Homélie du dimanche 7 juillet 2024
30 juin 2024Lecture de la deuxième lettre de saint Paul apôtre aux Corinthiens (12, 7-10)
« Je mettrai ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure »
Frères, les révélations que j’ai reçues sont tellement extraordinaires que, pour m’empêcher de me surestimer, j’ai reçu dans ma chair une écharde, un envoyé de Satan qui est là pour me gifler, pour empêcher que je me surestime. Par trois fois, j’ai prié le Seigneur de l’écarter de moi. Mais il m’a déclaré : « Ma grâce te suffit, car ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse. » C’est donc très volontiers que je mettrai plutôt ma fierté dans mes faiblesses, afin que la puissance du Christ fasse en moi sa demeure. C’est pourquoi j’accepte de grand cœur pour le Christ les faiblesses, les insultes, les contraintes, les persécutions et les situations angoissantes. Car, lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort.
Evangile Marc (6, 1-6)
« Un prophète n’est méprisé que dans son pays »
En ce temps-là, Jésus se rendit dans son lieu d’origine, et ses disciples le suivirent. Le jour du sabbat, il se mit à enseigner dans la synagogue. De nombreux auditeurs, frappés d’étonnement, disaient : « D’où cela lui vient-il ? Quelle est cette sagesse qui lui a été donnée, et ces grands miracles qui se réalisent par ses mains ? N’est-il pas le charpentier, le fils de Marie, et le frère de Jacques, de José, de Jude et de Simon ? Ses sœurs ne sont-elles pas ici chez nous ? » Et ils étaient profondément choqués à son sujet. Jésus leur disait : « Un prophète n’est méprisé que dans son pays, sa parenté et sa maison. » Et là il ne pouvait accomplir aucun miracle ; il guérit seulement quelques malades en leur imposant les mains. Et il s’étonna de leur manque de foi. Alors, Jésus parcourait les villages d’alentour en enseignant.
Homélie
Quelques mots sur la deuxième lecture et ces lignes obscures de l’apôtre Paul. Nous ne saurons jamais ce qu’était « l’écharde dans la chair » qui le faisait tant souffrir : toutes les hypothèses ont été proposées, mais lui ne le précise jamais. On peut néanmoins en énumérer quelques-unes.
Lui-même, pour commencer, reconnaît avoir été malade : « Vous le savez bien, ce fut à l’occasion d’une maladie que je vous ai, pour la première fois annoncé la bonne nouvelle ; et, si éprouvant pour vous que fut mon corps, vous m’avez montré ni dédain, ni dégoût. Au contraire, vous m’avez accueilli comme le Christ Jésus » (Galates 4, 13-15).
Une autre source de souffrance fut incontestablement pour lui le rejet de la bonne nouvelle par ses frères de race. « J’ai au cœur une grande tristesse et une douleur incessante » écrit-il aux chrétiens de Rome.
On peut aussi imaginer une autre source de souffrance secrète, la culpabilité, le remords d’avoir été dans un premier temps, le persécuteur des chrétiens de la première heure. Oui, comment être aimé quand on a lapidé ? Lorsque Paul a prié, par trois fois, comme Jésus à Gethsémani, pour que cette souffrance s’éloigne de lui, le Seigneur lui a simplement répondu : « Ma grâce te suffit : ma puissance donne toute sa mesure dans la faiblesse ».
Jésus nous rejoint au cœur de nos fragilités, au cœur de nos pauvretés. Il attend de nous des mains ouvertes pour accueillir toute sa force d’aimer et de vivre. De la sainteté désirée à la pauvreté offerte.
Cette fragilité, cette humilité, cette vulnérabilité n’est-elle pas en Dieu lui-même?
Dieu prend le risque de n’être pas entendu. Les habitants de Nazareth ne désirent pas sortir de leurs préjugés ni de leurs routines. C’est tout de même étonnant :
Jésus s’étonne du manque de foi des gens de son pays. Pourtant, ils croyaient tous en Dieu, dur comme fer, les compatriotes de Jésus qui s’étaient réunis à la synagogue. Ils avaient la foi chevillée au corps, comme on dit. Pas la moindre trace d’une hésitation ou d’un doute. Ils adoraient Dieu, créateur du monde et maître de l’histoire. A l’époque, il n’y avait pas d’athées ou d’incroyants.
Alors, y aurait-il foi et foi ? Sans doute. Celle que réclame Jésus, ce n’est pas seulement la foi en Dieu héritée du passé, c’est la foi en lui, le charpentier du village.
Est-ce possible qu’un artisan dont on connaissait les parents et tout le cousinage demande pour lui la foi qu’on ne donne qu’à Dieu ? Par-dessus le marché, la foi qu’il voulait, ce n’était pas des croyances, mais le bouleversement de l’existence. Il fallait, disait-il, le suivre, donner et se donner, aimer jusqu’aux ennemis. Laissons-nous étonner par le visage de Dieu que Jésus nous a révélé. La foi n’est pas d’abord une doctrine à professer, mais quelqu’un à rencontrer, à connaître, à aimer. Quelqu’un qui nous invite à de nouvelles relations, à des liens non plus fondés sur le sang mais sur une fraternité nouvelle.
« Ma famille nous dit Jésus, ce sont ceux qui écoutent la Parole de Dieu ». Jésus nous invite à reconnaître en celui qui est différent de nous, dans le visage de l’étranger, son propre visage. L’avons-nous compris ? Nous rejetons Jésus hors de nos villages, hors de nos villes, hors de notre pays lorsque nous rejetons l’étranger. Jésus est le vivant, le premier né d’une humanité nouvelle, celui qui a tout ouvert sur une issue de lumière, celui qui nous invite à croire en l’homme, en tout homme.
Louis DURET
Prêtre du Diocèse de Savoie