Homélie du dimanche 25 août 2024
18 août 2024Évangile de Jésus-Christ selon saint Jean 6, 60-69.
« En ce temps-là, Jésus avait donné un enseignement dans la synagogue de Capharnaüm. Beaucoup de ses disciples, qui avaient entendu, déclarèrent : « Cette parole est rude ! Qui peut l’entendre ? »
Jésus savait en lui-même que ses disciples récriminaient à son sujet. Il leur dit : « Cela vous scandalise ?
Et quand vous verrez le Fils de l’homme monter là où il était auparavant !…
C’est l’esprit qui fait vivre, la chair n’est capable de rien. Les paroles que je vous ai dites sont esprit et elles sont vie.
Mais il y en a parmi vous qui ne croient pas. » Jésus savait en effet depuis le commencement quels étaient ceux qui ne croyaient pas, et qui était celui qui le livrerait.
Il ajouta : « Voilà pourquoi je vous ai dit que personne ne peut venir à moi si cela ne lui est pas donné par le Père. »
À partir de ce moment, beaucoup de ses disciples s’en retournèrent et cessèrent de l’accompagner.
Alors Jésus dit aux Douze : « Voulez-vous partir, vous aussi ? »
Simon-Pierre lui répondit : « Seigneur, à qui irions-nous ? Tu as les paroles de la vie éternelle.
Quant à nous, nous croyons, et nous savons que tu es le Saint de Dieu. »
Homélie
Josué (1ère lecture) : Choisissez qui vous voulez servir : les dieux (au pluriel), ou bien le Seigneur (l’unique) ! Nous sommes en 1200 avant Jésus Christ, et Josué s’adresse à des tribus qui se retrouvent : il y a ceux qui n’on pas été déportés en Égypte et ceux qui viennent de rentrer de déportation.
Ceux qui n’ont pas été déportés se sont forcément installés dans leurs habitudes tranquilles. Ils ont moins souffert, moins bougé. Ils ont gardé leurs dieux païens, protecteurs de leur bétail, de leur terre et de leur sécurité.
Ceux qui ont vécu la déportation et qui viennent de vivre une histoire de libération, Il leur a fallu se bouger et sortir d’Égypte où l’esclavage avait tout de même des avantages. On se souvient des marmites de viande et des célèbres oignons d’Egypte. Ceux-là ont eu une expérience du Dieu qui les a fait bouger et vivre à plein, au prix d’exode et de traversée de désert dans tous les sens du terme.
En bref, les uns ont fait l’expérience des dieux qui protègent leur stabilité, les autres ont fait une expérience de Dieu qui libère, qui met en route, qui pousse à partir, à grandir, qui dérange. Il y a dieux et Dieu.
Aujourd’hui, il y a les deux en chacun de nous. On a tous l’expérience des premiers, de ceux qui sont restés sur place : on a peur de bouger, de partir, on préfère rester là, rester enfant, ne pas changer de travail, ne pas quitter nos habitudes, notre confort même relatif. Et c’est le chemin vers les intégrismes de toutes sortes. Impossible de comprendre l’Évangile d’aujourd’hui si on ne comprend pas ce qu’est une vie donnée, une libération, un arrachement, une mise en route. Si on n’entend pas Matthieu au chapitre 25 : “Ce que vous faites au plus petit d’entre les miens, c’est à moi que vous le faites,” on est alors avec ceux qui disent : “Intolérable qu’il nous donne sa chair à manger.”
Fort heureusement on a tous aussi l’expérience des seconds, de ceux qui se sont bougés pour vivre une expérience de libération. Quand on est père ou mère de famille, quand on se donne au service des autres, quand on ose se laisser déraciner, quand on ose prendre des responsabilités, donner sa vie, se faire manger, alors l’Évangile devient clair. Et il est évident que la vraie vie est là. Avec le Christ on est dans une lutte réaliste au milieu des sœurs et des frères pétris de chair et de sang. Et on comprend la réponse sans ambiguïté de Pierre : “Vers qui pourrions-nous aller ? Tu as les paroles de la vie éternelle.” Si nous lui emboîtons le pas, nous savons que nous sommes invités au partage, à l’ouverture. Car l’Eucharistie est une nourriture et non un remède ou une récompense. Et qui dit nourriture dit forces pour faire le travail soi-même. C’est comme une transfusion pour nous rendre capable de transformer nos existences, nos sociétés, nos communautés.
Et je laisse la conclusion à Gérard Bessière : « Jésus était de chair et de sang. Il fut tenté. Il connut la lassitude. Il se mit en colère. Il eut peur de la mort. Jésus n’était pas un être éthéré, entre ciel et terre.
Il ne refusait pas les invitations. Il racontait des histoires, brèves et vertigineuses. Il était capable de clouer le bec à ses adversaires, de chasser marchands et bétail à coups de corde sur l’esplanade du Temple, de donner de la voix en plein air pour parler à une foule. Il pouvait faire de longues journées de marche. Il aimait ses amis. Il lui arrivait de frémir, de bouillir intérieurement, de pleurer…
Ceux qui veulent lui emboîter le pas n’ont pas à s’évader de la vie, de notre pauvre et magnifique vie. Bien au contraire… Manger sa chair et boire son sang, c’est accueillir cet être si intense, c’est l’avoir dans la peau, dans le sang, comme dit la langue verte. Une transfusion de sang divin. Pour transformer nos existences, nos sociétés, le monde…
Car il respirait l’Esprit de Dieu. Il nous propose à jamais de prêter nos poitrines à ce souffle et de travailler obstinément à rénover la face de la terre. Lui qui était de chair et de sang, la chair et le sang de Dieu. »
Robert Tireau,
Prêtre du Diocèse de Rennes
1949-2022