Homélie du dimanche 26 novembre, Fête du Christ Roi
19 nov. 2023Évangile de Jésus-Christ selon saint Matthieu 25, 31-46.
« En ce temps-là, Jésus disait à ses disciples : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire.
Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs :
il placera les brebis à sa droite, et les boucs à gauche.
Alors le Roi dira à ceux qui seront à sa droite : “Venez, les bénis de mon Père, recevez en héritage le Royaume préparé pour vous depuis la fondation du monde.
Car j’avais faim, et vous m’avez donné à manger ; j’avais soif, et vous m’avez donné à boire ; j’étais un étranger, et vous m’avez accueilli ;
j’étais nu, et vous m’avez habillé ; j’étais malade, et vous m’avez visité ; j’étais en prison, et vous êtes venus jusqu’à moi !”
Alors les justes lui répondront : “Seigneur, quand est-ce que nous t’avons vu… ? tu avais donc faim, et nous t’avons nourri ? tu avais soif, et nous t’avons donné à boire ?
tu étais un étranger, et nous t’avons accueilli ? tu étais nu, et nous t’avons habillé ?
tu étais malade ou en prison… Quand sommes-nous venus jusqu’à toi ?”
Et le Roi leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous l’avez fait à l’un de ces plus petits de mes frères, c’est à moi que vous l’avez fait.”
Alors il dira à ceux qui seront à sa gauche : “Allez-vous-en loin de moi, vous les maudits, dans le feu éternel préparé pour le diable et ses anges.
Car j’avais faim, et vous ne m’avez pas donné à manger ; j’avais soif, et vous ne m’avez pas donné à boire ;
j’étais un étranger, et vous ne m’avez pas accueilli ; j’étais nu, et vous ne m’avez pas habillé ; j’étais malade et en prison, et vous ne m’avez pas visité.”
Alors ils répondront, eux aussi : “Seigneur, quand t’avons-nous vu avoir faim, avoir soif, être nu, étranger, malade ou en prison, sans nous mettre à ton service ?”
Il leur répondra : “Amen, je vous le dis : chaque fois que vous ne l’avez pas fait à l’un de ces plus petits, c’est à moi que vous ne l’avez pas fait.”
Et ils s’en iront, ceux-ci au châtiment éternel, et les justes, à la vie éternelle. »
Homélie
Sainte Thérèse de Lisieux nous dit que la beauté et l’innocence d’un regard d’enfant suffit à chasser tous les démons.
Témoin, cette histoire émouvante. Cela se passe pendant la dernière guerre, en France, à la suite d’un attentat contre un train de l’armée allemande. En guise de représailles, les nazis brûlent tout un village, maison après maison. Il ne reste plus qu’une seule chaumière où vit une famille avec un enfant de trois ans, Pierre. Lorsque le capitaine SS entre dans la maison, armé jusqu’aux dents, Pierre pense que c’est un jeu. Il court vers l’homme armé et lui attrape le fusil comme un jouet. L’Allemand est bouleversé d’émotion. Il enlève son casque et prend l’enfant sur ses genoux. Il lui souffle à l’oreille : « Moi aussi je suis papa d’un petit comme toi, en Allemagne. C’est fou comme il te ressemble… ! » Ce jour-là, la dernière chaumière ne brûlera pas parce qu’un guerrier sanguinaire était redevenu un humain.
Voilà comment un regard d’enfant a réussi à désarmer un homme violent pour lui rendre son humanité.
En face de Pilate, le regard de Jésus est le même. Le gouverneur romain, qui a pouvoir de mort et de vie, pour un instant, s’émeut… On le sent soudainement redevenir humain, vrai. Il cherche la vérité… Car la vérité, ce n’est pas une doctrine, c’est Dieu qui nous aime et qui nous permet ainsi de voir clair en nous-mêmes et dans nos choix.
La vérité, c’est Jésus blessé de nos blessures, pour que l’on puisse s’identifier à lui, se reconnaître en lui, et aller tout droit vers Dieu.
Si Jésus nous était apparu en roi, à la manière des grands de ce monde, on se serait soumis à lui, par crainte, tandis qu’un homme blessé, on est poussé à l’aider et à l’aimer…
Le regard de Jésus fait naître Pilate à son humanité et donc, à ses responsabilités d’humain : comment condamner un innocent ?
Ce regard est tellement perçant qu’il en arrive presque à reconnaître le Christ-Roi : « Alors, tu es roi ? »
Que veut dire « naître à son humanité » ? La réponse se trouve dans la parabole du « Bon samaritain » Un Samaritain qui s’émeut de voir cet homme à demi mort sur ce chemin entre Jérusalem et Jéricho. Il ne se demande pas qui il est, s’il est de son parti, et pourquoi il en est arrivé là… Son émotion le pousse à lui donner tous les soins possibles afin qu’il ne meure pas.
Jésus veut sauver Pilate, il veut l’arracher de sa prison, celle de son pouvoir, de son avoir, de sa réputation d’homme sanguinaire, lui rendre sa liberté.
Pilate est fort au dehors, il dépend du regard des autres, du pouvoir de la foule, des critiques de ses supérieurs. Alors, il a peur, il est faible, mou au-dedans.
Jésus est faible au dehors, mais fort au-dedans, il n’a pas peur de la foule ni de Pilate, il veut aller jusqu’au bout de l’amour, pour guérir en nous l’homme blessé, malade, mortel, affolé… Il est roi.
Malheureusement, Pilate se condamne lui-même par la suite en condamnant Jésus. Il refuse sa propre humanité. Il choisit l’animalité, la barbarie. Il cède sous la pression de la peur…
Le Christ-Roi nous donne la force intérieure pour aller jusqu’au bout de l’amour et de la vérité, même s’il faut, pour cela, subir les critiques, les condamnations et même la mort. Avec Saint Paul, nous pouvons dire : « Je peux tout en Celui qui me rend fort ! » N’ayons donc pas peur des terroristes de tout poil qui ne peuvent tuer notre âme et l’âme de tout un peuple, à condition que ce peuple soit relié à son Dieu ! Le moment est arrivé pour les chrétiens de dire leur espérance, de pointer le doigt sur ce qui, réellement, rend fort contre le mal.
Joël Pralong est prêtre du diocèse de Sion en Suisse et auteur de nombreux ouvrages de spiritualité.
Il est supérieur du Séminaire de son diocèse.