Photo de François Cassingena-Trévidy

Photo de François Cassingena-Trévidy

Ce soir, en mesurant la gravité de l'heure, je sors de mon silence rustique. Une grande clameur monte des tracteurs. Pas seulement des tracteurs, mais de la terre et des hommes de la terre. Une grande clameur monte de la terre, que le ciel devrait entendre. Que le ciel de nos politiques et de nos idéologues devrait entendre, bien au delà de tout appétit intéressé de récupération (un stage prolongé dans la bouse et dans son quotidien leur serait si profitable!...). Une clameur monte, qui vient de beaucoup plus loin et de beaucoup plus profond que ne le pensent ceux qui croient l'avoir entendue. De beaucoup plus loin et de beaucoup plus profond que ne peuvent le soupçonner, sans doute, ceux-là mêmes qui la poussent et qui n'ont que leurs tracteurs pour la faire entendre.
Avec ses grands machins, une mondialisation sans âme ni mains (dont on voit qu'elle nous apporte tout sauf la paix) est en train de tuer la planète. Pas seulement la planète, mais la terre (ce n'est pas tout à fait la même chose). Pas seulement la terre, mais les hommes de la terre. Elle tue inexorablement leurs rythmes, leur sagesse, leur culture, leurs traditions, leur vie de famille, de voisinage et de société, et les entraîne au désespoir.
Une grande clameur monte. Heureux ceux qui en entendent, pour la partager, pour y répondre efficacement, toute la profondeur et toute l'étendue. Il est temps de retrouver plus de sagesse. Plus de mesure. Plus d'humanité. Il est temps de rendre aux forçats de l'agriculture leur dignité de paysans et de la respecter (Jean Giono avait écrit une fort belle lettre sur la question).
Tous les tracteurs ont mon affection. Derrière chaque tracteur il y a un homme. Il y a des bêtes. Il y a des terroirs, des espaces et des horizons. Il y a le plus vieux et le plus noble métier du monde.
François Cassingena-Trévidy

Moine bénédictin à l’Abbaye de Ligugé

Professeur à l’institut catholique de Paris et au Centre Sèvres

Ermite dans le Cantal

Publication sur sa page Facebook le 24 janvier 2024

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