Des cours d'empathie ?
05 oct. 2023Souvent, dans la conversation, la formule nous échappe. Par ces mots, nous sollicitons tout simplement l’empathie de l’autre : se mettre à la place d’autrui pour comprendre ce qu’il éprouve, ce qu’il vit, ce qui l’inquiète ou le tourmente. Dans la lutte contre le harcèlement à l’école, le ministre préconise que soient organisés des « cours d’empathie ». L’idée vient du Danemark où, semble-t-il, leur efficacité est reconnue.
On a quand même un peu envie de soupirer « Est-ce encore à l’école d’assumer cette part éducative ? Les parents ne seraient-ils pas mieux placés ? » De toute évidence, la famille est l’un des premiers lieux où le sentiment d’empathie doit se développer. Il suppose de rendre l’enfant attentif à son entourage, de solliciter son altruisme à l’égard d’un frère ou d’une sœur plus jeune, de lui apprendre à être disponible pour participer à la vie familiale, mettre le couvert, ranger ses affaires… Mille petits riens qui, avec le b.a.-ba des « s’il te plaît » et des « mercis », sont le terreau de l’apprentissage de la vie en société. Il semble pourtant, aux dires des éducateurs, qu’il faille suppléer les défaillances du milieu familial.
Ce « mets-toi à ma place » est pourtant la traduction triviale de la règle d’or portée par la plupart des grandes traditions religieuses et philosophiques, « ne pas faire à autrui ce qu’on ne voudrait pas qu’on nous fasse ». Alors, qu’est-ce qui cloche ?
N’idéalisons pas le passé. La violence des cours de récréation n’est pas une invention récente. Qui n’a pas été moqué pour un vêtement jugé ridicule, des lunettes, des boutons, une maladresse en sport ou de trop bonnes notes en maths. Les motifs sont variés et il y a toujours un ou une leader pour affirmer son autorité et se constituer une petite cour en montrant du doigt telle ou telle particularité. Le sentiment de faire du mal à l’autre peut-il modérer cette pratique ?
Pas si sûr. Il y a en chacun d’entre nous une méchanceté qui ne demande qu’à s’exprimer. Et les réseaux sociaux, en mettant la victime à distance d’écran, facilitent le passage à l’acte. Mais la vue de la souffrance réelle n’empêche rien. Il y a deux mille ans à Jérusalem, les passants moquaient le condamné au gibet : « Il en a sauvé d’autres, qu’il se sauve lui-même. » Ceux-là, comme nous tous, auraient eu besoin de réviser leur cours d’empathie.
Christine Pedotti
Rédactrice en chef de Témoignage Chrétien