"Transfiguration", peinture de Lewis Bowman

"Transfiguration", peinture de Lewis Bowman

Un visage défiguré et transfigurant

Sur la route qui mène à Pâque, l'annonce de la Passion s'entremêle à des expériences de lumière. Aujourd'hui comme hier, pour aider les disciples à tenir ensemble les deux pôles du mystère pascal. Pierre a reconnu en Jésus le Messie (9,20), le libérateur qui va instaurer le royaume car Dieu est de son bord, le Dieu des Pères. Ce Jésus à la figure triomphante, on est prêt à le suivre, à partir pour la gloire. Et pourtant, à la reconnaissance de Pierre, Jésus répond en parlant de souffrance, de mort et de croix (v. 21-24).

Puis Jésus se rend sur la montagne avec Pierre, Jean et Jacques. Il y va pour prier, comme Luc aime à le souligner aux moments importants de la vie de Jésus. Et voici que se déploie toute la mise en scène des manifestations du Dieu des Pères : montagne, nuée, présence de Moïse et Élie, voix céleste, crainte, gloire. Et Pierre de désirer s'installer près de ce Dieu glorieux. Mais qui est-il au juste ce Dieu ? Car les conventions établies pour nous dire la rencontre de Dieu vont nous dire autre chose que le prévu : l'exode, le départ, qui va s'accomplir à Jérusalem (v. 31), un Messie qui passera par la souffrance et la mort. Et la voix de ce Messie est à écouter (v. 35) : elle sera celle du Serviteur qui donne sa vie. Mais quel est donc ce Messie ?

Les signes officiels viennent déconcerter et non rassurer. Le vrai visage du Dieu des pères n'est pas celui du triomphe facile et écrasant mais de la faiblesse et du don. Transfiguration ? Oui, pour bouleverser notre image de Jésus-Messie, pour confirmer qu'il ne sera pas un Messie qui gagne, ayant de son bord le Dieu puissant et tous ses pouvoirs. Ce Messie prendra d'autres routes : le parti-pris pour la faiblesse et le dénuement, une solidarité extrême jusqu'à mourir.

Jésus transfiguré nous signifie l'avenir de l'humanité et du monde, mais transfiguré parce qu'il affronte l'abandon et donne le pardon. Visage de Dieu, parce que visage humain et blessé, visage sans masques, visage d'homme dépouillé. C'est cette faiblesse, cette dépossession généreuse, qui sont transfigurées, qui vont prendre sens et espérance. Et c'est dans le visage de l'homme dénudé, désarmé, que celui de Dieu va se découvrir. La transfiguration de l'humanité et du monde ne se fait pas sans assumer ses défigurations. Visage lumineux de Jésus le Messie, autre et déconcertant.

Daniel Cadrin, Frère Dominicain

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