vous trouverez le repos de vos âmes. Oui, mon joug est facile à porter et mon fardeau léger. »

Quand la charge est trop lourde, que son poids nous tourmente, le Fils nous propose de nous mettre à son école. Comment ne pas laisser résonner en nos coeurs cette invitation à devenir son élève et à prendre son joug, à l’heure où les désastres écologiques, les risques de chocs meurtriers, et les scandales ecclésiaux, multiplient les occasions d’anxiété, de colère ou d’accablement ? L’image du joug est parlante : par cette pièce de bois qui unit deux bêtes pour une unique tâche, le Fils nous conduit. En le portant avec lui, sans crainte de nous égarer, notre fardeau s’allège.

Avouons-le, c’est presque trop simple : cela voudrait dire que si notre charge est lourde, si la loi qui nous guide nous blesse et nous accable, bref si nous ne trouvons pas le repos de notre âme, c’est que nous nous en mettons sur le dos plus que nécessaire. C’est qu’il est difficile de déposer son fardeau en confiance. Autrement dit, il est difficile de ne pas prendre la place du Père, de ne pas chercher à régenter, à contrôler, par peur de n’être rien. Nous n’avons pas encore investi notre position de fils, de fille, qui nous ouvrirait le chemin du Père, Seigneur du ciel et de la terre.

Es-tu celui qui doit venir ou devons-nous en attendre un autre ? Ce n’est plus à Jean mais à nous que Jésus répond ici en mettant en scène sa conduite de Fils qui seule peut révéler le Père. Il y a moins à faire que ce nous croyons pour être ce que nous sommes : un fils, une fille du Père, à l’encontre de nos idéaux de grandeur autant que d’humilité.

Permets, Père, que nous goûtions la joie contagieuse d’être tes fils et tes filles dans ce monde qui cherche ta bienveillance.

Pour le groupe de partage d’Evangile

Isabelle YON

 

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