Burkina: l’église de Kaya appelle au recueillement et à la solidarité après le massacre de Barsalogho
30 août 2024Interview avec Mgr. Théophile Naré, évêque de Kaya. Barsalogho, où s'est produit un massacre samedi dernier, dépend de son diocèse. Il parle de la violence et des façons d'en sortir.
Au Burkina Faso, c'est toujours la colère, la tristesse et la consternation, plus de quatre jours après l'attaque djihadiste qui a visé la ville de Barsalogho, dans le Centre-Nord du pays.
Dans un message pastoral, l'évêque du diocèse de Kaya, dont dépend Barsalogho, appelle au recueillement, ce mercredi, et à la solidarité.
Monseigneur Théophile Naré juge la situation humanitaire critique dans la zone. Il affirme que l'attaque de samedi est une tragédie d'une ampleur sans précédent au Burkina Faso.
DW : Pourquoi appelez-vous à une journée de deuil dans votre diocèse de Kaya, ce mercredi 28 août ?
J'appelle à une journée de deuil parce que, comme vous l'avez appris, il y a eu un massacre de gens, d'une partie de la population de mon diocèse dans la commune de Barsalogho. Et en tant que père de l'église Famille qui est là-bas à Kaya, j'ai estimé qu'il était de mon devoir d'appeler les fidèles de l'Église catholique et tous les hommes de bonne volonté à ne pas faire de ce qui est arrivé un non-événement. Il faut que nous montrions solidaires de ceux qui ont péri et de ceux qui souffrent.
DW : Monseigneur, dans quel état d'esprit se trouve la population de la région quatre jours après ces massacres?
Le peuple est abattu. C'est évident. Qu'est-ce que vous voulez devant un tel drame, quels sentiments peut-on éprouver sinon l'abattement, le découragement? Et il y a de grands pourquoi? Pourquoi est-ce arrivé ?
Si vous suivez l'actualité, vous savez que ce n'est pas la première fois qu'il arrive une tragédie. Mais à ce que je sache, il n'y a pas encore eu une tragédie de cette ampleur-là depuis que les attaques terroristes ont commencé et sévissent dans notre pays. C'est vraiment terrible.
DW : Et comment se fait la prise en charge des victimes?
Dès que j'ai appris le drame, je me suis rendu au CHR de Kaya et j'ai vu que ceux qui avaient été déjà transportés, il y en avait un certain nombre. On m'a dit que d'autres étaient sur le point d'arriver et donc tout le personnel soignant du CHR était à pied d'œuvre pour prendre en charge les blessés.
DW : Dans votre lettre pastorale, vous dites aux fidèles catholiques que Dieu n'y est pour rien dans le drame de Barsalogho et ne l'a pas voulu. Qu'est-ce que cela veut dire?
Mais cela veut dire que dans notre conception de Dieu, il n'est pas possible d'imputer à Dieu le mal qui nous arrive, parce que Dieu ne veut pas notre mal, notre malheur. Nous, nous croyons en un Dieu d'amour, un Dieu bienveillant. Il n'est donc pas possible de dire que c'est Dieu qui a voulu que cela arrive.
DW : Vous dites également : Plus jamais ça. Est-ce suffisant ou faut-il des actions? Si oui lesquelles?
J'ai dit que nous devons parler, parler à Dieu dans la prière, parler entre nous et agir pour que cela n'arrive plus. Agir. Mais comment agir? En cessant par exemple, de nous trahir mutuellement. C'est une action. Il faut renoncer à ses intérêts égoïstes quand l'intérêt général est en jeu, il faut cesser certaines actions qui sont des compromissions avec le mal et avec les malfaiteurs.
DW : Qu'est ce qui expliquerait la difficulté aujourd'hui de l'armée à tenir sa promesse de protéger? Les civils et militaires sont là. Mais les massacres continuent.
Vous me posez là une question difficile à laquelle je ne peux pas répondre en fait, parce que je ne suis pas un chef militaire, donc je ne peux pas vous dire ce qui handicape l'armée. C'est l'armée qui peut le dire. Mais je ne peux pas dire à l'armée comment elle peut désarmer les terroristes.
DW : Pensez-vous qu'il y ait une autre option pour ramener la paix dans votre pays, le Burkina Faso.
Une autre option, c'est le changement des cœurs et des mentalités. C'est la tolérance, c'est le respect mutuel. Donc une autre option, je ne sais pas.
Vous voulez peut être dire qu’il faut, il faut négocier, il faut s'asseoir autour d'une table pour parler ? Vous savez, généralement les conflits se terminent comme ça. Mais il faut réunir les conditions d'un tel dialogue, d'une telle négociation.
Est-ce que les conditions sont réunies? Moi, je pense que ça commence par l'acceptation de l'autre, par la tolérance.
Là où nous sommes tous interpellés, où nous avons à nous convertir. Tant que l'armée aura en face d'elle des extrémistes, je ne sais pas si on peut envisager une négociation immédiate et directe.
Saleh Mwanamilongo
Journaliste au programme francophone de la Deutsche Welle