19 septembre 2007
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Monsieur le Président,
Nous représentons des organisations de sensibilités diverses qui partagent, néanmoins, les mêmes préoccupations quant au sort
des étrangers en situation irrégulière qui vivent dans notre pays.
Nous constatons avec inquiétude des drames humains inacceptables dont le nombre ne cesse de grandir. Cela concerne des enfants
ou des jeunes adultes et leurs parents ou des personnes installées parfois depuis plusieurs années sur notre sol ; cela concerne aussi des réfugiés venus de pays où leur sécurité n’est pas
assurée et qui ont cherché asile sur le territoire de la République.
Nous n’ignorons pas que le Parlement a voté, à votre initiative, de nombreuses lois sur ce sujet et s’apprête à en voter une
nouvelle. Vous savez que nous n’approuvons pas ces textes qui se sont succédé et qui ne nous paraissent pas apporter une réponse pertinente aux questions que peuvent poser l’immigration ou le
droit d’asile. Mais ceci relève, au fond des choses, du débat public que nous appelons de nos vœux et qu’il appartient aux responsables politiques et aux citoyens d’engager sans démagogie et en
ayant toujours présents à l’esprit les principes de la République.
Ce sont ces principes qui nous imposent de venir vous dire qu’aucune politique ne peut conduire à bannir des enfants, à les
détenir dans des lieux nécessairement inadéquats ou à les séparer de leurs parents, qu’aucune politique ne peut conduire à pousser des personnes au suicide ou à mettre en danger leur vie par des
grèves de la faim qui sont la marque de leur désespoir.
A la vérité, c’est l’ensemble de la vie sociale qui est menacé par les pratiques actuelles. Nous voyons s’installer dans le
pays une suspicion généralisée qui, de proche en proche, concerne tout étranger, puis fait de celui qui ressemble à un étranger un suspect. C’est l’idée même de l’accueil de l’autre qui est
aujourd’hui mise en péril par la désignation de l’étranger comme un fraudeur potentiel, voire comme un danger pour notre pays.
De plus en plus de femmes et d’hommes, souvent même parmi celles et ceux qui peuvent approuver votre politique, se révoltent
contre le sort infligé à des personnes qui n’ont commis aucun crime. Les membres des forces de l’ordre commencent eux-mêmes à ressentir un profond malaise face à des considérations humaines
auxquelles ils ne peuvent rester insensibles.
Cette situation provoque l’incompréhension, quand elle n’engendre pas des conflits qui voient des hommes et des femmes se
rebeller contre ce qu’ils estiment, en conscience, relever de la force injuste de la loi, voire de l’arbitraire qui l’accompagne.
Avec eux, parce que ce que nous voyons se dérouler tous les jours sous nos yeux heurte nos valeurs, nous continuerons à être
aux côtés de ceux et de celles qui souffrent ou qui paient le prix de leur solidarité.
Nous voudrions vous entretenir de cette situation et de notre souhait, qui est pour nous un impératif moral, de voir respecter
la dignité et les droits élémentaires de toute personne vivant sur le territoire de la République.
Compte tenu des circonstances, vous comprendrez que nous rendions cette lettre publique.
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l’expression de notre haute considération.
A Paris, le 18 septembre 2007
Jean-Pierre DUBOIS, Président de la LDH
Laurent GIOVANNONI, Secrétaire général de la Cimade
Stéphane JOULAIN, Directeur du Service national de la Pastorale des migrants
Richard MOYON, Porte-parole du RESF